Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

vendredi 30 septembre 2016

mercredi 28 septembre 2016

Seul sur le sable

"Seul sur le sableu, les pieds dans l'o
mon rêve était trobo..."
Encore un Canadien !
On vous aime les mecs ! C'est pour ça aussi qu'on vous moque un peu...

Toute la fin du monde

Je voudrais juste compléter mon billet sur le film de Xavier Dolan,  Juste la fin du monde. À commencer par cet adverbe, utilisé de manière un peu impropre : juste. Ici c’est un anglicisme, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas l’employer, mais que son emploi est souvent un tic de langage. C’est un adverbe restrictif. Il vise à réduire la portée du sens de ce que l’on veut dire. Dans le titre, juste signifie que ce n’est  que la fin du monde. Étrange paradoxe. Je n’ai pas lu de glose sur le titre qui me paraît pourtant tellement plus fort que tout ce qui est filmé. La fin du monde comme un néant définitif. Qui parle, alors ? J’imagine que le narrateur est Louis, dans le film, celui qui sait et qui ne dit pas, parce qu’autour de lui tout concourt à le faire taire. Je crois qu’involontairement, Xavier réussit pourtant dans ce film raté à susciter toutes les évocations de non-dit. Je pense à Cris et chuchotements, d’Ingmar Bergman, qui est déjà loin dans l’histoire du cinéma. 1973, me semble-t-il. Plus près, Hana-Bi, de Takeshi Kitano. Les as-tu vus, Xavier ? Les exemples ne manquent pas, mais ce sont ces deux films qui me reviennent à l’esprit. La mort est programmée, dans un terme qui n’est pas tout à fait précisé. Qu’en fait-on ? Faut-il la noyer dans un flot de paroles vides de sens, qui ne servent qu’à essayer d’exister pour des personnes dont la vie quotidienne leur semble un grand vide de sens, dont on rend les autres forcément responsables?  Ce que rend l’expression « une vie de merde ». C’est ce que j’ai dit dans les premiers mots qui me sont venus à propos du film qui a voulu traduire l’incapacité de saisir ce que l’étranger à soi vient apporter, qu’on ne peut écouter, parce que la « vie de merde » occupe tous les trous du corps, et que ce qui sort par le trou qui produit réellement de la merde vient symboliquement occuper les autres trous qui voient de la merde,  qui entendent de la merde, qui sentent de la merde, qui pensent de la merde.
Le message de la mort qui s’annonce n’est pas en mesure d’être exprimé. Ce que dit le titre est que, finalement, ce n’est pas si important. La mort n’est pas importante, comme en fin de compte la vie n’est pas si importante. L’homme de théâtre, ou l’écrivain — ce n’est pas très clairement dit dans le film — qui vient annoncer sa mort montre finalement que ce qu’il a essayé d’être est sans importance. Je repense à ceux morts du sida. Ici, dans le film de Dolan, on n’est même pas sûr qu’il va mourir du sida. Mais on le suppose, parce qu’on retombe dans les poncifs sur les comportements gay (la mère, Martine : « Tu habites toujours dans le quartier gay ? »). C’est une mort désincarnée. Mais je repense à Hervé Guibert qui a mis en scène sa mort, par l’écriture, par l’image. C’était bien plus beau que ce que tu nous a fait, Xavier. Je crois simplement que tu ne sais pas ce que c’est que la mort, tu ne l’as peut-être pas vue d’assez près, et c’est pour cela que tu ne sais pas en parler. Le jour où tu sauras en parler, tu changeras le titre de ton film. Tu l’appelleras Toute la fin du monde, pas juste. Et là tu auras regardé quelques films, pas tous, ce n’est pas possible. Un jeune garçon comme toi n’a pas le temps de vraiment se constituer une érudition cinématographique. Le cinéma est à consommer, et tu n’as pas encore compris qu’une œuvre artistique existe dans la participation au dialogue que l’on réalise dans le choix des images, les clins d’œil à d’autres cinéastes, les références à la littérature. Sans cela, l’art n’a pas de sens, il n’est qu’une espèce de show de téléréalité transmis pour donner à croire que les logorrhées que tu as filmées sont l’écho du quotidien de merde que nos sociétés occidentales généralisées vivent aujourd’hui.
Eh oui, Xavier, je redis ce que j’écrivais il y a quelques jours : tu as fait un film de merde, parce que, sans doute, c’est ce que demande le cinéma international aujourd’hui qui t’adule en croyant que tu es un petit génie. Non. Arrête de filmer pour l’instant. Prends le temps de vivre, de baiser les mecs dont tu as envie, prends les râteaux indispensables qu’on prend tous. Prends le temps de lire, de revoir les cinémas indispensables qui ont fait le septième art. Revois les Japonais, les Indiens, les Egyptiens, les Algériens, les Africains qui ont fait du grand art. Tiens, il y a même quelques Français. Et les Italiens, bien évidemment. Oublie un peu l’Amérique, j’ai cru un instant revoir ce film qui m’avait donné mal au crâne, Le déclin de l’empire américain, de Denys Arcand. Tu en as fait un remake, en moins bien. Parce que ce qui ressort, c’est aussi ce qui se passe dans le monde aujourd’hui : le sens du langage n’est plus en mesure de s’exprimer. Il n’y a de place que pour le monde post-warholien, et ce qui n’est pas monnayable n’a pas de sens.

