Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

vendredi 28 août 2015

Τώρα, θα πρέπει να τραγουδάτε; - Chantez, Athéniens !

Oui, chantez, comme tous les peuples à qui il ne reste que la musique et la poésie, comme tous les peuples trahis par leurs élites, rapides à oublier les raisons de leurs engagements.

Alèxis Tsípras démissionne de son mandat de premier ministre grec. Cette démission est logique : ayant perdu la confiance d'une partie des députés de Syriza, il est maintenant en minorité. Comme il n'est pas idiot, et sans doute loin de là, il cherche à conserver le pouvoir. Est-il en train de faire alliance avec le Pasok, parti socialiste grec mené auparavant par Giorgos Papandréou, qui depuis s'est recasé ailleurs, c'est fort possible. Le parti centriste To Potami (Le fleuve), parti centriste, se méfie de lui, mais en lui promettant un certain nombre de places de députés, puisque les Grecs doivent repasser aux urnes le 20 septembre prochain, Tsípras peut trouver une nouvelle majorité centriste : en politique tout est possible et ainsi une alliance d'une partie de Syriza, du Pasok et de To Potami peut créer une nouvelle majorité. Et après ?

Après, ce sera toujours la misère pour l'ensemble du peuple, condamné à payer, et encore payer. Pour ceux qui peuvent. Pour les autres, ce sera toujours suicides, dispensaires, privatisation des soins, des transports, du port du Pirée, de la télévision publique, etc.

Que s'est-il passé pour qu'il y ait eu ce revirement de Tsípras ? L'a-t-on menacé, lui a-t-on dit « Mec, si tu ne veux pas recevoir une balle dans chaque genou, tu as intérêt à filer droit ! » A-t-on fait pression sur lui en lui faisant envisager les conséquences que pourrait avoir son entêtement sur sa famille, ses proches ? Mais nos amis allemands ne sont pas des maffieux, et les responsables politiques français non plus, enfin je ne crois pas... Quoique ?

François Hollande lui a-t-il offert son livre préféré, Le prince, non pas Le petit prince d'Antoine de Saint-Exupéry, non, Le prince de Niccolo Machiavel, Il principe, méthode de travail pour ceux qui n'en ont pas, de principes, justement. Apprendre à trahir ses promesses auprès de ceux qui vous ont délégué leurs pouvoirs – quelle rigolade ! –, et pour quelles conséquences, quelles compensations ?

Trust in me. Les beaux yeux et la tête bien vide de Kóstas Martákis

 Allez, je ne résiste pas au plaisir de vous laisser apprécier (ou pas, c'est selon) le torse totalement désherbé de ce chanteur eurovisionnesque dont la chanson - c'est à mourir de rire - s'appelle Ανατροπή, c'est-à-dire « renversement », « subversion » ! La chanson vous pouvez la mettre au panier.







Alèxis Tsípras, que les Européens vont aider à retrouver une majorité au parlement grec, puisque on s'est rendu compte que c'est un garçon raisonnable, est entré dans le milieu des dirigeants acceptables (je l'ai lu dans je ne sais quel journal néo-libéral). On oubliera qu'il a été un leader d'un parti plus à gauche que le Pasok - ce n'est pas bien difficile. Et après tout, combien de socialistes néo-libéraux ont été autrefois trotskystes, combien de gens de droite ont été, dans leur jeunesse, adhérents ou sympathisants de formations d'extrême droite ? Tous se rejoignent aujourd'hui dans leur défense du néo-libéralisme économique faisant la part magnifique aux marchés. 
Entrer dans ce jeu équivaut pour la Grèce à une condamnation définitive de toute velléité politique. Acceptant d'emprunter pour rembourser une dette gonflée artificiellement, la Grèce voit le montant de sa dette globale atteindre les 200 % de son PIB. Autant dire qu'elle ne pourra jamais rembourser, sauf  à restructurer cette dette, ce que souhaitait le FMI et qu'ont refusé les dirigeants européens. 
C'est dire que la grande braderie que j'évoquais plus haut a largement commencé. Un exemple précis ? Un projet de concession de 14 aéroports régionaux avait été prévu par le précédent gouvernement d'Antonis Samaras. Gelé par Tsípras, l'agence grecque de privatisation a remis l'ensemble à l'ordre du jour. Attention ! « Régionaux » ne veut pas dire de moindre importance. En effet, ce sont les sites les plus touristiques, donc très profitables, qui font l'objet de cet intérêt des groupes financiers allemands. Cela veut dire ainsi que la seule industrie « profitable » de la Grèce, le tourisme, qui apporte chaque année des devises extrêmement importantes pour le pays, se voit confisqué par les intérêts financiers allemands sans possibilité pour les Grecs d'organiser une industrie touristique pour l'intérêt des Grecs eux-mêmes. 
Il nous sera loisible, ainsi, de comptabiliser jour après jour le démembrement de la Grèce.
Chantez, Athéniens !




