On oublie que ce bonhomme censé faire la joie des enfants à Noël est une pure invention de la firme Coca-Cola, qui en avait fait un vecteur de communication imparable : un parfait syncrétisme confondant saint Nicolas dont il est principalement issu avec le Christ lui-même, apportant autrefois des cadeaux à l'instant précis du solstice d'hiver. Les Espagnols utilisaient autrefois Els reys – les rois mages – qui jouaient ce rôle d'apporteurs de présents, tels que la tradition légendaire le rapportait, car si l'évangile de Matthieu parle bien de mages, il n'évoque aucun présent, mais un «hommage», de même que les bergers de Luc.
Ainsi, la myrrhe, l'encens sont des apports symboliques ultérieurs. Il n'en reste pas moins que dans les sociétés traditionnelles, le passage du solstice d'hiver donnait lieu à des échanges de présents entre les générations, et dans des époques de faible abondance, essentiellement de nourriture. On a gardé en général l'image de l'orange, fruit rare autrefois qui mûrissait au moment de l'hiver, et symbolisait à la fois la lumière, la promesse de jours ensoleillés et l'abondance de nourriture à venir.
Claude Lévi-Strauss avait publié autrefois de belles pages sur un fait divers à partir duquel il analysait les tenants et aboutissants de ce Père Noël : Le Père Noël supplicié. Le clergé dijonnais avait pendu et brûlé en effigie, en 1951, ce Père Noël usurpateur, venu se substituer au Christ ou à saint Nicolas.
Il n'y a donc pas lieu de s'étonner outre mesure de cette immense image que Coca-Coca a fait poser pour Noël sur la piazza San Giovanni à Florence ; ce n'est qu'un retour aux sources. Il n'en reste pas moins que le pauvre PPP s'étranglerait de rage à voir se côtoyer le bâtiment religieux du baptistère récemment rénové avec cette apologie de la consommation que prône l'image du Père Noël !
Il y a par ailleurs d'autres sujets de préoccupation aujourd'hui, en Italie comme dans toute l'Europe, avec la nécessité d'accueillir les réfugiés, car on bombarde encore en Syrie et au Proche Orient.
A Santa-Maria del Fiore, on peut croire que c'est une famille de réfugiés qui s'est installée dans la nef, ainsi que l'actuel pape Francesco a appelé les paroisses à les recevoir. La Repubblica rappelait que seules 25 %
des paroisses avaient répondu à cet appel. Décidément, le pape n'est plus grand chose non plus qui a déjà bien du mal avec sa curie !
Note du 27 décembre (à la suite du commentaire de Paul) :
... et d'ailleurs pas que de Paul puisque j'entends ce soir sur France Inter la chanteuse Juliette qui anime une émission reprendre cette idée que l'intervention de Coca-Cola dans la représentation du Père Noël serait une «légende urbaine»! Il se trouve qu'ayant eu à travailler sur le sujet il y a quelques années, j'ai une assez bonne documentation, mais je ne vais pas tout ressortir, ce qui serait un peu long. Et je suis obligé d'inverser le propos de Juliette, supposant que c'est le fait de dénier l'intervention de Coca-Cola dans la diffusion de l'image rénovée de Santa Claus devenu Père Noël qui relève de la légende urbaine!
Dans son livre La fabuleuse histoire du Père Noël, paru en français en 1996, Tony Van Renterghem retrace la longue histoire d'un syncrétisme que par ailleurs Claude Lévi-Strauss cité plus haut analyse avec une grande finesse. Qu'en est-il de ce Père Noël au XIXe siècle?
En Europe on ne le connaît pas. En France, de manière générale, c'est le «Petit Jésus» qui apporte les cadeaux, sauf dans l'Est d'influence germanique où saint Nicolas et sa légende des trois petits enfants sont très populaires. En Espagne, ce sont «Els reys» (les rois mages). En Italie, c'est la Befana, qui apporte, selon le cas, des cadeaux ou du charbon si les enfants n'ont pas été sages.
Aux États-Unis, c'est l'influence germanique qui prévaut, avec un Santa Claus/saint Nicolas qui évolue rapidement. Voici ce qu'en dit Tony Van Renterghem:
«La Révolution française et le XIXe siècle réduisirent le pouvoir des Eglises, ce qui permit un retour de nombreuses coutumes païennes, y compris saint Nicolas, Zwarte Piet et l'Arbre de Noël. C'est le premier développement du Père Noël/Santa Claus aux États-Unis.
Le Santa Claus américain se développa d'abord à partir d'une vague évocation du Sinte Klaas des colons hollandais de New-Amsterdam, mis en poème par Clément C. Moore. Ce personnage était un mélange du catholique saint Nicolas, du dieu Wodan germanico nordique des vieux colons hollandais.
