Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

mercredi 23 mai 2018

L'étoile rose

Il y a trente-cinq ans, une amie m'avait conseillé de lire L’Étoile rose de Dominique Fernandez. Le livre était paru quelques années auparavant, et cela fait quarante ans cette année. Je l'avais lu de manière trop rapide. J'étais un jeune homme pressé. Peut-être aussi les événements et l'histoire que raconte Dominique Fernandez me paraissaient déjà loin, alors qu'une partie du livre se déroulait quelques années auparavant, pour moi au sortir de l'enfance.

Je l'ai relu sans presque pouvoir le lâcher, tant il m'a semblé d'une surprenante actualité. Le texte d'introduction, que Dominique Fernandez a écrit en 2012 s'intitule « Trente-quatre ans après ». Il s’agit ainsi de cette période lorsque parut L’Etoile rose, où la place de l’homosexualité dans la société française peinait à sortir de son placard. Dix ans après les événements de mai, dans l’effervescence des esprits, de la volonté des corps de se saisir de la beauté du monde malgré les rigidités de la société, savoir que l’on préférait les garçons aux filles obligeait à se poser contre un certain nombre d’idées reçues, d’institutions attardées, et, dans le même temps, la volonté des peuples à sortir enfin de la pensée coloniale permettait de mettre en action l’autonomie de sa façon d’être et de faire. Cela permit et amena la victoire de la Gauche en 1981, rapidement décevante en beaucoup de perspectives, mais qui délivra le monde homosexuel de l’opprobre auquel son histoire occidentale le rattachait. Trente-quatre ans plus tard, l’état des choses reste mitigé : alors que le mariage peinait à être accepté par une société française déchirée, les thèmes culturels dont le monde gay restait porteur sont passés aux pertes d’un nouveau monde définitivement dévolu à la consommation. « Être homosexuel, ce n’était pas seulement aimer des personnes de son sexe, mais s’opposer au système en place, à ses valeurs, à ses lois, à ses dirigeants. C’était prendre ses distances envers la famille, la patrie, la religion, l’école, c’était choisir la marge et cultiver un ferment révolutionnaire. A présent, le triomphe des gays (au moins sur la scène parisienne) a changé leur nature : ils sont dans le chic, dans la mode, dans la consommation. Ils renforcent le système, ils ne le contestent plus. Ils en deviennent les piliers. » 

Le livre, qui se présente comme un roman, est écrit par David et s’adresse à Alain, plus jeune que David d’un peu moins de vingt ans. Il lui raconte de quelle manière l’histoire des homosexuels reste singulière, et comment, quelle que soit la forme dont on aime les garçons, on ne peut que ressentir ce confus sentiment de solidarité dans cette suite d’aventures contrariées qui émaillent le très long Moyen-âge.

L'extrait qui suit se déroule pendant les événements de 1968 à Paris.




5 commentaires:

joseph a dit…

je cherchais des lectures pour passer le temps "intelligemment" en transport en commun : grâce à vous je sais vers lesquels me tourner , les précédents ouvrages de l'auteur m'ayant plu au point de vouloir connaître la fin, puis regretter d'y avoir couru si vite!

FrançoisB92 a dit…

Bonjour à Vous,
Depuis longtemps, j'avoue, j'ai quitté l'actualité littéraire de cet écrivain. Malgré tout, je garde en mémoire un des plus beaux styles actuels.
Néanmoins, je trouve en ces extraits toute l'envie de m'y replonger, et notamment à la lecture de votre note: "Etre homosexuel...". J'ai l'impression de me revoir dans une salle à manger de notables en province, et de me dire jeune homme "Ce n'est pas possible que je vive cela encore!".
Je vous remercie pour cette découverte dans mon cas.

Celeos a dit…

Joseph, vous ne regretterez pas cette lecture, j'en suis convaincu.
François, je crois que Dominique Fernandez a conservé toute sa fraîcheur d'esprit et reste un très grand écrivain. Et je relis avec bonheur Dans la main de l'ange...

Matoo a dit…

Eh bien pareil, ça me donne envie de le lire. J'avais beaucoup aimé "la course à l'abîme" qui racontait la vie sulfureuse et aventureuse du Caravage ! :))

Celeos a dit…

Bonne lecture, Matoo ;-) !