Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

samedi 30 décembre 2017

Lost in the wilderness

Je parlais l'autre jour de ces personnes arrivant d'Italie dans des conditions terribles, accueillies à Briançon.

L'émission Quotidien a eu la bonne idée de faire ce reportage, qui se passe évidemment de commentaires. Ce qui me semble insupportable est que les personnes qui assurent cette veille humanitaire doivent se cacher de la police, de la gendarmerie pour ne pas tomber sur une procédure de délit. La France pays des droits de l'homme ? Non, fantasme publicitaire. Depuis tant de siècles, si des communautés villageoises se sont mobilisées pour assurer leur vision d'une éthique de l'humanité, en France on persécute depuis toujours ceux qui ne pensent pas et aujourd'hui n'agissent pas comme le voudrait le pouvoir, ce pouvoir que Michel Foucault analysait comme un biopouvoir dans ses derniers travaux. J'en ai déjà parlé dans ce blog, et aurai certainement l'occasion d'en reparler un de ces moments.

On a appris il y a deux jours qu'un jeune migrant d'une vingtaine d'années, d'origine africaine, a été retrouvé mort au bord de l'autoroute A8, sur la commune de Roquebrune-Cap Martin. Il dormait dans une cabane en surplomb de l'autoroute, et serait tombé. Il a été retrouvé pieds nus, dans son duvet, avec un petit carnet dans lequel il notait le détail des jours qu'il passait dans ce voyage, son dernier. Il y a dix ans sortait le film de Sean Penn, Into the wild, qui racontait l’échappée d'un garçon du même âge, Christopher McCandless dans la découverte d'une nature splendide et cruelle. Voici que le même scénario est écrit là, dans ce destin brutalement interrompu, dont la wilderness est écrite dans notre horizon, dans une nature qui réunit l'urbanisation la plus échevelée à la douceur de ce dont les paysages méditerranéens sont porteurs. Connaîtra-t-on son nom ? Ce marcheur inconnu à la peau sombre, aux semelles de vent, fit le chemin inverse du magicien des mots ardennais. Ainsi accueilli dans le monde sauvage qui seul, peut-être, était en mesure de le faire, il a rejoint la ligne claire d'un chemin qu'il s'est lui-même tracé. Seul et magnifique.


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Que dire après avoir visionné ce reportage ? Consternation, le mot est faible, mais aussi un peu de soulagement de voir en actes des français engagés, généreux, humains, comme il en est trop peu dans ce pays régi en effet par des slogans publicitaires (droits de l'homme et le fameux triptyque qui s'inscrit aux frontons des monuments de la République dont on s'émeut si peu qu'il soit quotidiennement bafoué). Le mot fraternité dans le contexte globalement répressif des pouvoirs dits publics à l'égard des migrants ne résonne t-il pas un peu plus chaque jour comme une obscénité ?
Ce matin dans un supermarché parisien j'observais un vigile d'origine africaine qui vaporisait un produit dans l'allée menant aux caisses. Je lui ai demandé ce que c'était. Du lacrymo m'a-t-il répondu en souriant Ah bien, alors vous faites comme les flics avec les migrants. Son sourire s'est figé et il m'a dit poliment au revoir alors que je m'apprêtais à sortir.

Théophraste
Thébaïde News

Celeos a dit…

Il ne faut retenir que les gestes de solidarité, les seuls qui aient du sens.