Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

lundi 6 juillet 2015

Νε, φιλοτιμώ!

Oui, j'ai ressenti une immense fierté et senti le sens de l'honneur de cet όχι prononcé par une immense majorité. Comme j'aurais aimé passer rue Ermou pour accompagner cette foule immense jusqu'à Syntagma et dire ma joie, la partager avec les amis grecs ! Alité, je n'ai pu que de loin suivre les événements de Grèce, mais ma pensée et mon esprit étaient tout entiers à ressentir cette immense émotion, d'une portée certes symbolique, mais ô combien importante : cette consultation populaire que d'aucuns mauvais esprits en Occident contestaient, la disant anticonstitutionnelle (!) fut pourtant approuvée par le Conseil constitutionnel grec. Malgré la désinformation constante, malgré la parole offerte dans les médias aux partisans de l'économie ultralibérale prônant le « oui » (oui à l'austérité, oui aux suicides des retraités, oui à l'asservissement de la Grèce en général, oui au démantèlement des services publics, oui à la privatisation des biens communs, oui au rejet par les hôpitaux des personnes indigentes...), l'idée qu'une autre Europe est possible fait son chemin. Le sinistre Claude Guéant, invité sur les ondes de France Inter, a fustigé une fois de plus Alèxis Tsípras l'accusant de tous les maux. Claude Guéant, lui même mis en examen pour des affaires  douteuses alors qu'il était ministre de Nicolas Sarkozy, n'a même pas la décence de la retenue : « Les Grecs ont vécu au-dessus de leurs moyens. » a-t-il dit.

De quels Grecs parle-t-il ? De ceux qui ont profité de l'argent de l'Europe, les coteries Caramanlis-Samaras-Papandréou, qui ont appelé à voter oui, ceux dont les appartements luxueux à Athènes sont une gifle à ceux qui dorment dans la rue et dans les bâtiments en chantiers ? 


Les Grecs, expression utilisée de manière générale, est un stéréotype idéologiquement très connoté : on disait autrefois « les Ecossais sont ceci, Les noirs sont cela, etc... ». Cette vieille pensée archaïque, profondément discriminante, n'a pas disparu des fondements idéologiques des droites européennes. J'ai rappelé, dans un billet récent, la définition par le Petit Larousse, en 1935,  de l'entrée  « grec ». Je ne suis pas sûr que ces vieilles lunes n'aient plus cours encore aujourd'hui.


Thomas Legrand, à France Inter a même accusé Alèxis Tsípras dans une de ses chroniques, de faire un « coup de poker » avec le referendum. Je ne me souviens pas de l'avoir entendu accuser François Hollande de jouer, maintenant depuis plus de trois ans, au poker menteur, en se ralliant sans vergogne aux positions d'Angela Merkel...

Chez ces gens-là, Monsieur...


Oui, il y a lieu de se réjouir de ce non de mes amis grecs. Il permet maintenant de redisposer les cartes, puisque pour Thomas Legrand, nous en sommes à un jeu de poker ! La misère, chez ces gens-là, peut se réduire à un jeu. Il est dommage que Thomas Legrand n'aille pas se promener dans les rues d'Athènes, interroger, regarder, dans les campagnes du Péloponnèse, où autour de l'antique Mycènes, un désert agricole s'est installé. Un hasard sans doute, à moins qu'il ne faille imputer, selon le vieil argument raciste, la mauvaise nature des habitants qui ne veulent plus travailler depuis que l'argent de l'Europe leur a permis de vivre d'autres ressources ? Non, déjà en 1976, l'entrée de la Grèce à l'UE était conditionnée par un certain nombre de contraintes. Ce blog n'est pas le lieu d'un réquisitoire de la politique européenne, mais je citerai un seul exemple, repris de L'été grec, de Jacques Lacarrière : « [...] deux moutons sur trois consommés en Grèce viennent de Nouvelle-Zélande [...] (p. 418 de l'édition Plon - Terre humaine poche). Certes, en 1976, la Grèce n'avait pas encore adhéré à l'Union européenne (elle l'a fait en 1981), mais déjà les élites corrompues avaient préparé le terrain pour une éradication de l'agriculture. On sait le résultat : les incendies terribles de 2007 ont détruit toute la végétation que les troupeaux contenaient auparavant...



Les jours qui viennent nous diront comment les relations entre l'Eurogroupe et la Grèce peuvent se rééquilibrer. Contrairement à ce qu'avaient dit les oiseaux de mauvais augure, la Grèce ne sortira ni de la zone euro, ni de l'Union européenne, et le tourisme, dont on nous dit que les chiffres sont à la hausse, compensant l'inquiétude des destinations en Afrique du Nord, est une ressource extrêmement importante dont on espère qu'il viendra conforter les caisses de l’État et non quelques armateurs véreux.

A suivre, sans triomphalisme, mais avec autant de détermination. Regrettons simplement la démission de Yannis Varoufakis, qui n'a jamais démérité. Ce départ qui se veut un « signe », ne doit pas être un renoncement à la plus haute idée que l'on se fait de l'Europe : la souveraineté des peuples dans un système démocratique partagé pour un progrès social, et non l'asservissement des plus faibles.

L'artiste Tom à Pláka (Athènes) - le retour à la drachme n'est plus d'actualité depuis longtemps -
photo Celeos 2010





En lien voici un article du Huffington Post : clic

2 commentaires:

joseph a dit…

Comme l'Europe bien pensante a vite oublié que la Grèce a connu une période dite des "colonels"...!

Celeos a dit…

Oui, Joseph, l'Europe n'aime vraiment que la Grèce des îles où bronzer idiot, en mangeant le soir des mézés et des souvlaka, ce que les Européens connaissaient du temps des colonels en dansant le sirtaki dans des tavernes. Ça ne les dérangeait pas d'ailleurs, d'aller en Grèce à ce moment-là, comme d'aller sur la Costa Brava du temps de Franco, en revenant d'Espagne avec une affiche de corrida estampillée à leur nom comme toréadors ! Ils ont vieilli, mais ce sont les mêmes...