Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

jeudi 11 juin 2015

Una lacrima sul viso

Avant c'était mieux, quand même, quand les garçons savaient se tenir, et, sagement, au piano, faire une  déclaration sous le regard éploré de la mamma, du padre dont la moustache rêche ne pouvait penser seulement à légèrement friser à la pensée de donner sa petite fille adorée au bellâtre chantant ? Bellâtre au visage un peu graissé pour les besoins des sunlights aux cheveux gominés, et la petite fille à la queue de cheval soigneusement attachée, jupe sagement rabattue au-dessous des genoux...

Le film Una lacrima sul viso, d'Ettore Maria Fizzarotti, sorti en 1964, ne restera sans doute dans les annales que pour son intérêt sociologique. On pourra même oublier la chanson de Bobby Solo, au titre éponyme, sur laquelle nos aînés dansaient des slows.  Tout était bon pour emballer (si j'ose dire!...)




Voici les paroles de cette chanson. Chacun est évidemment libre d'en apprécier le caractère inoubliable (ou pas).


Una Lacrima Sul Viso (Une Larme Sur Ton Visage)

Da una lacrima sul viso
D'une larme sur ton visage
Ho capito molte cose
J'ai compris beaucoup de choses
Dopo tanti tanti mesi ora so
Après des mois et des mois désormais je sais
Cosa sono per te
Ce que je suis pour toi
Uno sguardo ed un sorriso
Un regard et un sourire
M'han svelato il tuo segreto
M'ont dévoilé ton secret
Che sei stata innamorata di me
Que tu as été amoureuse de moi
Ed ancora lo sei
Et que tu l'es encore
Non ho mai capito
Je n'ai jamais compris
Non sapevo che
Je ne savais pas que
Che tu, che tu, tu mi amavi ma
Que toi, que toi, toi tu m'aimais mais
Come me, non trovavi mai
Comme moi, tu ne trouvais jamais
Il coraggio di dirlo ma poi
Le courage de le dire mais finalement
Quella lacrima sul viso
Cette larme sur ton visage
E' un miracolo d'amore
C'est un miracle de l'amour
Che si avvera in questo istante per me
Qui se réalise en ce moment pour moi
Che non amo che te
Qui n'aime que toi
(x2)
(x2)
Che te, che te, che te, che te
Que toi, que toi, que toi, que toi



Et pourtant, la culture italienne avait fait belle part à une autre chanson, Una furtiva lacrima, tirée de l'opéra de Donizetti, L'Elixir d'Amour, joué à Milan en 1832, dont Una lacrima sul viso ne paraît qu'un médiocre avatar. En voici les paroles :
Una furtiva lagrima
negli occhi suoi spuntò:
Quelle festose giovani
invidiar sembrò.
Che più cercando io vò?
Che più cercando io vò?
M'ama! Sì, m'ama, lo vedo. Lo vedo.
Un solo istante i palpiti
del suo bel cor sentir!
I miei sospir, confondere
per poco a' suoi sospir!
I palpiti, i palpiti sentir,
confondere i miei coi suoi sospir...
Cielo! Si può morir!
Di più non chiedo, non chiedo.
Ah, cielo! Si può, Si può morir
Di più non chiedo, non chiedo.
Si può morir, Si può morir d'amor.

Une larme furtive
A surgi dans ses yeux.
Elle semblait envier
La jeunesse en fête.
Que désirer de plus ?
Que désirer de plus ?
Elle m'aime, oui, elle m'aime : je le vois, je le vois.
Pour un instant, sentir les battements,
Les battements de son cœur.
Mêler bientôt à ses soupirs les miens !
Sentir, sentir ses battements,
Mêler à ses soupirs les miens !
Ciel ! après on peut, on peut mourir !
Je ne demande rien de plus, rien !
Ah, ciel ! après on peut, on peut mourir !
Je ne demande rien de plus, rien !
Après on peut mourir, après on peut mourir d'amour!
Pour écouter Una furtiva lacrima par Vittorio Grigolo, c'est ici

Certes, en matière de littérature courtoise, on a fait mieux. Mais la chanson Una lacrima sul viso, arrivant cent bonnes années plus tard, ne donne pas la preuve de la meilleure écriture !

6 commentaires:

Silvano a dit…

Si le film n'est pas inoubliable, la chanson l'est, "tube" planétaire que les cinéastes continuent à glisser dans leurs bandes de moins en moins "originales". Et maintenant, j'oublie le titre du film récent où j'ai entendu cette chanson à deux reprises... (François Ozon l'a également utilisée).

Celeos a dit…

Et pourtant, que cela est daté ! Les paroles, la rythmique, l'orchestration... on peut, à la rigueur, concéder à la mélodie un peu de sympathie. Si les cinéastes l'utilisent, c'est sans doute à contre-emploi, tant elle est, et était sans doute, une caricature de la chanson de variété... Allez, bientôt un autre chef d’œuvre !

Silvano a dit…

Et vous m'inspirâtes un billet italo-grec à lire dans GC dès demain à 7h32 (!).
Et non, la chanson n'est pas utilisée à contre-emploi : c'est une chanson populaire, de celles dont j'aimerais connaître la recette, mes droits SACEM étant ce qu'ils sont.
De celles, également, que le génial Lucchini aime à tonitruer !
Je cherche la vidéo depuis ce matin, chou blanc, c'est rageant !

Celeos a dit…

Je suis un peu sans voix pour vous répondre. Je m'abstiens donc dans le détail, non sans toutefois rappeler que le terme populaire n'est pas sans ambiguïté : il y a les chansons du peuple, et les chansons pour le peuple, dans cette grande vague de massification culturelle dont la télévision du Cavaliere est devenue un paroxysme. Elle ne l'est toutefois pas devenue sans racines. Vous me pardonnerez de dire que je préfère, de très loin, la chanson populaire napolitaine ou toscane, ou d'ailleurs, pourvu qu'elle ne soit pas passée par les moules du showbiz lui permettant d'accéder aux marchés internationaux : je n'ai rien contre la main invisible des marchés, pourvu qu'il n'affadissent ni ne transforment musiques et textes pour les proposer au plus grand nombre dans une forme devenue, dès lors, acceptable. Et je trouve, moi, qu'il y a dans cette chanson, un avant-goût de McDo.

Silvano a dit…

Vous pardonnerez mes faiblesses de midinette. Mais j'ai des goûts très éclectiques, vous savez ? Vous prêtez à cette chanson un avant-goût de Mc Do : je pense qu'auteurs et chanteur "créaient" à cette époque, dite "yéyé", en toute innocence, des chansons "bulles de savon". C'est un peu plus tard qu'est arrivé le "c'est bon, ça, coco, on va en vendre un max !". Cela dit, je ne nie pas que beaucoup de "daubes" ont envahi, alors, nos postes à transistors : il y a, dans un récent chef-d’œuvre de notre littérature que vous connaissez bien, tout un passage, véhément (!) sur les déformations de l'oreille dues aux "tubes de l'été". Mais je crois être très peu objectif en défendant cette chanson-là : elle éveille de beaux souvenirs d'enfance.

Celeos a dit…

Oui, bien sûr, certaines chansons accompagnent de beaux instants, même si ce sont parfois des madeleines insipides. Mais je ne crois guère aux innocences, vous le savez: cherchons ensemble à qui profite le crime !