Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

dimanche 20 mars 2016

Insupportable Guillaume Gallienne

Je suis de très mauvaise humeur aujourd'hui. Ça fait longtemps que j'avais envie de dire mon irritation au sujet de Guillaume Gallienne, l'insupportable crétin de la Comédie française qu'on voit partout, qu'on entend partout, bref, qu'on ne peut éviter. Surtout quand j'écoute France-Inter en voiture ou dans la maison des Cévennes occupé à réaménager certains espaces de la maison. 
Ce type est un squatteur des ondes publiques. Il n'est pas le seul, me direz-vous justement, et c'est ce genre de bavards qui m'ont fait quitter certaines ondes. Par exemple Alain Finkielkraut qui abreuve de sa ringardise France-Culture tous les samedis matins. Un jour ce fut trop. Lassé, irrité par le concept de vachitude qu'il présenta au moment où les vaches étaient folles, et de ce fait, faisaient l'objet d'une extermination systématique dans les élevages contaminés, sa compassion pour les vaches, et fort peu pour certaines populations humaines, à son goût insuffisamment marquées du moule national, fut la goutte qui fit déborder le vase.
Depuis une ou deux semaines, Gallienne s'est mis en tête de faire découvrir Michel Tournier. Je n'ai jamais aimé Tournier, et sa littérature me laisse froid. Sans compter ses prises de positions ubuesques sur l'avortement. Mais quand, de plus, ce comédien français, se permet, toujours sur le même ton compassé, de prononcer «gageure» tel que le mot est écrit, alors qu'il devrait le prononcer «gajure», c'en est trop. 
Donc, au passage petit arrêt sur la langue française. Elle n'est pas plus belle qu'une autre, pas plus fonctionnelle, mais elle est un produit historique de convention, et il faut aimer à ce point la distinction sociale des classes supérieures pour prétendre que les classes populaires seraient dans l'incapacité de comprendre, d'écrire et de parler le français selon les conventions que le cumul des règles de grammaire et l'évolution de l'orthographe ont données. C'est un jeu conventionnel, tout simplement, qui a ses règles, qu'on peut sans doute modifier à la marge, mais ces modifications n'apportent pas un grand intérêt. De plus, tous les Français, jusque dans les classes sociales les plus huppées font des fautes de français. Ce n'est pas grave, à condition de ne pas s'ériger en parangon de la bonne écriture ou de la bonne expression.
Ainsi dans le mot «gageure», qui est par définition un mot piège, il faut essayer de comprendre pourquoi il faut prononcer gaj-ure et non pas gageure : d'abord parce qu'il existe une différence entre l'écriture d'un mot et sa phonétique. Les étrangers l'apprennent vite à leur dépens : l'exemple type est «Les poules du couvent couvent». Et d'autre part, et les étrangers l'apprennent également très vite, les mots appartiennent à des familles : dans le cas présent, gageure est issu de gager, au sens de «prendre un pari (et payer un gage)». Dans cette famille de mot, la déclinaison de l'action de gager s'effectue avec la désinence –ure. Pour éviter d'en avoir une prononciation fautive, il aurait été sans doute plus simple de l'écrire avec le j qui n'aurait posé aucun problème de phonétique : gajure. Mais, comme la langue française a gardé, parfois, le souci de l'étymologie, les conventions ont fait que le radical gag- a été conservé. L'autre solution aurait consisté à marquer le hiatus par une écriture du tréma, ainsi que cela apparaissait au XVIIIe siècle : gageüre. L’habitude a été abandonnée, et, le plus souvent, une lacune culturelle accompagne cette prononciation.
Chez le commun des mortels, on passe. C’est un peu comme lorsque quelqu’un prononce déguingandé, parce que cela fonctionne mieux à l’oreille d’entendre cette double consonne gutturale, alors que la phonétique adéquate est bien dégingandé. Et en effet, il existe une phonétique française qui s’adapte de plus en plus à l’influence anglosaxonne et britannique. J’ai entendu l’autre jour quelqu’un parler de l’INSEE prononcer INZÉ, comme de plus en plus on prononce senzitif au lieu de sensitif, tranze, au lieu de transe. Il est vrai que l’on dit bien tranzitif et non transitif. Bref : la langue française possède beaucoup de chausse-trappes et les déjouer passe par un apprentissage, comme tout jeu, toute règle.
Alors, pourquoi cette ire contre le sieur Gallienne ? Mais parce que lorsque l’on vient comme lui, paraît-il, des quartiers les plus huppés de la capitale française, que l’on squatte les ondes comme il le fait, au moins pourrait-il avoir à cœur de travailler ses textes, en déjouer les pièges, contrôler les moments où il doit, plus que d’autres, travailler sa diction, son élocution étant à peu près correcte, si l’on excepte cette mollesse dans la voix, ce côté diseur de textes de salon. J’avais passé, voici quelque temps, la belle voix rocailleuse de Jean-Marc le Bihan. Il faut de la bite et de la couille dans le texte, non ce sirop vomitif qu’il nous assène à longueur d’antenne de France-Inter. Guillaume Gallienne par ici, Guillaume Gallienne par là… Et pourtant les comédiens, jeunes ou moins jeunes ne manquent pas, qui ont du talent, et qui ne sont pas ce fade comédien auquel ses amis sont reconnaissants d’avoir su sortir de sa féminité et d’une hypothétique homosexualité pour montrer qu’on pouvait rester hétéro tout en conservant des mimiques féminines. La normalité est sauve. Mais, de grâce, si le fait culturel est diversité, qu’on nous offre, comme un service public, les belles voix de jeunes comédiens qui ont appris au Théâtre national de Stasbourg ou ailleurs, à dire des textes, comme le firent autrefois des Jean Topart, ou des Jean-Louis Trintignant, ou encore les splendides comédiens formés à la scène réelle et non dans la mollesse du confort des studios…
J’arrête là. Ça peut pas faire de mal ? Si, ça me casse les burnes !
Allez une petite vidéo sur un jeune comédien plein de talent et qui ira loin. Comment s’appelle-t-il déjà ? Patrick Balconnet, ou quelque chose comme ça… Ah, Balkany, me dit-on en régie, Patrick Balkany. Quelque chose me dit qu’on le reverra sur les ondes !






