L'auberge des orphelins

jeudi 31 décembre 2015

Bonnes fesses de fin de blog !

Voici le dernier billet de ce blog. Véhèmes cesse de paraître. Les commentaires sont fermés.
Ami(e)s lecteurs et lectrices, ami(e)s blogueuses et blogueurs, que 2016 vous soit une douce année, plus sereine et paisible que 2015. Le vent a soufflé ; il lui arrive d'emporter aussi certains blogs.

Να είστε όλοι καλά!



La rhinocérite est en marche

Comment chope-t-on une rhinocérite ? La rhinocérite est cette maladie décrite par Eugène Ionesco dans sa pièce de théâtre Le rhinocéros.
Peut-être comme le SRAS, le virus H1N1 : ça vous tombe dessus comme une manière de ne plus rien voir, plus rien entendre, ni sentir de ce qui se passe dans le monde, comme si on restait shooté dans une sorte de béatitude hors de laquelle il ne faut parler de rien, et surtout pas de la droitisation extrême de notre pays. Un beau matin, on se retrouve avec des étoiles jaunes, et non de celles dont on a pleins les yeux, enfant, le jour de Noël. Ne pas parler, ne rien dire, ne pas nommer les choses, faire abstraction des métamorphoses. Ne pas situer les ghettos, restés à Venise ou à Varsovie. Simplement pleurer le jour où un enfant mort, de préférence ailleurs qu'à Calais, arrive à la rencontre des images dont on est gavé, jusqu'à en vomir, comme elles-mêmes vomissent le sang, la mer et tous les désespoirs du monde.


Crier pour ne pas crever : Jean-Marc Le Bihan

Voici une vidéo au sujet de Jean-Marc Le Bihan, dont j'ai parlé dans un précédent billet. Une parole rare, qui appartient tout entière à la poésie, celle qui est en soi un acte. Ici, apparemment, à la Fête de l'Humanité.



Vu sur un mur de Florence...

« Une conscience éveillée est un vrai cadeau ! »

Saveurs florentines

Je voudrais juste citer quelques lieux sympathiques où il est agréable de passer un peu de temps pour apprécier la cuisine florentine : il n'en manque pas à Florence, mais je ne pourrai parler que de ceux que j'ai essayés.

Lors d'un précédent séjour, j'avais apprécié MaMMa Mia. Mais c'était l'été, les produits étaient frais, et, sur la Piazza del Mercato Nuovo, les conditions de dégustations agréables . Là, ce fut un peu décevant, avec des produits qui n'ont pas paru très goûteux : mozarella et tomates sans grande saveur et mal assaisonnées, une pizza napolitaine aux anchois (moi qui adore les anchois !) ratatinés et gorgés de sel, à la pâte trop sèche, au fromage incertain... Et en dessert, on s'attend, en Italie, à un tiramisu digne de ce nom. Là, il s'effondrait dans l'assiette, et le goût du marsala était totalement absent. Pour une addition moyenne, le repas fut trop médiocre. A déconseiller donc pour les visiteurs de Florence qui seraient tentés par cette trattoria : elle est loin de faire honneur à la cuisine florentine.

Une bonne mention pour La Spada, située, comme son nom l'indique rue de la Spada. L'accueil y est excellent, les produits abondants et de très bonne qualité, et pour une addition très correcte. La bistecca alla fiorentina y est excellente. Accompagnée de pommes de terres rôties cuites à point, appréciée avec un verre de chianti de bonne qualité, le repas fut très apprécié. Et depuis mon siège, j'avais une vue sur le plongeur dont le sourire m'a paru enchanteur...
 
Antipasti : prosciutto, salame e formaggio
Dans le registre trattoria locale, je recommande vivement la Fiaschetteria Nuvoli, à deux pas du Dôme, piazza dell'olio. L'ambiance y est excellente, chaleureuse, et les serveurs y font l'animation sans se forcer. Comme la place est assez restreinte, la salle à manger est au sous-sol, où quatre grandes tables accueillent les clients : on côtoie ainsi d'autres commensaux, et c'est très sympathique, surtout quand quelques groupes de «jeunes garçons sensibles» y sont déjà présents... alors que les lieux ouvertement gay à Florence sont quasiment invisibles ! La carte est assez classique, antipasti avec formaggio, pasta, d'excellents cantucci con vin santo... Le rapport qualité-prix y est absolument excellent, et c'est une trattoria à ne pas rater lorsqu'on prévoit un séjour à Florence.

