Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

mercredi 31 août 2016

Ce soir j'étais à Athènes

Ce soir j’étais en Grèce et à Athènes. J’étais avec Jason. Non pas celui de la toison. J’étais avec Jason Bourne. Jason Bourne et moi, c’est une longue histoire, on a vieilli un peu ensemble. J’ai accompagné celui qui porte son rôle, Matt Damon depuis longtemps, depuis sans doute le film Will Hunting dont il avait écrit le scénario. Et puis il y a eu Mr Ripley, où il est fascinant. Oui, fascinant est le mot. C’est un film qui interpelle forcément les garçons sensibles puisque il pose la question de l’identité. Pas cette connerie de l’identité nationale que les abrutis remettent de temps en temps sur le tapis. Non, l’identité, tout court. Qui sommes nous, qui suis-je, et celui que je suis est-il vraiment satisfait ce qu’il est, de ce qu’il croit être ? si je change d’identité, de sexualité, de sexe, de genre, si j’accède à une autre identité que je crois être capable de définir, que pourrais-je être alors, qui serais-je ? Celui que les apparences me proposent, ou celui dont je déterminerai moi seul les contours ?
En plus, Jason et moi, nous sommes nés à un jour près, au mois d’octobre, celui de l’automne et des humeurs parfois chagrines. Bon, c’est vrai, Jason est à peu près strictement hétéro. Je lui pardonne, moi qui ne suis pas tout à fait le contraire. Ou le complémentaire, je n’en sais rien. Enfin je préférais quand Jason n’était pas cette masse de muscle qu’il est devenu dans Jason Bourne.
Mais enfin, j’étais à Athènes, ce soir, près de la place Syntagma, et près de la rue Ermou où je demeure, en général quand je suis à Athènes. Ça castagnait. Contre les flics, avec les manifestants contre le régime complice de Tsípras. Et puis avec Jason, il y a les gentils et les méchants. Là au moins, on s’y reconnaît. Jason, c’est un gentil, et quand il y a une gonzesse qui meurt au début du film, on sait que Jason est très malheureux. C’est pour ça qu’on sait qu’il est hétéro. Bon, je ne veux pas dire qu’il ne serait pas malheureux s’il était homo, mais en tout cas, c’est comme ça avec Jason. Et là, à Athènes et en Grèce, il a refait sa vie. Paul Greengrass a repris un moment de Fight club, mais sans Brad, où Jason gagne sa vie comme cogneur. Sa formation à la CIA lui a au moins servi à ça. Et puis c’est une copine à lui qui vient le chercher pour lui dire qu’il faut qu’il recherche dans sa mémoire. Bon d’accord, c’est des moments un peu déjà vu. Mais la copine se fait dézinguer par le méchant Vincent Cassel. Il est très, très méchant. Parce qu’il pense que Jason est un traître, c'est-à-dire un mauvais patriote. Alors Vincent Cassel veut le flinguer. Il a la haine, Vincent Cassel. Et depuis un bon moment. Alors, là il fait terminator. Corps sec, visage taillé à coups de serpe. Alors que le visage de Jason, est tout en rondeur, avec un petit nez court et en trompette. On ne peut pas se tromper. Et comme sa copine s’est fait dézinguer, une autre femme va craquer pour lui. Je vois qu’il n’y a pas que moi ! Il faut dire que les courses poursuites en moto dans les rues d’Athènes, il y a de quoi réveiller l’érotisme même pour Jean-Christophe Cambadélis, qui, bien que d’origine grecque, est un tue-l’amour politique.
Vous vous rappelez, il y a quelques semaines, la vidéo de la course-poursuite dans les rues du Pirée ? C’était avec Bébel et Omar Sharif. Et là on voit que le temps a passé, parce que leur course-poursuite — celle d’Henri Verneuil donc — à côté c’est de la gnognotte. Et Jason, vous l’avez vu sauter, déjà, d’une rue à l’autre faire un grand saut de dix mètres de hauteur dans la rue, accroché seulement à un fil électrique ? Vous croyez qu’il va se faire une entorse, se casser un ongle ? Eh bien non, rien. Ou presque. Il saigne juste un peu du nez.
Enfin, je ne vais pas vous raconter le film. Après, ça se passe à Berlin, en Allemagne, puis à Las Vegas. Et puis il y a un autre gentil, le fondateur milliardaire de Deep Dream, qui ne veut plus collaborer avec la CIA et qui manque de le payer très cher. Parce que dans le film, l’Internet libre est contre les méchants États qui fomentent des attentats islamistes pour faire croire que leur action vise à protéger la sécurité des braves gens. Alors que pour la CIA, les méchants, c’est les autres. Mais ça on le sait depuis longtemps. Là on a un directeur de la CIA joué par Tommy Lee Jones qui est vieux et moche. Et méchant, et retors. Alors que la nouvelle recrue de la CIA qui craque pour Jason, elle est jeune (et en plus cette jeune femme est presque aussi belle qu’un beau garçon !)

Bon, je ne sais pas si vous avez compris quelque chose au film. En tout cas, ce n’est pas très important. Ce soir, j’étais à Athènes, place Syntagma. Avec Jason. Jason Bourne.


6 commentaires:

joseph a dit…

vous êtes natif d'octobre! comme je comprends parfois mieux vos textes empreints de cette lumière particulière un rien brumeuse, mais tant porteuse d'aventureux mystères !

Anonyme a dit…

C'est succulent de vous re-lire longuement.
(Mais ne prenez cependant pas sur votre sommeil)
Sinon, je me demandais, je n'ai jamais vu de Jason Bourne, a-t-il quelque chose à voir avec James. James Bond?
Marie

Celeos a dit…

@ Joseph: wouaouh! Je délivrerai sans doute encore d'autres aventureux mystères !
@ Marie: Eh non, Jason est tout le contraire de James: antisystème, formaté à tuer, qui se réveille et se révolte contre l'institution. Bref, une sorte d'antihéros qui colle bien à notre époque !

Silvano a dit…

Aaaaaaaaaaah, Matt ! Aaaaaaaaaaah, Jason ! Je ne savais pas que nous avions ça (aussi) en commun ; et tout ce que vous écrivez aurait pu sortir de mon clavier . J'ai arrêté de lire un peu avant la fin, car je vais le voir (le retrouver) incessamment.
Tiens, aujourd'hui même si possible.

Celeos a dit…

Vous arrêtez de lire avant la fin ? Est-ce possible ?):)

Silvano a dit…

Oui, de crainte que vous n'en narriez (pouah, ça tient du barbarisme) trop.