Nan, je déconne évidemment, sa manière de jouer est nulle à chier. Mais comme Tapie, ce genre de documents est édifiant : et si la politique politicienne de tous ces incapables ne relevait finalement que d'un mauvais casting ? Les ratés de la scène du spectacle se seraient reconvertis en ratés de l'éthique politique pour en dessiner, jour après jour des caricatures...

Allez, pour ne pas finir sur cette note amère, j'ai trouvé cette magnifique séquence de deux grands comédiens disparus, jouant, à l'époque où la télévision savait produire de beaux spectacles, La mégère apprivoisée. En fait, c'est peut-être ça le problème : notre époque, médiocre, ne peut produire que des spectacles médiocres avec des comédiens français dont l'attitude est plus proche des arts du marketing que de l'amour des textes. J'exagère : il y eut également des gens détestables à la Comédie française : on a oublié Pierre Dux, heureusement, et quelques autres.

Là, c'est un moment de télévision magnifique : Bernard Noël jouant Petruccio et Rosy Varte Catarina : une grande ironie de notre camarade Will. Vive Shakespeare, et bon dimanche  !



13 commentaires:

Silvano a dit…

Ah, vous lisant, je bois du petit lait !
Ah "gageure", ah "dégingandé" et autres "commémorations d'anniversaire" (Trapenard, l'autre matin)!
Ah Galienne, ah Finkielkraut !
Oh de désolation, quoi.