Dessert : un semifreddo con cioccolata, ribes grosso..
Enfin mention spéciale pour La Pastella, via della Scala, qui toujours pour une addition très correcte assure une cuisine excellente. L'ambiance à l'accueil commence par une flûte. Champagne ? Peut-être. C'était un vin sec, et j'avoue ne pas avoir osé demander. Sur la carte, j'ai dégusté des tagliatelle alle frutte di mare d'une qualité gustative remarquable. Les desserts y sont particulièrement soignés : un semifreddo, excellent vacherin a conclu le repas. En tout cas un ristorante à mon sens à ne pas rater pour un séjour florentin et qui n'appelle qu'un prochain retour !


mardi 29 décembre 2015

Firenze ancora

Luce prenatale al Ponte Vecchio
Pas de pâmoison, pas de syndrome stendhalien dans les déambulations à Florence. Seul persiste un immense plaisir, celui d'être confronté à tout angle de rue aux intentions d'harmonie, à l'humour des fontaines, à la grâce architecturale de la Renaissance revisitée parfois par le XIXe siècle. Le plaisir du marcheur reste de participer à l'espace des rues, de savoir qu'il n'est que l'un des centaines de milliers de touristes dont il ne se démarque pas de la pratique maniaque de photographier, même s'il s'agit de le faire avec discrétion, sans chercher forcément de typicité.

Entrer dans un magasin, essayer de marchander. Diable, cela ne se pratique plus depuis longtemps, comme si marchander était devenu une insulte dans un monde balisé par le souci permanent de réaliser les marges les plus importantes, par celui de la TVA et des autres taxes. On marchandait autrefois encore beaucoup en Grèce, comme je l'ai eu fait il y a quelques années à Montpellier lorsque les puces étaient encore aux Arceaux. Ça ne se fait plus vraiment aujourd'hui, où on est simplement d'accord ou pas avec le prix. On achète ou on n'achète pas, et le moment de discussion, de confrontation amicale avec le vendeur qui arrive à un compromis satisfaisant pour les deux parties a à peu près disparu. Cela n'enlève rien à la sympathie qui demeure chez la plupart des commerçants, plus disponibles en cette période de moindre affluence touristique. Et il faut de toute manière restreindre les achats, puisque, le train d'autrefois étant devenu plus difficile à prendre que l'avion, le poids des bagages doit rester raisonnable.


 A la Feltrinelli je repère le dernier livre de Carlo Lucarelli :




La recension en italien est ici : clic
Pour le quarantième anniversaire de la mort de Pier Paolo (je l'appelle par son prénom, comme tout le monde, dans cette espèce de fausse intimité qui reste de bon ton ; j'ai même lu sur la critique d'un site italien «Nous sommes tous des Pier Paolo Pasolini» Quelle blague ! Jusqu'où sommes «nous» prêts à sacrifier relations sociales, amours, et jusqu'à la vie pour rester dans la droiture de nos idées et de nos sentiments ? Je n'y suis pas en tout cas, et le pauvre PPP n'aura pas échappé aux phénomènes de mode et de marketing : si je ne peux que me satisfaire de la réédition en DVD du Vangelo, innombrables sont les livres qui parlent des derniers jours, qui refont mille fois l'enquête que la justice italienne n'a pas faite. Quarante ans après, je l'ai déjà dit au sujet du livre de Pierre Adrian, cela a-t-il encore du sens ? Mais il faut continuer à parler de PPP. En France les jeunes générations, qui, Star wars excepté ne connaissent rien au cinéma, n'ont souvent jamais entendu parler de lui. Notre période ne porte plus d'étendards flamboyants, immenses ou modestes – qui se souvient de Jean-Marc Le Bihan vociférant dans les rues ce qu'on ne peut pas dire dans les médias ni dans les blogs, encore moins quand ils sont inscrits dans la béatitude gay... Avant la fermeture de mon blog je présenterai ce type pour qui j'ai de l'affection).

