Finalement, je suis allé voir Marvin dimanche ; le temps était morose. Je regrette un peu l'époque où j'allais au cinéma aussi facilement qu'on fume une cigarette. Même ça, ça n'existe plus. Le monde est vraiment devenu compliqué.
Je n'attendais surtout pas une adaptation du roman d'autofiction d'Edouard Louis, roman que je n'ai pas spécialement apprécié par ailleurs. Son écriture est affectée. On y cherche une sincérité, et je m'interroge sur la souffrance réelle qu'il a dû éprouver pour construire autrement son identité. Je me réserve pour plus tard la lecture d' Histoire de la violence. Le titre est ambigu, nécessairement hypersubjectif. On comprend bien que la violence est celle de son viol.
Marvin, j'en avais vu les extraits de la bande-annonce. Les comédiens me paraissaient magnifiques. Je n'ai pas été déçu. Finnegan Oldfield est superbe, encore porteur d'une sorte de rudesse dont l'émotion rejaillit en même temps qu'il trouve les mots pour dire ce qu'il est, qu'il explore le nouveau monde dont il construit les recoins. Magnifique également le jeune Jules Porier, tout en nuances et en retenue. Les autres comédiens ne sont pas en reste, et le film donne à voir le jeu d'une très belle palette.
Curieusement, il y a eu des mauvais coucheurs, Louis Guichard dans Télérama : «On comprend qu’Anne Fontaine ait renoncé à une adaptation au sens strict d’En finir avec Eddy Bellegueule : sa représentation du prolétariat, seule classe sociale décrite dans le roman, est catastrophique.» Elle est bien bonne ! Louis Guichard qui n'a jamais dû dépasser le périphérique parisien, vient donner des éléments de réalité de ce qu'est le prolétariat ! Deux choses : les scènes représentées dans le film ne sont pas caricaturales. Oui, ce qui est montré existe, sans que l'on soit forcément dans l'outrance. Et ensuite les gens représentés ne paraissent pas odieux ni méprisables, seulement désemparés par rapport à une vie dont ils ne maîtrisent pas les contingences, soumis eux aussi à penser ce que peut être une norme dont ils ne sont pas, dont ils refusent ce qui peut leur apparaître en miroir.
Et puis Marcos Uzal, dans Libération : «Volant de stéréotype en cliché, Anne Fontaine se fourvoie complètement dans l’adaptation du roman d’Edouard Louis.» Marcos Uzal est mal comprenant : Anne Fontaine s'est défendue d'avoir fait une adaptation du roman d'Edouard Louis. Son approche est sensible, et la manière dont le personnage se construit, manière singulière, n'est jamais dans la caricature. Mais pour des critiques, qui, apparemment, sont éloignés du monde gay ou queer, montrer une scène de bar gay serait ainsi une caricature.
L'affaire est entendue, le regard de Marcos Uzal, qui semble avoir fait un peu de cinéma, n'a pas beaucoup plus de pertinence que celui de Louis Guichard. Sans avoir réalisé un chef d'oeuvre, Anne Fontaine a donné à voir la chronique d'une entrée dans la vie, illustration d'une résilience, faite de la matière de moments douloureux, instants sublimés dans la dramaturgie où Isabelle Huppert et Finnegan Oldfield se retrouvent dans une sorte de renaissance au monde. Marvin ou la belle éducation est un beau film.
Le pauvre Marcos Uzal, qu'a-t-il écrit sur le grand Pedro ? La question n'a aucun intérêt, pas plus que le critique. Allez, un extrait de Talons aiguilles. Du grand cinéma là encore.
Je n'attendais surtout pas une adaptation du roman d'autofiction d'Edouard Louis, roman que je n'ai pas spécialement apprécié par ailleurs. Son écriture est affectée. On y cherche une sincérité, et je m'interroge sur la souffrance réelle qu'il a dû éprouver pour construire autrement son identité. Je me réserve pour plus tard la lecture d' Histoire de la violence. Le titre est ambigu, nécessairement hypersubjectif. On comprend bien que la violence est celle de son viol.
