Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

lundi 25 juillet 2016

Gay Vinci Code

On se rappelle le Da Vinci Code, du grand écrivain Dan Brown (nan, je déconne !) qui permit  son auteur de se faire des choses en or, pendant que la masse liseuse avide de belle littérature se précipitait pour savoir qui avait assassiné un conservateur du Louvre, et essayer de comprendre tout se qui se tramait de complot, de choses secrètes derrière la Cène de notre cher Léonard.

On n'a même plus besoin de lire le livre aujourd'hui puisque Wikipédia en a fait un condensé résumant les cent cinq chapitres, et racontant toute l'histoire. De toute façon, Dan Brown est suffisamment riche à présent, et comme il n'a pas forcément reversé ses royalties aux descendants nécessiteux de Jésus et de Marie-Madeleine, il n'a pas besoin de gagner davantage. Donc lisez Wikipédia et non Dan Brown.

Un pastiche, paru trois ans après le livre de Dan Brown, est dû à Pascal Fioretto, humoriste, à qui l'on doit nombre de chroniques humoristiques portées parfois par d'autres voix que la sienne. Il est l'auteur notamment en 2007 du roman Et si c'était niais ? qui se moque de beaucoup d'auteurs de romans « à la mode », enfin bref de ceux qu'on appelle les meilleurs vendeurs de pages imprimées.

Le Gay Vinci Code est sous-titré «Pasticherie fine». On appréciera la distinction entre le pastiche et la parodie : le pastiche, me dit mon Petit Robert, est l'imitation d'une oeuvre littéraire pour emprunter ses qualités artistiques (sic!) parfois dans une intention parodique, alors que la parodie est une imitation burlesque d'une oeuvre (sérieuse). On le voit, la différence tient de l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette. Grosso modo, la parodie serait un rire gras, le pastiche serait un rire fin, plus acceptable par celui qui est pastiché !
Peu importe : ce Gay Vinci Code a quelques qualités, dont celle de faire sourire à chaque page et ses références, outre celle du livre imité, celui de Dan Brown, sont souvent assez bien documentées. D'autre part, les mises en abyme sont nombreuses et autant de clins d’œil à son modèle de référence qu'il ne peut vraiment prendre au sérieux.

L'intérêt du livre, puisque les ouvrages traitant de la cause gay ne sont pas d'un accès très courant dans le ton de l'humour, est de permettre une mise en perspective du monde gay : dix ans ont passé, en effet, depuis la sortie du livre. Certes l'ouvrage ne se veut pas sérieux, et on ne saurait lui accorder un quelconque intérêt sociologique. Il n'empêche : certaines questions concernant l'adoption, la normalisation des codes gay, ont changé pendant que l'homophobie n'a pas vraiment reculé.

Voici rapidement l'histoire : Gédéon de Vaugoubert, le conservateur du MATH,  (musée des arts et traditions homosexuelles) est assassiné. C'est une drag queen qui a fait le coup. On apprendra qu'il s'agit de faire taire Vaugoubert qui, membre de la Vieille tente, ne doit pas révéler le secret qu'il détient : avant de mourir, il a juste le temps de révéler le code Darla dirladada.

C'est son ami Charlus Glandon (Charlus fait référence à Proust et Glandon est le bel anagramme de Langdon, «héros» du Da Vinci Code !) et le neveu de Charlus, Cédric, qui vont mener l'enquête, poursuivis par le commissaire Fichet-Bauche qui les prend pour les assassins de Gédéon de Vaugoubert... Raconter davantage de l'histoire n'aurait pas beaucoup de sens, car c'est justement la narration de ce livre qui en fait toute la finesse et le charme.

Je cite toutefois quelques éléments de dialogue :
« – Pourquoi s'échiner à faire de notre préférence sexuelle une supériorité éternelle ? On a la chance d'être maudits auprès des crétins ! Profitons-en !
– C'est facile de jouer les Pasolini quand on est, comme toi, un bobo international, rétorqua le marquis, livide de colère. Mais qui pense au paysan gay de Corrèze qui aimerait bien, lui, ne plus être maudit !?
– Vous voulez dire que le paysan de Corrèze est maudit ?! demanda Guazzinella. Ça expliquerait donc la sécheresse et la grippe aviaire... »

Je ne suis pas sûr qu'on puisse retrouver facilement le livre qui n'a sans doute pas été réédité. Mais si vous le trouvez, achetez-le, ou volez-le : vous passerez un excellent moment.

4 commentaires:

yves a dit…

sacré potin à l'époque. v'là une parution qui m'avait bien gavé ! la maison d'éditions avait fait un sacré boulot de comm... conclusion : c'est pas le talent qui fut vendu, mais celui du chargé de publicité qui a rapporté les "pépètes".
mais, à mon âge, je me plonge dans les grands classiques et autres grecs ou latins (lovers)... je me sens plus apte à les comprendre, les apprécier à leur juste valeur. à l'adolescence, mes préoccupations ne furent pas tellement littéraires !

joseph a dit…

Si vous ne pouvez l'acheter, volez le...slogan d'Hara Kiri d'antan, ce roman est il de la même eau ?

Anonyme a dit…

Il est sur Amazon à 14,99€.
En poche.
C'est cher.
Je vais plutôt aller le leur voler.
Marie

Celeos a dit…

Je vous prépare les oranges, Marie.