Il m’arrive de regarder parfois, toujours avec étonnement,
les entrées qui ont amené les lecteurs sur Véhèmes.
C’est ainsi que j’ai pu voir l’entrée suivante : Augustin Trapenard gay ?
J’ai souri, bien évidemment. Outre que je ne sais rien de la
gaytude d’Augustin Trapenard, et qu’à vrai dire je m’en fous un peu, je reste
étonné par les algorithmes utilisés par Google qui permettent d’associer mon
blog avec le fait qu’Augustin Trapenard serait gay. Il se trouve, en effet, que
j’ai mentionné à plusieurs reprises sur des billets, le nom d’Augustin
Trapenard dans des billets. Pour autant je ne suis jamais allé plus loin que de
commenter, de manière légère me semble-t-il, les propos ou l’actualité de l’un ses
invités.
J’ai souvent dit que les voix des garçons constituent pour
moi une dimension esthétique à l’égale d’une forme du corps, d’une courbe, qui
pourrait peut-être être traduite par une équation mathématique, un nombre d’or
appliqué à un ensemble de fréquences, et que mon oreille reconnaît aussitôt
aussi sûrement que mes yeux savent reconnaître l’harmonie d’un corps. La voix
d’Augustin Trapenard n’a pas tout à fait les composantes de cette harmonie dont
je parle ; j’y reconnais toutefois une douceur, une capacité à créer avec
son invité une ambiance de nature à s’abandonner loin de toute tentative de
défense, dans un monde de créations ou d’idées qui sont souvent l’objet de
conflits ou de relations dans lesquelles tout doit être justifié.
J’apprécie que sa manière de questionner, justement, ne soit
pas dans cette volonté de pousser un invité dans un retranchement, ainsi qu’il
est convenu de dire, mais d’accompagner la pensée de l’invité, aller avec lui
dans des moments où la pensée peut s’exprimer. Il y eut quelques exceptions qui
m’ont étonné : j’ai parlé dans Véhèmes de la stupéfiante déclaration
d’Erik Orsenna, disant que la liberté d’expression ne peut aller au-delà de
certaines limites. Il s’agissait, en l’occurrence, de commenter les
déclarations d’Erri de Luca.
Dois-je dire, en outre que le prénom d’Augustin évoque en
moi des souvenirs de douceurs, voire d’une érotique singulière. Si je rappelle
rapidement une grand-mère, Augustine, pour qui j’éprouve une grande admiration, une
tendresse dues à son comportement devant la vie, le nom d’Augustin est resté,
pour moi, celui de Meaulnes, Le grand
Meaulnes, d’Alain-Fournier. D’une certaine manière, je fus jaloux d’Yvonne
de Gallet et de l’amour qu’il lui porta. Je ne sais plus quoi, du roman ou du
film de Gabriel Albicocco, emporta mon sentiment pour lui. J’avais rêvé, en
tout cas, d’un amant tel que lui, sans trop savoir l’exprimer. Cet amant
voyageur, rêveur d’univers fantasmagoriques, de brumes de lacs italiens,
accompagna mon esprit de nombreuses années.
J’achète assez peu Les
InRocKuptibles. Ce journal plutôt bobo, très superficiel comme de nombreux
magazines me laisse souvent froid, frustré d’analyses approfondies, devant
répondre à ce besoin de notre société d’aujourd’hui de surfer sur des sujets du
moment et ne laissant qu’un aperçu des sujets traités. Ainsi va la presse. Mon
œil fut attiré, il y a quelques semaines, par sa première de couverture qui
montrait une photographie d’Augustin Trapenard. Un visage avenant avec son
regard aux yeux bleus, toujours vifs, au visage mangé par cinq jours de barbe
(réglage du sabot à 3
millimètres), tenant entre les mains un boomerang, non
un modèle aborigène emprunté au Musée du Quai Branly, mais un modèle de chez Nature & Découvertes, en
contreplaqué ou en carton polymérisé, façon tu le lances cinq ou six fois, il
se pète ou encore, tu l’offres à un gamin, fils de tes amis : et le gamin
te reproches de pas lui en avoir offert un vrai. Tu maudis Nature & Découvertes d’abord et le chiard ensuite de ne pas
connaître le dicton « À cheval donné, on ne regarde pas la
bride. ».
Bref, revenons à notre Augustin : outre qu’il tient un
boomerang pour la photographie, il est torse nu, montrant une poitrine velue et
frisée, très charmante, sur laquelle on aimerait passer les doigts, découvrant
la souplesse de ce beau velours. Et autre découverte de cette nature, quelques
tatouages viennent orner les épaules de ce garçon. Non un trivial bracelet
« ethnique » ou une décoration celto-barbare, mais du texte, mais
oui : on sait qu’Augustin est un lettré. Et là, peut-être pouvons-nous
trouver quelques indices de nature à satisfaire la curiosité de notre
lecteur : on arrive à lire quelques mots. « …with him. Go to him, stay with him. Holy… » Bien, c’est de l’anglais. On sait qu’Augustin
Trapenard est angliciste, et pas du tout italianiste. Je l’avais taclé un jour
où il avait massacré, à l’occasion de sa mort, le nom d’Aldo Ciccolini, le
prononçant sous l’influence de celui de la Cicciolina.