Marvin, j'en avais vu les extraits de la bande-annonce. Les comédiens me paraissaient magnifiques. Je n'ai pas été déçu. Finnegan Oldfield est superbe, encore porteur d'une sorte de rudesse dont l'émotion rejaillit en même temps qu'il trouve les mots pour dire ce qu'il est, qu'il explore le nouveau monde dont il construit les recoins. Magnifique également le jeune Jules Porier, tout en nuances et en retenue. Les autres comédiens ne sont pas en reste, et le film donne à voir le jeu d'une très belle palette.
Curieusement, il y a eu des mauvais coucheurs, Louis Guichard dans Télérama : «On comprend qu’Anne Fontaine ait renoncé à une adaptation au sens strict d’En finir avec Eddy Bellegueule : sa représentation du prolétariat, seule classe sociale décrite dans le roman, est catastrophique.» Elle est bien bonne ! Louis Guichard qui n'a jamais dû dépasser le périphérique parisien, vient donner des éléments de réalité de ce qu'est le prolétariat ! Deux choses : les scènes représentées dans le film ne sont pas caricaturales. Oui, ce qui est montré existe, sans que l'on soit forcément dans l'outrance. Et ensuite les gens représentés ne paraissent pas odieux ni méprisables, seulement désemparés par rapport à une vie dont ils ne maîtrisent pas les contingences, soumis eux aussi à penser ce que peut être une norme dont ils ne sont pas, dont ils refusent ce qui peut leur apparaître en miroir.
Et puis Marcos Uzal, dans Libération : «Volant de stéréotype en cliché, Anne Fontaine se fourvoie complètement dans l’adaptation du roman d’Edouard Louis.» Marcos Uzal est mal comprenant : Anne Fontaine s'est défendue d'avoir fait une adaptation du roman d'Edouard Louis. Son approche est sensible, et la manière dont le personnage se construit, manière singulière, n'est jamais dans la caricature. Mais pour des critiques, qui, apparemment, sont éloignés du monde gay ou queer, montrer une scène de bar gay serait ainsi une caricature.
L'affaire est entendue, le regard de Marcos Uzal, qui semble avoir fait un peu de cinéma, n'a pas beaucoup plus de pertinence que celui de Louis Guichard. Sans avoir réalisé un chef d'oeuvre, Anne Fontaine a donné à voir la chronique d'une entrée dans la vie, illustration d'une résilience, faite de la matière de moments douloureux, instants sublimés dans la dramaturgie où Isabelle Huppert et Finnegan Oldfield se retrouvent dans une sorte de renaissance au monde. Marvin ou la belle éducation est un beau film.
Le pauvre Marcos Uzal, qu'a-t-il écrit sur le grand Pedro ? La question n'a aucun intérêt, pas plus que le critique. Allez, un extrait de Talons aiguilles. Du grand cinéma là encore.
10 commentaires:
Totalement raccord avec ton avis sur "Marvin ou la belle éducation" et surtout partage ton énervement contre le mal qu'en disent Louis Guichard et le mec de Libé. A+
Oui, et les acteurs ont bien défendu le film, par ailleurs.
A +, Thomas.
Je n'ai pas encore vu le film ce que j'espère faire mais lu le livre.
Il m'en est resté une impression douce amère.
Il n'est pas si mal écrit, je trouve.
Je suis d'abord entrée en complète compassion pour le jeune garçon pour ensuite osciller entre lui et le monde "prolétaire" qui l'entourait.
Le père, la mère m'ont semblé autant victimes de leur appartenance à ce monde dur et douloureux dont ils n'auront pas réussi à s'extraire. On sent qu'à un moment, même fugacement, il l'aurait souhaité. La force leur a manqué. Tout le monde ne l'a pas.
Et puis, à leur manière, ils n'étaient pas dépourvu d'amour...celui qui ne sait pas faire.
Peut-être qu'un jour,Edouard Louis revisitera son passé et arrivera à pardonner et à aimer. Il en a indéniablement la fore.
Marie
Allez voir le film, dès qu'il passe chez vous, Marie, je sais que vous l'apprécierez. Le livre est plus amer, me semble-t-il, que doux. Trois ans après sa sortie, après le délire médiatique de ces journalistes qui découvraient avec stupéfaction une description du milieu prolétarien (ont-ils lu Zola, Villermé ?), qui célébraient un héros qui avait réussi à s'extirper de ce milieu délétère, il serait peut-être utile, à froid, de revenir dessus. J'essaierai de le faire avec ma propre lecture.