L'artiste bavarois de naissance Thomas Nast (1840-1907) utilisa Knecht Ruprecht, une figure chamanique bavaroise de son enfance comme modèle de ses illustrations du Santa Claus. Dans certaines représentations ce personnage était le valet noir de saint Nicolas. Cette figure païenne se servit du nom de saint Nicolas; ailleurs le Valet noir – ancien chamane païen Herne/Pan – opéra en propre.
Le Père Noël moderne international (commercial) est connu dans différentes cultures, par exemple sous les noms de Santa Claus, Father Christmas, Father Winter, Bonhomme Hiver, Kerstmenetje, puis se répandit dans le monde entier en 1932 par le biais de la publicité Coca-Cola (et d'autres réclames).
Haddon Sundblom fut désigné pour dessiner un nouveau Santa, gros et jovial, habillé en rouge et blanc, les couleurs de Coca-Cola» (pp. 101-102).
En bref, et pour résumer : avant 1931, c'est Santa Claus qui perpétue son rôle d'apporteur de cadeaux, conformément à la tradition germanique dont héritent les Etats-Unis. Après 1931, Santa Claus est «relooké» par Coca-Cola et redevient un personnage païen plus conforme aux souhaits de la firme de diffuser une figure sympathique qui ne serait pas aussi visiblement d'origine chrétienne, et de mieux asseoir l'association du personnage et de la boisson. Comme en France, saint Nicolas existe de manière autonome dans la tradition chrétienne, il devient le «Père Noël», une espèce de double ressenti comme païen, ce qui explique la confusion dans laquelle se sont trouvés les Dijonnais catholiques en 1951.
Ainsi, la myrrhe, l'encens sont des apports symboliques ultérieurs. Il n'en reste pas moins que dans les sociétés traditionnelles, le passage du solstice d'hiver donnait lieu à des échanges de présents entre les générations, et dans des époques de faible abondance, essentiellement de nourriture. On a gardé en général l'image de l'orange, fruit rare autrefois qui mûrissait au moment de l'hiver, et symbolisait à la fois la lumière, la promesse de jours ensoleillés et l'abondance de nourriture à venir.
« Coca-Cola donne un goût singuler à Noël/je voudrais rendre heureux», |
Claude Lévi-Strauss avait publié autrefois de belles pages sur un fait divers à partir duquel il analysait les tenants et aboutissants de ce Père Noël : Le Père Noël supplicié. Le clergé dijonnais avait pendu et brûlé en effigie, en 1951, ce Père Noël usurpateur, venu se substituer au Christ ou à saint Nicolas.
Il n'y a donc pas lieu de s'étonner outre mesure de cette immense image que Coca-Coca a fait poser pour Noël sur la piazza San Giovanni à Florence ; ce n'est qu'un retour aux sources. Il n'en reste pas moins que le pauvre PPP s'étranglerait de rage à voir se côtoyer le bâtiment religieux du baptistère récemment rénové avec cette apologie de la consommation que prône l'image du Père Noël !
Des réfugiés fuyant les persécutions venus s'abriter à Santa Maria del Fiore |
A Santa-Maria del Fiore, on peut croire que c'est une famille de réfugiés qui s'est installée dans la nef, ainsi que l'actuel pape Francesco a appelé les paroisses à les recevoir. La Repubblica rappelait que seules 25 %
des paroisses avaient répondu à cet appel. Décidément, le pape n'est plus grand chose non plus qui a déjà bien du mal avec sa curie !
Note du 27 décembre (à la suite du commentaire de Paul) :
... et d'ailleurs pas que de Paul puisque j'entends ce soir sur France Inter la chanteuse Juliette qui anime une émission reprendre cette idée que l'intervention de Coca-Cola dans la représentation du Père Noël serait une «légende urbaine»! Il se trouve qu'ayant eu à travailler sur le sujet il y a quelques années, j'ai une assez bonne documentation, mais je ne vais pas tout ressortir, ce qui serait un peu long. Et je suis obligé d'inverser le propos de Juliette, supposant que c'est le fait de dénier l'intervention de Coca-Cola dans la diffusion de l'image rénovée de Santa Claus devenu Père Noël qui relève de la légende urbaine!
Dans son livre La fabuleuse histoire du Père Noël, paru en français en 1996, Tony Van Renterghem retrace la longue histoire d'un syncrétisme que par ailleurs Claude Lévi-Strauss cité plus haut analyse avec une grande finesse. Qu'en est-il de ce Père Noël au XIXe siècle?
En Europe on ne le connaît pas. En France, de manière générale, c'est le «Petit Jésus» qui apporte les cadeaux, sauf dans l'Est d'influence germanique où saint Nicolas et sa légende des trois petits enfants sont très populaires. En Espagne, ce sont «Els reys» (les rois mages). En Italie, c'est la Befana, qui apporte, selon le cas, des cadeaux ou du charbon si les enfants n'ont pas été sages.