Je sais bien qu’il n’y a pas beaucoup de probabilités pour que tu lises ces lignes. Néanmoins, si tu veux faire un film dont le sens essaie de raccrocher les lambeaux du passé aux limbes du futur, parle nous dans tes images de Federico Garcia Lorca : documente-toi, pénètre-toi de la manière dont il a vécu, de la manière dont il est mort. Et là, vois-tu, ce n’est pas d’un vague artiste désincarné que tu parleras, mais de poésie, charnelle, faite de chair et de sang. 
La critique du frère aîné refusant la culture symbolisée par l’anecdote du café que prend Louis à l’aéroport tombera d’elle-même, parce que si les artistes n’ont à parler que très vaguement de leur nombril, ils s’exposent à ce qu’on les renvoie à la lâcheté du rôle où on veut les assigner : des icônes dorées qui peuvent s’imaginer qu’elles ont découvert ce qu’il y a de sacré dans la nature humaine. Ou, pire, qu’il n’y a rien de sacré, dont on se débarrasse d’un revers de main, ou de film, parce que, en effet, l’excès de mots vides de sens ont pour objet de combler le vide. Mais on sait qu’il ne s’agit là que d’une autre illusion. Parce que la mort, qui est le sujet de tout, est bien réelle, et qu’il faut bien en parler, la nommer, mettre sur elle les images qui finissent par donner du sens à ce monde, comme un définitif Mausolée des amants.


*                *              *

Hana-Bi est certainement le plus beau film de Takeshi Kitano. Je ne vais pas le présenter. On peut trouver quelques informations sur Wikipedia ou Allociné. Mais je ne l'ai pas revu depuis sa sortie. Je garde le souvenir du paradoxe chez Kitano de la violence et de la tendresse. et infiniment de poésie.

samedi 24 septembre 2016

Saine piété


You want it darker

Leonard nous revient. Certains imbéciles disent qu'il s'agit d'un album de fin de carrière, car à 82 ans, le regard sur la vie n'est pas celui que peut avoir un jeune homme. Les cons.
Les choses sont-elles vraiment plus noires aujourd’hui ?
Il n'y a pas davantage de raisons de partir.

Ta voix m'accompagne depuis si longtemps, Leonard ! Just take another cigarette and let's drink another retsina wine !


jeudi 22 septembre 2016

Un raboteur de parquet

Quand est finie sa dure journée.

