Très influencé par Andrea Mantegna, Liberale da Verona réussit ici une belle synthèse dont Sébastien est le prétexte : le corps du saint est traité en contreplongée, et on peut y voir la même influence de Mantegna que chez Melozzo da Forli (voir mon billet
Cercare gli angeli ici :
clic). Les conventions sont respectées, et le corps est magnifié dans son apparence propre à la statuaire gréco-romaine, d'une beauté conventionnelle, évidemment, corps musculeux et lisse. L'autre aspect de cette synthèse réside dans le paysage (Vérone ? Venise ?) composé de badauds indifférents au supplice de Sébastien. La perspective y est traitée de façon moderne et c'est le corps qui s'oppose, au premier plan, à la ligne de fuite.
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Liberale da Verona, San Sebastiano, fin XVe s. |
Les détails montrent en effet quelques scènes de la vie quotidienne, admirablement traitées avec un grand souci du détail. On pourra s'amuser de ces femmes à la fenêtre qui sont peut-être sœurs ; mais cela donne un aspect humoristique à une scène qui, encore une fois, pour hagiographique qu'elle soit, n'est qu'un prétexte à mêler image érotique et sécularisation des thèmes religieux.
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Photos Celeos |
5 commentaires:
Tu es un guide épatant pour aborder ces belles œuvres. Permets moi de m'attacher à un tout autre détail qui m'a plus sauté au yeux que les femmes à leur fenêtre. Le sexe de saint Seb paraît minuscule comme souvent me semble-t-il dans des tableaux de cette époque voire d'autres. Y-a-t-il une raison ? Une volonté de minimiser par pudeur ?
Passionnant. Vos photos des arrière-plans sont plus qu'utiles (et très bien réalisées). Les gondoles plaident en faveur de Venise, semble-t-il, mais l'architecture...
Et voyez donc ceci, qui m'a mis en joie :
http://culture-et-debats.over-blog.com/article-reevaluation-de-la-legende-mystique-de-saint-sebastien-par-alfred-courmes-121816974.html#ob-comment-ob-comment-85963012
Il me paraît évident que la dévotion à saint Sébastien est un déguisement, depuis la fin du Moyen-âge dans la redécouverte de l'esthétique antique, d'un Eros qu'on ne peut avouer de manière explicite. Du coup, mais comme dans la statuaire gréco-romaine, le sexe est euphémisé et c'est la musculature qui laisse entendre qu'il peut se présenter sous une autre forme.
Ici, le sexe, à peine voilé, est au point de jonction des deux lignes de fuite, indiquant que même voilé, il reste la justification de l'érotique de ce corps.
L'oeuvre d'Alfred Courmès est toujours aussi passionnante.
Je reprendrai dans un prochain billet sur Sébastien les jeux de malentendus qui se glissent entre dévotion religieuse et clins d’œil érotiques qui appellent une autre forme d'intérêt esthétique.
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