Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

samedi 23 avril 2016

Constantin Cavafy - Secrets

Secrets

De tout ce que j'ai fait, de tout ce que j'ai dit,
que l'on ne cherche pas à savoir qui je fus.
Un obstacle était là, qui transforma
mes actes et ma façon de vivre.
Un obstacle était là, qui me fit taire 
chaque fois que j'allais parler.
C'est par mes actes les plus secrets,
par mes écrits les plus voilés,
qu'un jour je serai compris.
Mais vaut-il tant d'efforts et de peine
de savoir qui je fus...
Plus tard, dans une société meilleure, 
quelqu'un, semblable à moi,
pourra se révéler, et agir librement.

Constantin Cavafy, in Jours anciens, texte français de Bruno Roy, paru chez Fata Morgana en 1978.

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Pour Ĵeromo et quelques autres.

Tu m'avais demandé, Jérôme, quelques références de Constantin Cavafy. D'abord dire que Constantin Cavafy est un poète de l'exil, grec, né et mort à Alexandrie, en Egypte.
Je ne vais pas faire de mauvaise réécriture de ce très bon site qui en parle de très belle manière ici.
Je dirai simplement qu'entre ce poème que je publie, de 1908, et notre temps plus vieux de cent huit ans, je ne suis pas sûr que tant de choses aient vraiment changé : si nous essayons, les uns et les autres de parler de l'amour des garçons, de manière humoristique, parfois plus grave, c'est toujours en ayant en arrière fond la pensée d'une homophobie largement exprimée ou plus latente. On peut  souhaiter, on aimerait qu'en parler soit une manière de décomplexer les choses, de les rendre normales dans un temps où tout peut être norme quand l'homosexualité ne l'est toujours pas ou pas vraiment. L'acceptation de la chose me semble tellement fragile, tellement sujette à un basculement qui pourrait arriver comme un simple tremblement de terre qu'il faut encore rester sur ses gardes, ne partager ses secrets qu'en pays de confiance...

Cavafy est disponible aux éditions Fata Morgana dont la bibliographie est consultable ici.
Il est disponible également dans la collection Poésie de Gallimard, consultable ici.



Et j'avais présenté le 11 mars 2015 des extraits d'un film consacré à Constantin Cavafy de Yannis Smaragdis, Cavafy réalisé en 1996. Le lien est ici.

  Excellente lecture de Cavafy, qu'il faut lire et relire sans jamais oublier de le situer dans cette période de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, qui est celle des poètes et des franchisseurs d'horizons, celle de la prophétisation de toutes les barbaries... « En attendant les barbares... »


Et puisque nous en sommes à parler de poésie, je voudrais évoquer le poète d'origine marocaine Abdelatif Laâbi, à qui était consacrée l'émission de Zoé Varier sur France Inter ce soir, D'ici et d'ailleurs. Si vous n'avez pas eu la chance d'écouter l'émission, vous pouvez cliquer ici pour une écoute en différé, et ici pour une notice biographique d'Abdelatif Laâbi. Ce n'est pas un poète homosexuel, mais un poète de la marge, un autre poète de l'exil. L'orientation sexuelle, on s'en fout, n'est-ce pas ?

15 commentaires:

yves a dit…

oui, vous avez tout dit, cher celeos.
la normalité ! on accepte l'homosexualité. cela fait bien. on est ouvert. blablabla...
mais, mes parents refusaient la mienne. mais qu'est-ce qu'on a fait pour mériter ça ! qu'avons-nous raté avec toi ?... chez les autres, oui. bien sûr. mais dans NOTRE famille ? mais quelle horreur ! quelle honte !
ce fut le premier basculement dans ma vie, il y en eût bien d'autres.
désormais, je prône : "pour vivre heureux, vivons cachés ".
quant à Constantin Cavafy, il est devenu une icône pour les homosexuels. en espérant qu'il sera aussi apprécié par l'autre communauté : ces putains d'hétérosexuels.
ce débat dure depuis des millénaires. changer des habitudes ancrées depuis si longtemps relève de l'utopie.
je préfère vivre d'autres choix. rejeté pour homosexualité ? c'est pas nouveau. il y a eu un premier, le dernier le sera dans très longtemps !
Cavafy vivrait aujourd'hui, il ne changerait rien à sa façon de vivre.
en attendant, ce n'est pas un grand poète, c'est un poète pour nous, notre finalité.

Silvano a dit…

Je ne peux qu'adhérer au propos. Et me fais un devoir d'explorer plus avant l’œuvre du poète.
Quand l'utilité d'un blog se fait évidente.

joseph a dit…

Yves, pourquoi n'est il pas un grand poète? à quelle aune est il jugé? sa poésire me parle mais peut-être est ce aussi parce que je ne parlerai jamais de putains d'hétérosexuels, trouvant simplement inutile de me catégoriser d'après une orientation sexuelle, ce qui ressort de la vie privée de chacun! libre aussi à tout homme ou femme de revendiquer une appartenance en affichant une différence ! il est vrai que c'est un rêve ou une utopie de croire qu'un jour on croisera des femmes et des hommes se tenant tendrement sans que cela vaille un détour de regard ou au contraire un regard appuyé, mais qui ne se retourne pas sur une personne affichant une tenue ou une mise extravagante sans pour cela porter un quelconque jugement mais simplement parce que regarder autrui c'est aussi ne pas se montrer indifférent à lui!

Anonyme a dit…

Un grand merci Celeos ! Je vais faire comme Silvano et partir en exploration :-).
Quant à la traduction, j'ai toujours des complexes à passer par l'intermédiaire d'une autre langue. Mais je n'ai malheureusement pas le choix ! La grekan mi bedaŭrinde ne parolas !

estèf a dit…

Oui, on s'en fout de l'orientation sexuelle, on aime bien les hétéros quand même !

