Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

lundi 8 janvier 2018

Christiansen

Cette chanson était revenue dans ma tête depuis quelque temps. Sans doute est-il regrettable que ce soit la disparition de son interprète, France Gall, qui devienne l'occasion de la diffuser. J'ai peu de goût pour les chansons dites de variétés qui, de mon point de vue, ont eu la fonction d'occuper les esprits des classes populaires en confortant, le plus souvent, la vision idéologique d'un imaginaire social véhiculé par les paillettes, les flonflons et les déploiements que mettait l'industrie phonographique à sortir des «produits» chantants qui ne duraient parfois le temps d'une saison, vite oubliés.

France Gall dura. On peut aujourd'hui faire l'exégèse des textes qu'elle interpréta, parler des sentiments que la jeunesse des trente glorieuses avait la nécessité irrépressible d'exprimer, mais dans le temps où la société européenne était en train de changer, notamment sous l'influence américaine qui lui proposait ses modèles, cette chanson «de variétés» avait aussi pour fonction d'occulter les violences terribles qui se déroulaient parfois dans le plus grand silence. La même année 1964, les pieds-noirs d'Algérie euphémisaient leur déracinement avec Les filles de mon pays d'Enrico Macias. Il fallait des exutoires légers. L'exotisme était italien.

Néanmoins on ne pouvait être totalement imperméable aux sentiments et aux émotions évoquées dans ces textes légers, pourvoyeurs de moments rêvés. Christiansen est la première chanson que j'ai entendue de France Gall. Dans les textes, on se projette vers l'un ou l'autre des personnages de la chanson. Inconsciemment, et pour l'enfant que j'étais, à travers la grille de tissu du poste à lampes qui était le lien avec le monde, je pensais à ce garçon qui dormait entre deux rochers sur une plage. Je ne savais pas si j'aurais pu être lui, plus tard, ou plus précisément dormir à ses côtés ou dans ses bras.

Dans la vidéo ci-dessous, France Gall passe à la télévision néerlandaise. L'autre aspect du produit est la touche de mode que présente la chanteuse : coiffure typique du début des années 1960. Un peu guindée, un ruban sagement noué en papillon sur une robe à fleur, elle présentait la jeune fille idéale de la classe moyenne, un cran au-dessus de Sheila. L'époque avait les tendresses de ses violences...


3 commentaires:

arthur a dit…

je ne serais pas aussi dur que toi sur la variété. Certes, ce n'est pas toujours ma tasse de thé, mais c'est parfois sympa, amusant, plein de vies aussi. Parfois ca vole pas haut je suis d'accord. Mais il faut de tout pour faire un monde. Et c'est aussi une manière d'apprécier encore plus ce qui n'est pas de la variété!
Pour France Gall, "les sucettes" restent pour moi un must. Evidemment, Gainsbourg est derrière. MAis c'est divin, non?
bon, et je pense qu'on entre aussi dans la période où toutes les stars de mon inconscient musical, de ma "toile de fond" depuis toujours commencent à disparaitre. CA fait un peu bizarre je trouve...

Celeos a dit…

Oui, je ne mets pas tout dans le même sac. Mais toi qui es plus jeune, rappelle-toi quand même Carlos, Annie Cordy, Plastic Bertrand et j'en passe...
Quand Pia Colombo, Hélène Martin, Henri Gougaud, Maurice Fanon, René-Louis Lafforgue et tant d'autres ne passaient qu'exceptionnellement sur les écrans ou la radio... Et on pouvait sourire avec Boby Lapointe, Pierre Louki et tant d'autres...
Ah les sucettes ! Il paraît que France Gall n'avait pas compris le sens caché. Tu imagines si un garçon - tiens, au hasard, Hervé Vilard, beaucoup plus fin qu'on ne l'a cru avec Capri - s'était amusé à chanter Les sucettes ! Les bourgeois bien pensants en auraient fait des gorges chaudes. Mais je m'égare !
Eh oui, les chanteurs qu'on a connus, aimés, détestés, disparaissent aussi : nous vieillissons, mon cher Arthur !

joseph a dit…

"Les sucettes " furent reprises par un célèbre chœur d'hommes également ; mais je ne peux m'empêcher d'apporter de l'eau au moulin de la chanson dite de variété , qui valut un débat haut en couleurs entre
Guy Béart et Serge Gainsbourg ; moi de France Gall je connus d'abord " Laisse tomber les filles " et "Sacré Charlemagne" cette dernière accompagnant notre parodie de Saint Nicolas en fin de secondaire (en 1967 , moi je pastichais les élucubrations d'Antoine en Antoignon des cavernes et envoyant une poignée de bois verts au corps professoral . Mais "Il jouait du piano debout " et "Diégo libre dans sa tête" sont pour moi des odes à la différence que je ne peux pas considérer comme de la variété bouche trou ou perce oreille , comme je qualifierais plutôt les musiques mono note ou tri notes de Dj ou samplers qui se remplissent les poches à coups de reprises de reprises et disques 33 t massacrés par des mains sur des platines!