Aux États-Unis, c'est l'influence germanique qui prévaut, avec un Santa Claus/saint Nicolas qui évolue rapidement. Voici ce qu'en dit Tony Van Renterghem:
Carte ancienne aux couleurs vertes de saint Nicolas,
mais il
existe en bleu, en rouge, en gris...
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Le Santa Claus américain se développa d'abord à partir d'une vague évocation du Sinte Klaas des colons hollandais de New-Amsterdam, mis en poème par Clément C. Moore. Ce personnage était un mélange du catholique saint Nicolas, du dieu Wodan germanico nordique des vieux colons hollandais.
L'artiste bavarois de naissance Thomas Nast (1840-1907) utilisa Knecht Ruprecht, une figure chamanique bavaroise de son enfance comme modèle de ses illustrations du Santa Claus. Dans certaines représentations ce personnage était le valet noir de saint Nicolas. Cette figure païenne se servit du nom de saint Nicolas; ailleurs le Valet noir – ancien chamane païen Herne/Pan – opéra en propre.
Le Père Noël moderne international (commercial) est connu dans différentes cultures, par exemple sous les noms de Santa Claus, Father Christmas, Father Winter, Bonhomme Hiver, Kerstmenetje, puis se répandit dans le monde entier en 1932 par le biais de la publicité Coca-Cola (et d'autres réclames).
Haddon Sundblom fut désigné pour dessiner un nouveau Santa, gros et jovial, habillé en rouge et blanc, les couleurs de Coca-Cola» (pp. 101-102).
En bref, et pour résumer : avant 1931, c'est Santa Claus qui perpétue son rôle d'apporteur de cadeaux, conformément à la tradition germanique dont héritent les Etats-Unis. Après 1931, Santa Claus est «relooké» par Coca-Cola et redevient un personnage païen plus conforme aux souhaits de la firme de diffuser une figure sympathique qui ne serait pas aussi visiblement d'origine chrétienne, et de mieux asseoir l'association du personnage et de la boisson. Comme en France, saint Nicolas existe de manière autonome dans la tradition chrétienne, il devient le «Père Noël», une espèce de double ressenti comme païen, ce qui explique la confusion dans laquelle se sont trouvés les Dijonnais catholiques en 1951.
8 commentaires:
J'ai vu un Père Noël russe tout de blanc vêtu, magnifique.
Belle crèche.
Si ma mémoire ne me trahit pas, j'en avais vu une très belle à Santa Croce.
Coca Cola n'a pas inventé le Pére Noël - c' est une légende trés répandue- mais a grandement contribué à le populariser.
Et pourtant si, Paul : saint Nicolas avait été modernisé dans ses représentations, et c'est Haddon Sundblom qui l'a redessiné pour Coca-Cola, buvant cette boisson en reprenant les couleurs de la firme! C'était en 1931...
Avant 1931 , la représentation du Pére Noël avait l' aspect qu' on lui connait aujourd' hui ,y compris la couleur rouge utilisée dés 1866 . source : Wikipédia .
Paul, vous m'avez obligé à aller chercher dans mes archives. Alors je vais préciser: avant 1930, c'est le nom de Santa Claus qui reste utilisé, avec la connotation religieuse. Mais c'est bien en 1931, et à la demande de la firme Coca-Cola, que le Santa se transforme comme je l'ai indiqué. Je rajoute une note en annexe de mon billet plus commode à présenter que dans ce commentaire.
ans la Belgique profondément rétrograde des années 50-60 (le Condroz encore féodal avec son cortège de comte et baron , de notables- le bourgmestre , le docteur, l'instituteur, le curé cités dans le désordre - je me souviens d'un prêche de Noël où le p7re Noël, invention bolchevico -socialiste avait été vilipendé et les termes odieux, horribles utilisés ! pour ce qui est de l'intervention de Coca Cola, je pense que les traits actuels en sont l'émanation , mais pour ce qui me concerne , j'aime assez les publicités de cette boisson en cette période qui développe une certaine illumination et un air fraternel de joie et partage!
Je n' ai pas de notes personnelles sur le Pére Noël et m'en remets à Wikipédia .
Le premier emploi attesté de la locution Pére Noël apparait dans une revue le 23/12/1848.
Il est le descendant du dieu Viking Odin qui portait des cadeaux aux enfants; il en a gardé la barbe blanche , le bonnet et les vêtements de fourrure rouge .
Pas grand chose à voir , semble t-il , avec Coca Cola . Mais Wikipédia n' est pas infaillible .
Wikipédia a souvent de bonnes références Paul. Qu'il y ait des mentions du terme dès le milieu du XIXe siècle n'est pas incohérent dans la mesure où l'anticléricalisme à l'époque avait besoin de s'appuyer sur d'autres symboles que les figures religieuses.
Évidemment Wodan, Odin, c'est le même dieu (où l'on trouve la racine [hod]. Après, ce qu'en a fait Coca-Cola reste plutôt amusant...
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