Juste la fin du monde

Putain, Xavier, c’est quoi cette merde ?!
Ciel, je suis grossier! A la mesure de mon énervement d’avoir vu ce soir ce film dont j’attendais tellement mieux après Mommy, où j’avais vraiment l’impression que Xavier maîtrisait parfaitement ce qu’on appelle la « grammaire » du cinéma, les plans carrés, etc.
Là, le truc, c’est les plans très serrés, gros plans, utilisés en champ – contrechamp, plongée, contreplongée pour susciter ce que certains critiques ont fort bien analysé, du désir ou du repoussoir dans les détails du visage. J’avais visionné, à sa sortie à Cannes, une vidéo de Gaspard (Ulliel), dont j’aime la qualité d’acteur, le côté réservé. Et j’avoue que j’avais très envie de voir ce film. Le même Gaspard était invité chez Augustin Trapenard lundi dernier, et, là encore, il s’est fait bon vendeur du texte tout d’abord, adapté de Jean-Luc Lagarce, et de la mise en scène et du filmage de Xavier Dolan. 
Il avait défendu d’abord le côté « langage vernaculaire » de Jean-Luc Lagarce, et la manière « spontanée » de filmer de Xavier, spontanéité à laquelle je ne crois pas. Il faut avouer que c’est vraiment raté.
Le texte est sans doute difficile à mettre en scène : texte de théâtre qui ne passe pas forcément très facilement au cinéma. On saisit alors trop nettement les séquences « sorties de scène », les jeux de gré à gré entre le personnage que joue Gaspard, Louis, et chacun des protagonistes.
Il faut revenir au prétexte de Jean-Luc Lagarce, homme de théâtre qui se savait atteint par le sida. Cet homme de théâtre, Louis dans le film, vient faire ses adieux à sa famille qu’il n’a pas revue depuis douze ans. C’est laisser supposer à quel point la famille est pathogène, et ça ne manque pas : la mère Martine (Nathalie Baye), hystérique à souhait, le frère, Antoine (Vincent Cassel), plus hystérique encore que sa mère, qui refait du Vincent Cassel, violent, haineux, misogyne, la sœur Suzanne (Léa Seydoux), que Louis a quittée lorsqu’elle n’était qu’une petite fille, et la belle-sœur  Catherine (Marion Cotillard) plus nunuche que jamais. Louis vient donc annoncer qu’il va mourir. Il est gay. Faut pas le dire. Faut rien dire d’ailleurs, et comme il ne faut rien dire, les dialogues insupportables sont une série de phrases tronquées, incompréhensibles puisque les gens ont décidé de ne pas communiquer, mais de rester groupés dans ce huis-clos. Quelques moments peuvent toutefois laisser entrevoir des pistes intéressantes : dialogue avec Martine, la mère, qui rompt avec son côté superficiel pour dire deux ou trois choses à son fils prodigue, dont le fait qu’elle ne le comprend pas, mais qu’elle l’aime ; ça ne va pas plus loin. Autre scène dans la voiture que conduit Antoine, à qui Louis a envie de lui communiquer peut-être ce qu’il n’a pas pu lui dire pendant sa jeunesse. Antoine est fermé à toute communication. On n’en saura pas davantage.
J’en garde l’impression d’un travail qui s’est fourvoyé dans une esthétique appauvrie, jouant sur quelques trucs de mise en scène dont ces fameux gros plans. La belle gueule de Gaspard Ulliel, taillé en lame de couteau, en prend un peu pour son grade : la cicatrice de la joue gauche devient presque obsédante, de même que ce petit relief que Gaspard porte sur une aile du nez. Quant à Vincent Cassel, je n’en retiens que le profil néandertalien aux bourrelets sus orbitaux associé à un débit logorrhéique abondant et une débauche de testostérone. On croirait que l’agressivité est sa seconde nature. Faut-il en retenir autre chose ? Que les familles, de manière générale, sont pathologiques et qu’il vaut mieux les fuir à tout jamais. Ça, on le savait. Quoi d’autre ? La bonne nouvelle, c’est quand on rate un film et qu’il faut se remettre à l’ouvrage pour en faire un bon. Les sujets ne manquent pas.


Xavier, si tu me lis…

mercredi 21 septembre 2016

Ti voglio bene assai

La villa Adriana. Un lapsus calami m'avait fait écrire "d'Este". (Je fatigue, mais j'ai des raisons. Un jour sans doute je dirai  tout) A Tivoli.
Les jeux de mots de Celeos sont de pire en pire (et non pas de plus en plus pire).
Enfin, c'est affligeant.

samedi 17 septembre 2016

Fuyons !