Celeos a dit…

Et parfois, Estèf, il y a même des hétéros qu'on aimerait aimer davantage...
Joseph, je ne veux pas répondre à la place d'Yves, mais je crois que ce n'est pas ce qu'Yves à voulu dire: Cavafy n'est pas seulement un grand poète...
Quant aux hétéros, on aimerait seulement qu'ils soient plus attentifs à ceux qui ne partagent pas leur goût de la norme...

arthur a dit…

CAvafy est pour moi un très grand poète, très en avance sur son temps. Je ne sait pas s'il vivrait de la même façon aujourd'hui. En tous les cas, il me semble que la perception de l'homosexualité a quand même bien évolué depuis son époque, ce n'est pas parfait, certes, et il y a encore beaucoup à faire, mais elle est quand même bien mieux acceptée qu'à la fin du XIXeme et qu'au XXeme siècle. Beaucoup de poemes de CAvafy parlent de son amour des garçons, de façon voilée ou pas du tout. Ils sont très beaux. Et je m'étonne que Cavafy ait pu être autant apprécié déjà à son époque, "malgré" son homosexualité affichée. Et en Grèce(dont une grande partie de la population n'est pas spécialement "homosexuelophile"), depuis quelques décennies (je pense depuis la fin de la dictature, mais peut-etre avant), Cavafy est enseigné dans les écoles, comme un grand poète national.
En tous les cas, c'est à lire!!(même si parfois très érudit)

arthur a dit…

et je vais aller decouvrir Abdelatif Laabi!

Celeos a dit…

Tu parles de quelle fin de la dictature, en Grèce, Arthur ;-)?

Silvano a dit…

"Quant aux hétéros, on aimerait seulement qu'ils soient plus attentifs à ceux qui ne partagent pas leur goût de la norme..." : il y en a, Celeos, il y en a.
Cet excellent billet a provoqué un voyage sur la toile à la recherche de Cavafy ; ce ne fut pas du temps perdu. Vous aurez droit, en guise de reconnaissance, à des allusions semées discrètement dans mon journal, la semaine prochaine. Votre sagacité devrait vous permettre de les déceler sans peine.

Celeos a dit…

J'y serai attentif, Silvano !

yves a dit…

merci Celeos ! il n'est pas facile de lire entre les lignes.
quant à Joseph, je n'ai aucune haine vis-à -vis de quiconque. j'ai dit putains d'hétérosexuels comme je dirais putains de politicards ou putains de fonctionnaires ou... rayez le mot putains de et remplacez-le par une autre expression.
j'ai vendu du rêve comme comédien mais j'ai toujours eu les pieds sur terre et surtout pas la tête dans les rêves irréalistes et irréalisables.
je n'appartiens pas à une catégorie, gay ou hétero, riche ou pauvre, inculte ou bobo.... très simplement, je m'en fiche.
Cavafy ressort car c'est un poète - c'est incontestable - et son homosexualité fait qu'il se démarque encore plus par le regard porté sur son œuvre par les lecteurs.
la seule chose importante : nous réagissons rien qu'à son nom ! ne JAMAIS laisser indifférent. Cavafy est victorieux !
maintenant, grand ou petit poète, c'est ridicule. comme lorsque nous disons : je t'aime bien ou beaucoup. comme si le verbe aimer ne se suffisait pas ?!
Joseph, à travers vos commentaires ici ou dans d'autres blogs que je fréquente me font sourire et m'amusent. loin de moi, l'idée de vous blesser ou heurter vos convictions par une incompréhension de commentaires.
défaut professionnel : un comédien dit toujours des textes dont il n'est l'auteur. il m'arrive d'être maladroit quand j'écris. plus à l'aise avec l'oralité.
maintenant, bon vent breton vers la Belgique !

joseph a dit…

Yves, je n'avais simplement pas compris votre dernière phrase ce qui m'a amené le commentaire! car je m'interrogeais sur la reconnaissance de Cavalli comme grand poête et d'ailleurs cela m'a permis de re-voyager dans tous mes souvenirs scolaires et autres , m'interrogeant finalement sur ce que j'estimais être de la poésir - uniquement de la versification, mais alors où vais je placer certains qui me font voyager par leur prose poétique! pour parodier la Fontaine, vous êtes comédien, j'en suis fort aise , moi musicien , poète (s'il suffit de voir l'indicible derrière la réalité des choses?) , astronome et accessoirement j'ai gagné mon pain avec l'argent des autres,tout en refusant de m'identifier à l'institution financière hors de ses murs , ce qui me fut parfois reproché par la hiérarchie! Je ne remercierai de toute façon jamais assez les auteurs de blogs qui permettent des découvertes et créent des espaces de dialogues voire de libertés

Celeos a dit…

@Arthur : Si je ne m'abuse, on devrait dire pour "gay friendly" en Grèce : ομοφιλοφιλόφιλος. A vérifier...

yves a dit…

@ Joseph : ouf ! tout finit bien. ça m'aurait " gonflé " de me bouffer l'nez avec vous, Collègue. ben oui, quand j'en ai marre de lire, de me promener à pied ou en bateau, je massacre au piano Bach, Mozart, Schumann, Brahms - mais là, il me faut répéter car faut que je m'accroche triple bien sûr. pas fastoche. et astronome ?!!! je viens d'achever la lecture de " l'univers à portée de main " de christophe galfard. d'ailleurs, c'est à cause d'un you tube sur lui posté ici par Celeos. (et un hommage, un !)
définir la poésie ? impossible. un geste. une pensée. une attitude. un texte. la queue de mon chat Bagadou... même vous, Joseph.
amusez-vous et bonne soirée.

P.S. : merci au facteur Celeos.