« With him », pas « With Him », qui
aurait pu faire croire qu’il s’agirait d’un Être suprême. Donc ce tatouage
évoque un garçon anglais, avec lequel il a envie d’aller et de rester. Nous
n’en saurons pas davantage, cher lecteur, et la vie privée d’Augustin lui
appartient. Personne n’est obligé de faire un coming out, en français, de « faire sa sortie ».
Et puisque j’en suis à parler d’Augustin Trapenard,
regardons de plus près la manière dont est traité le sujet par les Inrocks.
Tout d’abord, cette photo torse nu, que veut-elle
dire ? Ce n’est pas moi, qui adore publier des photographies de beaux
garçons nus, qui vais m’offusquer de la photographie d’Augustin Trapenard torse
nu. Néanmoins, le message me semble un peu surfait : s’agirait-il
d’Augustin Trapenard « mis à nu » par l’article du
journal ? Ce serait une grande
prétention. Quoi, alors ? Une espèce de complaisance à se livrer dans une
intimité que peu de gens connaissent sans doute ? Je n’ai pas la réponse,
et je dois dire que je n’apprécie pas ce type de complaisance, de montage d’un
photographe à la petite semaine chargé d’aguicher le lecteur. Je n’ai pas été
aguiché. J’aurais acheté les Inrocks tout aussi bien si Augustin Trapenard
avait été présenté en chandail (tiens, chandail, c’est mieux que le basique pull, abrévation de pull-over, littéralement « tire par-dessus »), ou en
petit veston que je trouve moi toujours assez seyant. Ce genre de photographie
me fait penser à ce que passe Téléramakrishna
depuis un certain nombre d’années : présenter un invité dans le journal en
très, très gros plan. On peut y voir alors toutes les imperfections de la peau,
et comme l’invité n’est jamais très jeune, la peau se charge de toutes les
usures, de la dilatation des pores, un dartre, un grain de beauté en relief, un
lipome sous-jacent qui apparaît comme une enflure de la peau. Je n’aime pas non
plus ce type de photographie qui joue à montrer la réalité d’une personne de
manière telle qu’on ne peut en percevoir que les défaut apparents, et non ce
qu’elle donne à voir dans une attitude de vie quotidienne, ordinaire. Il
s’agit, j’imagine, d’une intention esthétique. Pour le coup cette intention est
également ratée et ne traduit que l’impossibilité du photographe de rendre
compte, simplement, du visage d’une personne. Comme si le très, très gros plan
de la photographie, autorisé par les prouesses technologiques des appareils
modernes, ne visait qu’à avouer son impuissance d’une autre forme d’esthétique.
Mais revenons à Augustin. Le type qui a écrit l’article
s’appelle Alexandre Comte. Sa rubrique est la « une », c’est-à-dire,
la couverture du magazine. Titre de l’article : « Augustin Trapenard,
la cool culture ». Bon, je veux imaginer que ça veut dire que c’est de la
culture « sans prise de tête », qui ne demande pas d’effort d’écoute,
pas de temps de pause pour s’interroger sur une phrase, une idée. C’est mal
barré.
Petit descriptif de ce qui est vu de l’intérieur du studio.
Qui est qui, qui fait quoi. Sa « team » lui a demandé de ne pas venir
trop tôt. L’article s’efforce de balancer tout un verbiage franglais : ce
n’est pas innocent, c’est pour caractériser un parler « jeune ». Cela
ne m’effraie pas, ne me choque pas. Je trouve cela tout simplement ridicule,
preuve, s’il en fallait une, que l’article s’adresse à un segment précis de la
jeunesse qui a un peu vieilli. Les Inrocks,
ça m’étonnerait que ça soit lu par les moins de trente ans. Et par les plus de
cinquante qui virent davantage à l’Obs,
Marianne. Voire Valeurs actuelles, hélas.
On continue sur du descriptif de l’émission sans grand
intérêt, comme s’il s’agissait de donner une recette de cuisine pour faire une
émission de radio. On apprend — c’est passionnant — qu’Augustin ne dort que
quatre heures par nuit. Cette espèce de rengaine vient souvent dans les
interviews à la con. J’avais lu ça un jour à propos de Max Gallo. Max
Qui ? Rien, rien, oubliez… Je l’ai lu il n’y a pas longtemps à propos de
Panayotis Pascot, le môme insupportable qui a un superbe minois et fait de
l’impertinence sa marque de fabrique dans le Petit journal de Yann Barthès. Ça
n’ira sûrement pas très loin, mais la popularisation de ce môme en faisait un
pipol sur lequel il fallait braquer les yeux, partageant son temps entre son
travail de lycéen et les espiègleries dont il est passé maître. Comme Norman
qui fait des vidéos et tout un tas de gens animateurs de télé, il finira en
one-man show.
Bref, comme Bernard Tapie aussi, si vous voulez montrer que
vous êtes quelqu’un d’important, faites savoir que vous ne dormez que quatre
heures par nuit, preuve de votre incroyable capacité à être sur tous les
médias, à lire trois livres par jour, à écrire vos chroniques, etc.
Bref, donc, je reste un peu sur ma faim concernant Augustin
Trapenard : j’aurais aimé que le journaliste des Inrocks aille vers un peu plus d’introspection, qu’il le laisse
parler sur des choses permettant, pour une fois, d’inverser les rôles. C’est
vraiment raté, et j’ai la vague impression qu’Augustin s’est laissé attirer, au
prétexte qu’il aime qu’on lui dise qu’on l’aime, dans le piège de ce type
d’interview qui ne sert à rien. Pour autant, c’est vrai, Augustin, on (je) vous
aime !
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