Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

vendredi 25 mai 2018

Italia da incubo

En bon piéton de Rome, de Milan, de Turin ou de quelque lieu que ce soit en Italie, on se persuade que, de toute éternité, l'Italie reste la même, que la piazza della Signoria ne changera jamais, non plus que la piazza Navona, ni les escaliers de la piazza di Spagna où les jeunes gens de toutes nationalités donnent à voir leur satisfaction de s'approprier ce lieu. Je ne sais quel antique objet les smartphones ont remplacé entre leurs mains témoignant de leurs photographies sans grande imagination qu'ils ont été présents à cet endroit précis. Leur présence est un aboutissement d'un moment dans lequel déjà Rome n'est plus qu'un décor comme un autre qui cumule seulement le passage de précédentes notoriétés. Mais peu importe. On ne s'attardera pas davantage sur les trajets qui vont de la Barcaccia à la Fontaine de Trevi, de la via Margutta à la piazza del Popolo. 

Une fois précédente où j'avais été à Rome, la piazza del Popolo accueillait, le lendemain, Matteo Salvini, l'épouvantable leader de la Lega, Ligue du Nord s’entend, dont le discours xénophobe en fait le pendant italien du Front national. Il avait succédé à Umberto Bossi, définitivement rattrapé par des malversations et un AVC. Mais la bête immonde est féconde : si le Movimento Sociale Italiano — MSI — a disparu en 1995, il a engendré la Ligue du Nord et le Movimento Cinque Stelle  — M5S — de l’humoriste Beppe Grillo. Contre toute attente, l’homme du Nord et celui du Sud, a priori ennemis, se sont entendus pour une coalition improbable, et, de fait, dans ce système institutionnel tarabiscoté dont les Italiens se sont dotés — mais qui n’est pas pire que le nôtre, quasiment monopartite si pas encore bonapartiste, se retrouvent comme larrons en foire.

Ainsi sont projetés à la tête de l’Italie les Pieds nickelés : Matteo Salvini, le plus hargneux, Luigi Di Maio, napolitain dont le père était un responsable du MSI, et un troisième larron, Giuseppe Conte, choisi par les précédents pour former le gouvernement et devenir Président du Conseil. Giuseppe Conte ressemble en bien des points à notre zozo de l’Elysée, mais certainement en moins brillant.

Beretti del Sindacato Generale Italiano del Lavoro


Bref, les fondamentaux du pouvoir en Italie sont maintenant ceux de l’extrême droite, dont les thèmes récurrents xénophobes et homophobes vont s’appliquer dans la péninsule. Étant donné les difficultés économiques de l’Italie, le besoin d’Europe et de ses cofinancements feront mettre l’europhobie en veilleuse. Néanmoins, on voit déjà quelques conséquences illustrer l’actualité récente : Médiapart informait de l’annulation à l’Université de Vérone d’une journée d’études sur l’asile LGBT sous la pression de l’extrême droite maintenant au pouvoir. A lire ici.

Les oripeaux servis au tourisme de masse n’occultent déjà plus, à Rome, la dégradation de la ville qui n’a plus les moyens d’entretenir ses infrastructures. On apprenait récemment que plusieurs autobus de la Société Atac, qui gère les transports romains, avaient pris feu non à cause d’un attentat, mais de la vétusté des véhicules ; la piazza Venezia, incontournable dans les trajets romains, est défoncée au point que les scooters des industries japonaises en ont fait leur terrain d’essai ; la mairie de Rome met, paraît-il, à disposition des Romains un formulaire de demande de remboursement pour les frais occasionnés par les voitures endommagées par les nids-de-poule. Ceux qui ont expérimenté les rues romaines savent qu’on s’y tord les pieds sur les pavés de basalte qu’aucun service municipal n’entretient plus. Rome est sans doute, avec une maire qui appartient au M5S, après avoir été gérée par Ignazio Marino, du Parti démocrate, laissant la ville dans un état déjà peu enviable la préfiguration de ce que sera l'Italie dans son ensemble dans quelques années…

L’Italie, dans ses institutions politiques, est peut-être déjà à l’image de ce délabrement de Rome, qui ne laisse plus que la perspective de politiciens définitivement corrompus ou des nervis néofascistes. En matière de fascisme, l’Italie était déjà en avance au XXe  siècle. Quelques indices, pour la France, donnent à penser qu’on ne va pas tarder à rattraper l’Italie.

Je conseille la lecture, pour retrouver un peu d'humour, d'un très bon livre de Achille Corea, Roma senza vie di mezzo, qui vaut largement les Guide du routard souvent mal renseignés, paru en 2010 aux Editions Pendragon à Bologne.


6 commentaires:

romeo a dit…

Vous avez raison: povera Italia!

Silvano a dit…

Mon désarroi est incommensurable.
Comme je souhaiterais que vous vous trompiez en nous prédisant le même sort !

Celeos a dit…

Je souhaite de tout coeur me tromper. Mais je note avec amertume la montée d'un hyperautoritarisme quand les chantres de la xénophobie en France rivalisent en surenchères...

joseph a dit…

Et la Belgique n'est pas mieux lotie! De plus je ressens de plus en plus une mise au pas de la presse par l'autorité en place , pour ne pas dire une presse muselée qi ne peut ou ne veut plus exercer son pouvoir lardée qu'elle est par la censure édictée par le pouvoir, notre premier ministre étant inféodé au pouvoir le plus abject car il se cache derrière une pseudo couche démocratique !

Celeos a dit…

Et on apprend ce soir que le povero Giuseppe Conte renonce à former le gouvernement... C'est vrai que ça ressemble aussi un peu à la Belgique !

joseph a dit…

Vu de Belgique ,enfin une bonne nouvelle car une rose peut éclore parmi les orties et chardons, et l' Italie a été une telle pépinière de talents -ne lui devons nous pas le quattrocento préparant la renaissance - que si elle pouvait essaimer des meilleurs produits chez nous, comme tous les ouvriers qui permirent à nos mines de vivre et nous assurer un avenir, certains de mes concitoyens sauraient ce que les gens venus d'ailleurs peuvent nous apporter( et pourtant que de quolibets à leur égard quand l'accent de leur pays nous servait à leur asséner qu'ils venaient profiter de notre "moutouelle")