Celeos a dit…

J'en ai oublié...

arthur a dit…

@Que vous etes durs!!! Moi, j'adore Galienne,j'adore le personnage, j'adore ses lectures sur Inter. Il m'a fait découvrir de magnifiques passages d'auteurs dont je me suis dit que j'irais lire plus en amont, et finalement, je ne l'ai pas fait, mais il a éveillé ma curiosité. J'aime bien son ton, certes un peu précieux, mais très clair. Et je trouve que c'est du bonheur que d'entendre de la litterature sur une radio de grande écoute un samedi en fin d'apresmidi. Vous me direz, on peut toujours mieux faire, certes, mais je trouve ces moments là déjà très très bien.
@Pour la gajure, pourquoi ne pas lui écrire pour lui signifier sa faute, plutôt que ronchonner? Heureusement que tu es là, car il est vrai que je n'ai jamais vraiment su comment le prononcer! et il doit y en avoir d'autres: la langue est bien difficile à domestiquer finalement. Et il y en a, des langues, que nous adorons ici tous dresser!hahaha.
@finkielkraut: je ne les mettrais pas sur le m^me plan, l'un et l'autre. Et là, je vais plus (+) dans votre sens...

estèf a dit…

Eh bien écrivons gajure ! Ou donnons la possibilité des deux écritures.
J'aime plutôt bien sa voix à Galienne mais c'est vrai que c'est trop souvent et Inter qui a raison de faire lire des textes devrait prévoir plus de diversité.

Celeos a dit…

@Estèf: qu'on l'écrive comme on veut, je crois que ça n'a pas d'importance. Par contre le respect de la phonétique doit prévaloir. En l'occurrence, c'est le texte écrit mal compris qui a prévalu sur la phonétique. Mais tout évolue, d'une manière comme d'une autre...

@Arthur: tu choisis, c'est Gallienne ou moi !
Nan je déconne, tu as raison de défendre tes goûts et je conçois qu'on puisse apprécier; ça m'est arrivé! Que veux-tu, j'ai mes ragnagnas, donc je râle, mais surtout parce qu'il y a de très bons et jeunes comédiens qu'on pourrait tout aussi bien solliciter (et certaines très belles voix éveillent mon désir !).
Je ne veux surtout pas lui dire à Gallienne qu'il se trompe ! Il faut le laisser dans son erreur, ou n'a qu'à lire mon blog d'abord. Comme il n'est pas LGBT, il ne le lira pas (mais si tous les LGBT lisaient mon blog !)
C'est vrai que Finkielkraut n'est pas dans le même registre, mais c'est un squatter, et je m'insurge contre ces rentiers de la radio...

Anonyme a dit…

Il faut que je vous avoue une chose, Céléos : il n'y a pas que les LGBT qui lisent votre blog, il y a aussi ceux (celle) qui aiment le beau et l'intelligence et le courage et la poésie et l'émotion...et les rires et les pleurs...
Marie

Silvano a dit…

J'ai u beaucoup de plaisir à lire ce billet et ses commentaires.

Celeos a dit…

@Marie: vous me faites rougir ! Mais je suis surpris: vous pourriez donc être de sexe féminin ?

Celeos a dit…

@Silvano: Vous pussiez écrire :"eü" !

yves a dit…

pour tous, un livre de chevet du comédien : "grammaire de la diction française" de georges le roy. la blble en la matière !
vous y trouverez tout, tout, tout et comment prononcer, différencier -in et -un, -an et -en...
au conservatoire d'art dramatique de paris de 1967 à 1970, classe de louis seigner, j'aime autant vous dire que je l'ai entendu passer des savons à celles et ceux qu'il ne comprenait pas ! articulez ! portez la voix, le son ! c'est la politesse du comédien !
mais... à en juger par le brouillamini que j'entends parfois, c'est époque est révolue ! quand aux appels téléphoniques, je préfère les passer sous silence tellement le manque d'articulation m'effraie : bienvenue à une génération loukoum : la mollesse en tout semble être leur signature... et pas que dans la parole !

Celeos a dit…

Louis Seigner, l'excellent banquier Tolomei des Rois Maudits! Pas sûr qu'il ait transmis son talents à ses descendantes...

yves a dit…

sauf sa fille Françoise ! paix à leurs âmes !

Celeos a dit…

Oui, je parlais des nièces de Françoise et non d'elle-même.