« Il se peut qu'on s'évade en passant par le toit... »


La ville - Constantínos Caváfis

La ville

Tu as dit : « J'irai par une autre terre. J'irai par une autre mer.
Il se trouvera bien une autre ville, meilleure que celle-ci.
Chaque effort que je fais est condamné d'avance ; 
et mon cœur - tel un mort - y gît enseveli.
Jusqu'à quand mon esprit va-t-il endurer ce marasme ?
Où que mes yeux se tournent, où que se pose mon regard,
je vois se profiler ici les noirs décombres de ma vie
dont après tant d'années je n'ai fait que décombres et gâchis. »

Tu ne trouveras pas d'autres lieux, tu ne trouveras pas d'autres mers.
La ville te suivra partout. Tu traîneras
dans les mêmes rues et tu vieilliras dans les mêmes quartiers; 
c'est dans ces mêmes maisons que blanchiront tes cheveux.
Toujours à cette ville tu aboutiras. Et pour ailleurs - n'y compte pas -
il n'y a plus pour toi ni chemin ni navire.
Pas d'autre vie : en la ruinant ici, dans ce coin perdu,
tu l'as gâchée sur toute la terre.

Constantin Cavafis - 1910
traduction de Dominique Grandmont




vendredi 16 septembre 2016

Fica, fica !

Décidément, on a beau leur dire que c'est du figuier, oui, du FIGUIER, on vous met de la vigne, et maintenant du lierre !
Figuier : ficus carica, ce n'est pas compliqué. Ce qui fait que leur prétendue pomme, il peuvent se la carrer... non, je vais rester poli.

Ficus carica : j'ai les mêmes à la maison.
Néanmoins, mesdames, messieurs, ce qui orna les attributs du plaisir de nos ancêtres communs, selon ce roman parfois plaisant à lire, la bible, c'est bien une feuille de ficus carica. Et devinez quoi qu'il y a derrière les feuilles de ficus carica ? Des figues, évidemment ! CQFD !


Jake Bugg - A song about love

Jake Bugg à Paris. J'ai déjà froid.


mercredi 14 septembre 2016

Au-delà des frontières

Mon copain blogueur Jeromo publiait il y a quelques jours une image de Sven de Rennes, m'apprenant du même coup son décès. Sven nous a quittés à l'automne dernier, laissant une véritable oeuvre dédiée à la célébration des amours des garçons qui avait à la fois un côté naïf et généreux. Son talent était réel et je crois qu’il arrivait à vivre de son art. On ne l'oubliera pas et je crois qu’il reste encore à le faire mieux connaître, parce qu'il exprimait, à travers ce regard sur des garçons idéaux, une véritable humanité que le monde gay a un peu de mal à exprimer aujourd'hui.
Salut à toi, Sven.  Respect à ta mémoire. Puisse le Net la faire durer longtemps.

Sven de Rennes 

Adresse à Paolo

Quand ils t’ont emmené, bafouant les engagements pris auparavant, je ne te connaissais pas. Est-ce ton nom, entendu sur les ondes, qui a résonné à mes oreilles, réveillant je ne sais quel
Γιάννης Τσαρούχης - Yannis Tsarouchis
souvenir d’une geste romantique ? Ceux qui résistaient à l’ordre social, à l’ordre moral se retrouvaient ainsi, au petit matin, poings menottés, maison dévastée, entraînés sans ménagement vers les geôles de l’ordre.
Les phalanges de l’ordre noir. Les couleurs de Bilal ont fixé cette peste d’abord européenne.

J’ai cherché sur la toile électronique. Les sites alors n’étaient pas aussi documentés qu’aujourd’hui et je n’ai pas trouvé ce qui m’aurait expliqué d’où tu venais, et pourquoi cette spirale de violence s’était déchaînée et t’avait entraîné à ton tour dans ce système répressif. La presse, imbécile comme toujours, s’est satisfaite de faits froids et pauvres. Elle t’oublia très vite.
 
