Si je
t’oublie, Gaza
Si je
t’oublie Jérusalem, que ma langue se dessèche…
Comment
pourrais-je t’oublier,
Toi qui
vois aujourd’hui le feu de l’injure faucher en pluie d’acier les enfants
philistins ?
Comment
pourrais-je t’oublier, qui avales tes promesses d’une joie partagée, la
terre de lait et de miel ravagée, les oliviers arrachés, les citronniers
coupés ?
J’entends
encore les pleurs : Auschwitz, Maïdenek, Treblinka. Les larmes aujourd’hui
étouffent le chant du kaddish. Un autre nom allonge la liste pour le chanter
plus fort encore : Gaza, Gaza, Gaza !
Ils
croyaient qu’un dieu charpentier, amateur de boucs ou de béliers, de montagnes
sans attraits, était plus seyant s’il se faisait géomètre :
« Que
nul ne reste ici s’il ne se soumet à ma géométrie ! »
Dieu
jaloux, dieu aveugle, sourd et muet, dieu à la nuque raide, trop gavé d’herbes
amères pour apprécier le vin du voisin.
Dieu enivré
de sa propre parole, pécheur d’avoir trop été prédicateur.
Dieu sans
joie, éleveur de corbeaux barbus et de vautours sans grâce.
Dieu de
la terre aride,
Quand les
jardins odorants au goût de grenade
Riaient
sur les lèvres d’enfants
Sous le
soleil complice.
Si je
t’oublie, Gaza, que ma main droite se colle à mon palais
Pour ne
plus avoir à écrire
Et que
mes mots s’étouffent sous mes yeux éborgnés.
Celeos - 15 mai 2018
10 commentaires:
Très beau texte. Quelle abjection !
Merci Silvano. L'écoeurement.
Hardi, surtout en ce jour, et bienvenu détournement du texte biblique (Ps. 136/137).
Détournement ou plutôt élargissement, de Maïdenek à Gaza.
Mais la permutation de la "(main) droite" et de la "langue" n'est-elle pas accidentelle ?
Non, Anonyme, la permutation de la langue et de la main n'est pas accidentelle.
La puissance de vos mots, Céléos, portent tout le malheur du monde.
Le notre, que nous sommes impuissants à défaire,semblant éternellement en faire tourner la roue.
Malheur dont nous accusons des dieux que nous avons nous même créés à notre image.
Nous savons pourtant qu'en chacun de nous existe une image inverse qu'un jour, nous utiliserons, peut être...
Marie
Lorsque les hommes se sont pris à penser un dieu d'amour, Marie, ce fut pour constater qu'il avait abandonné ses enfants, et jusqu'à son propre fils. Il reste, sans aucun dieu, à donner à l'humanité sa plus totale dimension qui s'exerce en abolissant les frontières, en restant économe de toute vie et fuyant toute tentative d'accaparement de quelque ressource naturelle que ce soit. Les mots sont bien pauvres pourtant à mener ce chantier, entamé depuis si longtemps.
attribuer ces horreurs aux seuls dieux que vous croyez créer par l'homme est réducteur et limite résultant d'amalgames que j'apprécie dans les mots d'un poête hurlant sa douleur, mais pas au delà car cela heurte mon esprit cartésien d'analyste de la réalité économique dont les dieux ne sont pas responsables puisque la conquète de territoires existe depuis la nuit des temps, depuis qu'au cœur d'une créature évoluée ou non -car l'animal partage cette logique - l'herbe du voisin est toujours meilleure que la mienne!
Merci.
Merci pour ton texte. Très beau. LA situation de PAlestine m a toujours révolté. Aujourd'hui, ca dépasse l'entendement. On se dit que ca ne peut aller plus loin et à chaque fois, on va encore plus loin. Je suis desespéré. C'est une situation qui depasse l'entendement, qui touche à de tels ressorts intimes et psy, que je crois qu'on n'en sortira jamais. Jerusalem, capitale des trois religions monothéistes, m'a fait une impression terrible, me confirmantmon envie de fuite devant ces religions qui pronent le bien, pour finalement mieux faire le mal.
Merci Arthur. Je crois que ton désespoir est largement partagé. On ne voit pas de solution, et avoir accepté de se laisser enferrer dans les religions, autant d'un côté que de l'autre, amène au désastre.
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