5 commentaires:

joseph a dit…

je réfère les grandes voix féminines grecques , à commencer par l'épouse de Jules Dassin , une autre icône des années 70 avec des Athéniens comme choristes et puis la plus grande des divas qui née en Amérique n'en était pas moins grecque comme ses amours ...

Celeos a dit…

Comme vous avez raison Joseph : la très grande Melina Merkouri, ancienne ministre de la culture à qui un centre culturel est consacré à Plaka, et la sublimissime Maria Callas, qui ont toutes deux porté très haut l'idée de la culture...

Silvano a dit…

Je partage la plus grande partie de votre analyse, Celeos. Mais le maintien de la "barre à gauche toute !" ne m'a jamais semblé possible. C'est dramatique, certes, que ce ne le soit pas, mais une Grèce totalement isolée, livrée à elle-même (et à ses vieux démons, voyez les scores d'Aube Dorée !)que les américains auraient fini par récupérer dans leur giron, est-ce souhaitable ?
Tous les "gauchistes" (ce n'est pas péjoratif dans mon esprit) sont, tôt ou tard, confrontés à cet affreux dilemme. La situation, pour Tsipras, était devenue intenable. On ne peut que se lamenter. Je crains que le problème grec ne soit inextricable. Je partage aussi votre ire de l'attitude insupportable de Merkel et de ses affidés. Mais vous ne dites jamais si, selon vous, les grecs (leurs gouvernants corrompus,oui, mais légitimement élus) eux-même n'ont pas une part de responsabilité dans ce qui peut apparaître comme chronique. Je ne corrige pas, c'est spontané.

Celeos a dit…

Si "la barre à gauche toute", comme vous dites ne vous semble pas possible, c'est qu'elle n'a jamais été essayée. Toute l'histoire de la Grèce moderne repose sur le fait qu'elle est une construction d'un état-nation instrumentalisé par les pays occidentaux qui n'ont jamais accepté qu'elle s'émancipe de leur tutelle. Il faut prendre en compte que ce qui est visible et à l’œuvre en Grèce l'est également chez nous, mais l'actualité met le focus sur la Grèce, bien évidemment.
L'Aube dorée, qui reste marginale, heureusement, en Grèce, n'est pas un terme de l'alternative politique, elle n'a pas la capacité d'attraction du Front national en France, car la violence affichée de ce parti nazi rebute les Grecs dans leur immense majorité. Il y avait une autre possibilité, et le Grexit, pour difficile qu'il aurait été, était le moyen de remettre les compteurs à zéro. D. Straus-Kahn, qui n'est pas un imbécile, même s'il a pu être décrédibilisé par son comportement privé, a très bien vu l'impasse dans laquelle se sont enferrés les Européens, qui n'ont à ce jour aucun scrupule de couler la Grèce, puisque la vente du pays à l'encan profite aux financiers amis des responsables européens.
Responsabilité des Grecs ? De qui parle-t-on ? De ceux à qui on a tenu la main à l'issue de la chute des colonels ? De la maffia Papandréou (à gauche) Caramanlis (à droite) qui en chefs tribaux se sont partagé le pouvoir avec leur système de clientélisme pendant tant d'années. C'est un vieux système méditerranéen, le clientélisme. Et pas seulement méditerranéen, mais plus visible dans les pays dont l'économie est sinistrée, tenez, par exemple, l'affaire des ordures industrielles gérées par la maffia napolitaine. Nous nous trouvons dans des logiques de système, que seule une action politique d'envergure peut casser.
Considérer que les Grecs ont une part de responsabilité, c'est un peu comme dire qu'on est toujours responsable de ce qui arrive (pour outrer un peu le propos, les victimes d'un génocide pourraient alors avoir une part de responsabilité). Je ne pense pas, Silvano, que vous partagiez cette philosophie très libérale qui considère que le libre-arbitre est absolu (quand on veut, on peut).
Non, il ne faut pas lâcher sur la situation grecque, leur destin est le même que celui de l'Europe entière, avec un temps d'avance.
Merci de votre spontanéité.

Silvano a dit…

"Je ne pense pas, Silvano, que vous partagiez cette philosophie très libérale qui considère que le libre-arbitre est absolu (quand on veut, on peut)." Certes non!