Enki Bilal -  Les phalanges de l'ordre noir
J’ai cependant trouvé ta photographie où ton visage apparaissait. Tu étais entouré des policiers, ceux qui ne changent jamais et servent tous les régimes, quels que soit leur nature. En France, les gens les applaudissent parfois dans leur aveuglement volontaire.
J’ai blêmi devant ta beauté. J’ai vu encore le visage d’un garçon italien dont les jeux, en culotte courte, le faisaient courir derrière un ballon, plein d’une joie ensoleillée.
Tes boucles brunes couronnaient ton visage, ferme, décidé, et sûr de son bon droit.
Depuis j’ai lu ton histoire, rapidement. J’ai eu l’envie de te rencontrer dans ta prison, de te dire mon amitié, que nos pensées d’un monde éloigné de toutes ces oppressions et ces soumissions nous entraînaient vers les désillusions les plus amères. J’ai cherché à savoir dans quelle geôle tu te trouvais, comment tu passais tes journées, si tes amitiés, tes amours te soutenaient dans cet exil de l’Italie intérieure.

D’autres instances m’ont éloigné de la velléité de cette démarche.


Plusieurs années après, cherchant ton visage, j’ai vu celui d’un homme fatigué, aux yeux effondrés. Tes boucles sont devenues grises. Je me suis interrogé sur ce que l’on fait subir au corps pour qu’il abandonne ainsi les formes de sa jeunesse et de ses espoirs. Je sais toutefois que ton esprit reste ferme, que ce que tu combats est toujours présent qui te maintient dans ta certitude de ne jamais rien lâcher de ta dignité et de ton vouloir d’être — lo ferm voler q’el cor m’intra  d’Arnaut Danièl — et que tu vis près de Rome dans cette attitude dont ils ne pourront jamais rien atteindre de la beauté. Vers toi vont mes pensées.

lundi 12 septembre 2016

Du peuple des dunes


Léo - Y en a marre

Les médias me gavent : que de candidats pour l'élection présidentielle, y compris le sortant qui fait semblant de ne douter de rien ! Je me dis qu'il faut être dingue pour avoir envie de présider ce pays qui donne davantage envie de vomir que de jouir avec lui. Et tous ces dingues n'aspirent qu'au pouvoir, sachant que les décisions réelles sont prises par d'autres instances que celles des institutions devenues forcément non démocratiques. D'ores et déjà, la seule véritable attitude honnête est de refuser de participer à cette comédie. Peut-on vraiment faire croire, comme cela a été le cas il y a quelques années que voter permet de lutter contre l'accession au pouvoir de l'extrême droite ? Les mesures de l'état d'urgence sont instaurées dans le même sens : construire peu à peu un pouvoir ultra répressif. La mascarade du burkini (les crétins absolus qui veulent l'interdire pour libérer de force les femmes opprimées... ce pourrait être risible si ce n'était pitoyable !) et autres rodomontades valsiennes, le cynisme macronien ne sont qu'une invitation à rompre définitivement avec ce système institutionnel.

Que pourrait être la démocratie autrement ? J'en parlerai peut-être un jour...
En attendant, ce que dénonçait Léo est toujours d'actualité.

Le livre des trahisons, dirigé par Laurent de Sutter, vient de paraître aux Presses universitaires de France. Quarante intellectuels reprennent froidement, chronologiquement, la litanie des faits de cette fausse gauche, dont seule véritable avancée sociétale fut le mariage pour tous. En permettant, dans le même temps que les religieux les plus arriérés donnent une voix tonitruante à ce chapitre. Et ils veulent remettre ça, les arriérés, le 16 octobre prochain. Se mobiliser contre ces abrutis ne sera pas inutile.
Voici un résumé du bouquin :

