Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

mardi 11 novembre 2014

Saint Martin

On oublie généralement que le choix du 11 novembre pour l'armistice de 1918 ne fut évidemment pas dû au hasard, mais parce que le 11 tombait sous le patronage de saint Martin. S'il a existé, ce qui n'est pas sûr, on lui fait jouer un rôle d'accompagnement des morts, puisque d'une part l'allégorie du partage de son manteau correspond en fait au partage de l'année, qui comporte, dans la culture archaïque, deux saisons : l'été et l'hiver, aestas et hiems, c'est en dire en fait le temps chaud et le temps froid, et d'autre part on présentait un exemple à bon compte de charité chrétienne.

Saint Martin, consacré aux activités martiales, 
renonce aux armes - Simone Martini 1322-1326
Ce qu'on oublie également, c'est que l'entrée dans la saint Martin fait entrer dans le temps des morts. L'église catholique l'a avancé au 2 novembre, mais les rites anglo-saxons importés rappellent avec Halloween que derrière le côté festif (disons-le vite) se cache plus prosaïquement l'idée que le monde est livré aux morts et aux âmes errantes...
En choisissant l'armistice à ce moment-là, on redonnait aux 10 millions de morts de la Grande Guerre la reconnaissance qu'ils entraient avec leurs ancêtres dans une éternité de gloire.
Saint Martin, accompagné d'un âne, animal dit "psychopompe" dans la culture méditerranéenne car il accompagne les esprits dans leur voyage entre les deux mondes, était ainsi un symbole assez fort pour porter le sens de cette fin de boucherie.
Dans le monde ce furent également 20 millions de blessés, dont les fameuses "Gueules cassées". Grâce à eux, on inventa la Loterie nationale, devenue Française des jeux. On n'arrête pas le progrès. Pour l'occasion on illustra les billets de la sculpture de François Rude, La Marseillaise, que depuis je ne peux plus voir en peinture (non ce n'est pas du Vialatte !)
Les Gueules cassées le restèrent, malgré la Loterie nationale... Que sont devenus tous les beaux garçons, - il y en avait ! - qui laissèrent là leur vie, une partie de leur corps, leur esprit...? Ils sont partis avec les fleurs raconte la chanson...  

Gone to graveyard everyone 
When will they ever learn ?
When will they ever learn ?

La Grande Guerre nous a procuré quelques belles œuvres - "Dieu que la guerre est jolie !" disait Apollinaire. Sans doute, mais on s'en serait passé pour ce prix à payer.

Et le monde gay pendant ce temps-là ? Au front, semble-t-il, rien qui transpirât. A Paris on pouvait trouver, paraît-il, des soldats dans les bordels homosexuels qui se faisaient trois sous :

Bascoblog s'interroge sur la place des homosexuels dans la Grande Guerre: clic, avec un commentaire de Tambour major, notre collègue blogueur exilé au Canada, et Christian Gury présente le cas d'un officier poursuivi pour homosexualité : clic dans un ouvrage publié en 2000.



Ryan Gosling - Only God forgives © DR
Très sexy visage à côté des vraies Gueules cassées

Enfin, ce carnage aurait-il été possible si les nationalismes imbéciles, les intérêts des industries du charbon et de l'acier, de part et d'autre du Rhin, n'avaient pas commandé de produire de manière démentielle les armements avec lesquels les gradés, les uniformes de tout poil ont déguisé leurs volontés de jouissance dans la puissance et dans les projets mortifères ?



Hergé - L'oreille cassée



When will they ever learn ?

2 commentaires:

Silvano a dit…

J'ai lu le livre "somme" de Régis Revenin, cité en référence dans le Bascoblog (que je découvre grâce à vous): un peu fastidieux car émaillé de rapports de police (c'est la mise en œuvre littéraire d'une thèse), mais fort intéressant.
Pour tout le reste, nous sommes en phase ; ce qui ne vous étonnera guère.

Celeos a dit…

Vous ne m'étonnez pas, Silvano, le courant passe.