Vous parlez de pardon, Marie. C'est une notion que certains anthropologues ont essayé d'explorer. Robert Hertz, par exemple, mort trop tôt à la Grande Guerre. Il est possible que le pardon soit une notion qui n'ait aucun sens.
Quand vous aurez un peu de temps, accepteriez-vous de développer sur le pardon?
Là, je l'entendais comme une réconciliation avec soi même, avec le monde, entre soi même et le monde ; un grand mouvement vers la paix.
Marie
Pas de souci, Marie, j'en parlerai. Vous avez bien subodoré que ça demande quelques lignes...
On m'avait donné à lire avec insistance le livre d'Edouard Louis dont me rebutait tout le bruit médiatique qui l'accompagnait . Je l'ai lu et il ne m'a pas plu. Je suis originaire moi-même du monde des prolétaires et mon vécu homosexuel n'a guère été facile et à certains égards tragique. Mais je ne me suis pas reconnu dans ce texte qui est pourtant, reconnaissons le, bien écrit. J'ai donc zappé le film lorsque je me suis rendu compte qu'il s'agissait d'une adaptation de ce livre. Ce que vous en écrivez m'incite à finalement aller le voir.
Oui, Anonyme (un prénom?), le livre vaut sans doute mieux que ce qu'en a fait la critique, et paradoxalement, la volonté subjective d'Edouard Louis ne le rend pas facilement accessible à ceux qui pourraient être concernés en premier lieu par le sujet. Vous parlez de la difficulté de l'homosexualité en milieu ouvrier ? Sujet ô combien délicat, pratiquement jamais traité, qu'il serait important d'aborder tant qu'il existe une possibilité de témoignages. La sociologie est pauvre, en moyens, en méthodologie autre que participative. Il serait regrettable d'en faire l'impasse pourtant.
Oui, le film est très beau, et je crois que le travail d'Anne Fontaine a donné au scénario une autre dimension, sans prétention sur une description du réel, mais tout au moins dans le domaine d'une sensibilité sincère.
Le protecteur et ami d'Edouard Louis, Didier Eribon, lui-même disciple de Foucault en a traité à sa manière dans un livre bien plus intéressant que celui de son émule : Retour à Reims. Mais dès que l'on devient un "grand intellectuel", ce qu'est devenu Eribon, ce à quoi travaille et qu'est en passe de devenir Edouard Louis on est hors sol par rapport à ses origines. Ce qui n'est pas mon cas même si bien sûr mon histoire qui pourrait intéresser tant de lecteurs curieux si j'en faisais une autofiction, ce dont je n'ai ni le temps ni l'envie, m'a contraint de rompre il y a déjà bien longtemps avec cette cellule vilainement enclose que Gide haïssait tant, et pour cause, la famille et d'assumer depuis tout ce temps une solitude aussi essentielle que bienheureuse.
Je n'ai pas l'âme (encore moins la formation) d'un sociologue et je pense que ce qui importe avant tout c'est de créer les conditions d'une émancipation de tou(te)s les homosexuel(le)s. Et surtout des jeunes !
Je publierai un jour peut-être sur mon blog Thébaïde News mes constats et propositions en la matière. Ainsi, si j'étais encore prof de français (un métier terrible dont je suis si heureux de ne plus avoir à l'exercer!) et devant des élèves de lycée je les emmènerai voir "Seule la terre", un film très fort, très juste et en même temps superbement documentaire sur la vie paysanne contemporaine. Je n'aurai pas le temps d'aller voir Marvin car je retourne à la campagne, dans ma thébaïde... Eh oui j'ai aussi des ascendances paysannes, ça marque et ça peut donner cette passion de la nature qui m'habite et qui est ma vraie compagne.
Anonyme c'est Théophraste, son vrai prénom est accessible sur son blog et il n'hésite d'ailleurs pas à livrer aussi son nom lorsque de façon rarissime s'établit un contact un peu authentique mais Internet n'en est quasiment jamais le lieu.
Merci Théophraste. Nous aurons certainement l'occasion de revenir sur le sujet !
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