Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

lundi 9 octobre 2017

Catalunya si

Les événements actuels en Espagne et en Catalogne éclairent d'un jour encore plus fort ce qui se passe actuellement en Europe. On reparle de romantisme contre la chape de plomb qui retombe sur l'Espagne, qui, apparemment, aura bien du mal à se délivrer du fantôme de Franco. Le veut-elle seulement ? Ces événements ne sont-ils pas également cette espèce de catharsis qui doit permettre de séparer ces deux Espagnes, celle du choix républicain et celle qui trace une terrible continuité depuis l'implacable Isabelle la très catholique en choisissant de conserver la monarchie ? Car évidemment l'accusation de ceux qui considèrent que les Catalans veulent garder par devers eux les bénéfices d'une meilleure économie ne tient pas longtemps. Ce sont bien les fondements démocratiques de l'Espagne qui sont en cause. On a pu entendre sur les ondes des radios ces paroles ahurissantes de gens, qui défenseurs de l'union, niant la réalité culturelle de la Catalogne, demandent qu'on jette en prison les indépendantistes catalans, c'est-à-dire que l'on emprisonne des gens qui demandent l'exercice d'un droit démocratique !

D'un bout à l'autre de l'Europe, cette dernière n'ayant pas beaucoup bronché lorsque le président turc a fait voter un référendum qui confirmait ses pouvoirs et envoyait en prison ses opposants, la rigidité politique prévaut. L'extrême droite revient au Bundestag en Allemagne et évidemment là, en Espagne, les nostalgiques de Franco redressent encore davantage la tête. Le prix Nobel de littérature Mario Vargas Llosa est intervenu disant que la démarche des Catalans était une atteinte à la démocratie. Il a été mal inspiré. On peut être prix Nobel et très con, ou très lâche dans le cas de Aung San Suu Kyi, niant les massacres des Rohingyas. Dans celui de Vargas Llosa, son aveuglement sur la société espagnole n'est peut-être dû qu'à l'habitude, finalement de ce monde latin patriarcal par nature, hyperautoritaire et implacable comme Kronos dévorant ses enfants dès lors qu'une tentative d'émancipation se profile. Francisco de Goya l'avait parfaitement compris qui plongeait dans la noirceur de sa peinture les traces doloristes dont l'Espagne est pétrie. La Catalogne aujourd'hui dit que le monde de la jeunesse n'en veut plus. Llosa lui-même ne se rappelle-t-il pas ce que cette Espagne de conquête implacable a fait du monde inca dans le Pérou du XVIe siècle? L'esprit de cruauté et de lucre préside à toute autre considération. Peut-être en est-il resté quelques parcelles dans l'Espagne politique des origines.

Combien pourrait-on oublier la mort de Federico García Lorca ? Se rappelle-t-on qu'il fut exécuté par les franquistes d'une ou plusieurs balles, peut-être, tirées dans l'anus ? A ceux qui pourraient estimer que ce rappel n'a pas grand chose à voir avec les événements actuels de Catalogne, les événements se chargent de dire que la violence, la brutalité de la police, ordonnée par les responsables politiques du «Parti populaire» est cette même violence haineuse qui écrase les différences comme on le fait avec les mouches, celle qui fit arracher les enfants en bas âge des Républicains pour les confier à des familles franquistes, le même procédé s'appliquant quelques années plus tard sous la dictature argentine. En Espagne, comme dans d'autres pays latins d'Amérique, c'est l'armée qui serait garante de la démocratie. On voit bien alors à quel point ce terme a été galvaudé par l'idéologie libérale qui a bien compris que sous les termes de «démocratie», «socialisme», on pouvait faire illusion et imposer les décisions des coteries archaïques et des oligarchies de jeunes gens manipulés par les intérêts bancaires, les mêmes qui dirigent l'Europe derrière le vieux Schaüble. Il est, à ce titre, terriblement symbolique que l'Europe soit dirigée depuis un fauteuil roulant. Kronos ne lâche pas sa garde.

Je ne sais pas ce qu'il adviendra de cette situation qui ne peut être qu'inquiétante. Je redis ici mon soutien aux Catalans, non en ce que l'indépendance serait une affirmation identitaire à laquelle je ne souscris en aucune façon, mais au contraire une démarche de rénovation démocratique contre les symboles mortifères du franquisme et de son avatar monarchiste dont le «Parti populaire» ne cache même pas sa filiation.

Deux vidéos suivent : la première est diffusée par L'Obs, rappelant les événements de la semaine dernière ; la deuxième est un reportage de France 24 réalisé et publié en 2016. On y rappelle que les lois d'amnistie sont des lois scélérates, les tortionnaires franquistes jouissant aujourd'hui de paisibles retraites tandis que des révisionnistes font de Franco un homme de consensus de manière tout à fait comparable ce que certains ont fait du dictateur militaire Pinochet au Chili.




2 commentaires:

estèf a dit…

Toutes choses étant égales par ailleurs, c'est un peu ce qu'on a fait de Napoléon le grand.
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire...

Celeos a dit…

Oh, oui! Le déni des faits est le meilleur moyen de maintenir et de reproduire la domination.