« Le 15 mai 2012, François Hollande était élu président de la République française. Depuis, avec l’aide de ses différents gouvernements, il n’a cessé de multiplier les actions, les lois et les déclarations contraires à ce qu’il avait annoncé – et, surtout, contraires à l’idée la plus élémentaire de ce que peut être la gauche. Quarante intellectuels et écrivains se sont donc réunis pour dresser la chronique de ces trahisons et pour raconter, à rebours de l’épilepsie médiatique favorisant notre amnésie, quelque chose de la condition politique du présent. Du programme présidentiel au projet de loi El Khomri, des déclarations de Manuel Valls contre toute tentative d’explication au passage en force de la constitutionnalisation de l’état d’urgence, de la gestion de la jungle de Calais, jusqu’aux dictateurs invités par l’Élysée, à la lutte contre les prostituées et à la démission de Christiane Taubira, ce sont quatre années invraisemblables qui viennent de s’écouler. Ce n’est pas la première fois que la gauche a trahi la gauche, mais celle-ci pourrait bien être la dernière. »



dimanche 11 septembre 2016

Dans la blancheur des passages

Viola da gamba con tiorba

Laura Jeppesen à la viole de gambe et Catherine Liddel au théorbe présentent chacune leurs instruments respectifs. Enjoyez, cher(e)s ami(e)s. C'est en anglais, mais est-ce bien la peine de traduire?
Je ne me suis jamais essayé au théorbe. Trop compliqué à transporter en moto.
Il fait chaud : profitons de ce dimanche !


mardi 6 septembre 2016

Sur un beau drap

Un regard m'a troublé.

So long Marianne

Marianne Ihlen, la Marianne de So long Marianne, la chanson de Leonard Cohen, s’en est allée le 28 juillet dernier à Oslo. Leonard et elle étaient restés amis. 

Je crois qu’il avait raconté combien il lui était difficile de répondre à ce qu’on peut attendre de l’amant idéal, physiquement à l’opposé l’un de l’autre. On projette toujours tant de choses sur l’amant idéal, la maîtresse idéale. Ce qui reste important, quelle que soit la forme des éléments du corps, des jambes, des mains, du visage, du torse, où que puisse résider la force érotique de l’autre, c’est la capacité de témoigner du temps que l’on vit avec son esprit, et que le corps puisse traduire le présent et non ce qu’il a été. Quand la peau se fait plus sèche et moins souple, quand les yeux sont devenus fatigués et ne traduisent plus la brillance d’une espièglerie, quand les cicatrices se sont accumulées et datent chaque moment où le corps a souffert et saigné, alors le moment du basculement se prépare. Il faut passer vers un autre temps de l’âge, avant qu’il ne soit celui de la maladie.


La dernière fois que j’ai vu Leonard en scène, c’était à Toulouse, il y a déjà sept ans. Je me souviens d’un spectacle de plus de deux heures, d’une immense générosité. Il était alors âgé de soixante quinze ans. Sa voix était plus grave que jamais. La salle vibrait de toute cette force des textes et de la musique. Sharon Robinson l’accompagnait, et leurs deux voix si différentes apportaient tout ce contraste qu’on peut ressentir lorsque l’aube se lève. La nuit reste encore présente, porteuse des moments où on a pu digérer toutes les réminiscences qui tordent l’estomac, et les douleurs s’apaisent au même moment où apparaît la clarté du jour. Les deux ne pourraient exister l’une sans l’autre. Nycta kai iméra. Les voix de Leonard et de Sharon.

Marianne et Leonard à Hydra - années 1960

Dans le spectacle, il y eut So long Marianne. On y entend les arrangements, avec cette intervention du violon, le fiddle qui rappelle la période folk song d’où vient le Canadien. Un temps où il n’y avait pas à s’interroger sur le passé. Le futur se vivait au présent. Déjà Leonard était associé à la Grèce, sans doute une terre improbable entre la Jérusalem mythique et les feux de l’esprit entretenus par Dionysos. Marianne et Leonard vivaient aux beaux jours sur Hydra, une sorte de bateau arrimé définitivement dans la mer, où les rochers défendent de toute invasion intempestive les marins abrités là.
Marianne est partie. Il faut habiter son temps et savoir ne pas insister lorsque l’on ne comprend plus que le soleil, la mer, le chant des oiseaux parce que celui des hommes est devenu incompréhensible. Dans une adresse à Marianne, qui est un très court poème, avant qu’elle ne décède, Leonard a écrit : « Tu sais que je t'ai toujours aimée pour ta beauté et ta sagesse. Je suis si proche de toi que si tu tends ta main je crois que tu peux toucher la mienne. Mais maintenant, je veux juste de souhaiter un très bon voyage. Adieu mon amie. Mon amour est infini, je te retrouve bientôt ».

