Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

vendredi 13 février 2015

Saint Sébastien (suite 6)

     Chose promise : voici un très, très beau saint Sébastien, une huile sur toile de moyen format, dû à un Mexicain, Ángel Zárraga (y) Argüelles. Sa particularité est d'être un ex-voto et de se rattacher à une tradition de ferveur catholique qui n'est pas celle des peintres de la fin du Moyen-âge ou de la Renaissance, mais trouve sa continuité avec celle d'une foi très latine que l'on trouve également en Europe, notamment à la fin du XIXe siècle.

     Le personnage féminin agenouillé aux pieds de Sébastien est Zoé, femme de Nicostrate selon la légende, qui était devenue muette. Visitant les prisonniers chrétiens de Dioclétien, Sébastien lui aurait rendu la parole alors qu'elle était agenouillée, lui traçant un signe de croix sur les lèvres. Dans sa facture, on sent chez Zárraga de belles influences préraphaélites.
L'ex-voto dit ceci : "Seigneur, je ne sais te glorifier comme le poète en vers savants ; mais accepte, Seigneur ce travail âpre et humble que j'ai réalisé de mes mains mortelles. Ángel ZÁRRAGA".

     Que dire de l'attitude de Sébastien donnée par le peintre ? D'abord une grande sobriété : le décor de l'arrière-plan est minimaliste. Sébastien est attaché, de manière très lâche par le pied droit. Le gauche est libre, légèrement soulevé, et contredit l'attitude générale du corps qui serait alors supposé être en état d'abandon. Il est attaché également par la main gauche au-dessus de sa tête, avec une légère distorsion du bras : petit problème de cohérence dans la mesure des proportions ou de la perspective. Il est auréolé très sobrement. Son visage en demi-sommeil, est d'une grande beauté. La flèche qui lui perce le sein gauche a causé une entaille qui a un peu saigné. De l'ensemble se dégage, malgré les quelques défauts, une belle harmonie.

     Zoé, à sa droite pourrait être vue dans un autre plan tant la composition paraît avoir été faite en deux temps : Sébastien d'un côté, Zoé de l'autre, et aucun d'eux ne regarde l'autre, ne paraît donner une raison à leur présence commune dans cet espace, si ce n'est la référence à la légende.

Ángel Zárraga, Ex-voto de saint Sébastien - 1910
     Ainsi, les deux personnages sont prétexte à une expression autonome de cette esthétique, l'une masculine, l'autre féminine, comme si, là encore, il s'agissait d'Eros, dont on ne peut parler dans une expression hautement religieuse, et dans un ensemble de références, au-delà du prétexte légendaire, aux canons de la beauté et de la nudité masculine d'une part, à la retenue du corps de la femme d'autre part. Zoé, dont on ne voit que le bras droit et la tête, est penchée pieusement sous un léger voile.

La question qu'on est en droit de se poser est celle de l'intention de Zárraga: sous couvert d'un prétexte religieux, n'a-t-il pas donné à comprendre l'expression d'un désir beaucoup plus érotique qu'il n'y paraît ?


2 commentaires:

joseph a dit…

serait ce une imagerie à la Photoshop, comme quoi le XXI eme siècle ne ferait que repasser des plats?

Celeos a dit…

Oh, oui, je crains qu'on n'ait vraiment rien inventé et que copie et montage d'images soient vieux comme le monde !