Je peux mesurer le chagrin de Leonard, qui n’empêche en rien son sens de la philosophie orientale : quand il lui dit « Je te retrouve bientôt », c’est au néant qu’il pense où s’efface l’idée même de l’individuation. Dans ces corps qui ne peuvent plus habiter leur temps, l’effacement est une belle image. Les traits du visage ont été lumineux, et les visages ont ri, en plein soleil, en plein vent. Dans les temps de l’automne arrivent des brumes douces où les traits du visage s’estompent. Déjà on ne distingue plus très nettement qui est là, en face de soi, le double de soi ou le double de l’autre. Le temps arrive où il faut penser, très doucement, à s’effacer.

Leonard avait écrit: “People change and their bodies change… but there’s something that doesn’t change about love… Marianne, the woman of “So long Marianne”, when I hear her voice in the telephone, I know something is completely intact even though our lives have separated… I feel that love never dies and that when there is an emotion strong enough to gather a song around it, that there is a thing about that emotion that is indestructible”. Leonard Cohen
[Quand j'entends la voix de Marianne au téléphone, je sais qu'il reste quelque chose de totalement intact, même si nos vies sont séparées. Je sens que l'amour ne meurt jamais...]


Jan Christian Mollestad a écrit ce courrier à Leonard après la mort de Marianne :

"Dear Leonard
Marianne slept slowly out of this life yesterday evening. Totally at ease, surrounded by close friends.
Your letter came when she still could talk and laugh in full consciousness. When we read it aloud, she smiled as only Marianne can. She lifted her hand, when you said you were right behind, close enough to reach her.
It gave her deep peace of mind that you knew her condition. And your blessing for the journey gave her extra strength. Jan and her friends who saw what this message meant for her, will all thank you in deep gratitude for replying so fast and with such love and compassion.
In her last hour I held her hand and hummed Bird on a Wire, while she was breathing so lightly. And when we left he room, after her soul had flown out of the window for new adventures, we kissed her head and whispered your everlasting words
So long, Marianne"


[Ta lettre est arrivée alors qu'elle était parfaitement consciente, pouvait encore parler et rire. Quand nous l'avons lue à haute voix, elle s'est mise à sourire comme elle seule savait le faire. Elle a levé sa main quand tu disais que tu étais juste derrière, assez proche pour pouvoir la toucher. ... La dernière heure, je lui ai tenu la main, et nous avons fredonné Bird on a wire. Elle respirait si légèrement. Et quand elle est partie, que son âme s'est envolée par la fenêtre pour de nouvelles aventures, nous l'avons embrassée et chuchoté nos tout derniers mots : adieu, Marianne.]



lundi 5 septembre 2016

Washing board

Le comble du snobisme

... boire un Spritz en lisant Véhèmes à la terrasse du Vieux café grec à Rome... (et non pas boire un rhum à Spritz à la terrasse du Vieux café français ; là j'avoue que je n'y vais pas : c'est trop commun !)

Photo Celeos

samedi 3 septembre 2016

Inventez des mots

Quand les beaux garçons s'occupent de sciences, ça donne des ravissements de l'esprit (entre autres !).

Ici, David Louapre a créé une chaîne Youtube pour vulgariser des sujets d'un éclectisme étonnants. Juste un petit reproche : un débit d'élocution un poil trop rapide.
Dans le sujet du jour, David a juste omis de citer un grand poète, Jean Tardieu, qui s'était amusé, bien avant qu'on ne puisse vraiment bénéficier de l'aide de l'informatique, à jouer avec les mots de manière tordante : les gens de théâtre connaissent bien ce texte , qui s'intitule Un mot pour un autre. On peut trouver ça sur Internet. Régalez-vous !
Et oui, par ailleurs, Saint-John Perse, c'est bien, c'est très bien !

L'Espiguette en direct

...Ou presque.
La plage était déserte,  vide de garçons. La mer s'est agitée sous le vent. Le phare lançait des clins d'oeil. Je me suis enfoncé dans l'eau, vérifiant que j'étais fait des mêmes éléments.

Photo Celeos