Via dei Neri
Carlo Lucarelli, qui est par ailleurs auteur de romans policiers, s'exerce à mener lui aussi une enquête. Il a au moins l'humour réflexif de publier, en épigraphe de son livre une citation de Massimiliano Parente :

« In Italia, quando un cosiddetto intellettuale non sa scrivere, scrive un libro su Pasolini, meglio ancora sulla morte di Pasolini.» (in ilGiornale.it)
«En Italie quand un soi-disant intellectuel ne sait pas sur quoi écrire, il écrit un livre sur Pasolini, et mieux encore, sur la mort de Pasolini.»

Le livre en poche, acceptable dans le poids des valises, je parcours les rues encore, qui, comme à Rome, sont un bonheur de boutiques, de tags. Le temps me manque pour errer davantage autour du Mercato Centrale dont la poésie n'est pas moindre que celle du Ponte Vecchio ou de la Via dei Neri.


Veduta del Mercato Centrale, via Panicale




dimanche 27 décembre 2015

Saint Sébastien (suite 12)

L'exposition Bellezza divina, présentée au Palazzo Strozzi de Florence jusqu'à fin janvier 2016, est plutôt ratée. Bien qu'elle réunisse quelques grands noms, à une ou deux oeuvres seulement, il est vrai, le propos est difficile à apprécier : il s'agissait de présenter le rapport entre l'art (visuel)  et le sacré entre la moitié du XIXe siècle et la moitié du XXe, en s'appuyant sur la production italienne et internationale.
Gustave Moreau Saint Sébastien 1870-1875 ou ca 1890
Le résultat est faible, et ne traduit pas véritablement une réflexion approfondie sur la relation entre les œuvres de commande dont l'église catholique a besoin alors pour redonner un sens esthétique à son message dogmatique, et l'émotion que les peintres ou les sculpteurs ont de leur propre chef eu l'envie d'exprimer à travers l'illustration d'un passage des évangiles.
Fort heureusement il reste les oeuvres, mais juxtaposées plus que mises en dialogue. J'ai pu ainsi profiter de l'occasion pour apprécier le Saint Sébastien de Gustave Moreau, dont l'expressionnisme, ici, reste d'une immense force.


Avec ses yeux grand ouverts, tenant son auréole comme en un geste incrédule, il regarde fixement devant lui. Je veux croire que c'est une figure pour notre temps, et non seulement une icône gay, terme imbécile s'il en est. Il contemple effaré les agissements des hommes, les mêmes aux premiers temps de l'ère chrétienne qu'aujourd'hui, aussi veules, aussi intolérants aussi inféodés à la violence et à la haine, dont témoigne l'unique flèche qui l'a frappé au coin de l’œil gauche.

Sublime nudité, bien comprise par Gustave Moreau, celle qui efface tout artifice entre l'art et le réel, allant à l'essentiel de ce qu'il a à dire, cet ébahissement, cet effroi d'avoir affaire à la plus grande trivialité capable d'anéantir tout ce qu'il existe de plus paisible, de plus serein. Et encore une fois, dans la tradition picturale ancienne, c'est un visage d'enfant qu'offre Sébastien, en relief devant un paysage où tout n'est plus qu'ombres incertaines face à la lumière qu'il oppose aux êtres perdus.

Mariage pour tous italien

Allez, c'est sympathique, même si le mariage est une aliénation sociale. Mais que chacun-e fasse comme il-elle a envie... L'important c'est que ce droit puisse enfin advenir là où il n'existe pas encore.
Bon dimanche de fiançailles !


Ti sposerò - Gay Marriage from Lake Como Wedding Italia Film on Vimeo.

samedi 26 décembre 2015

L'innommable Père Noël

On oublie que ce bonhomme censé faire la joie des enfants à Noël est une pure invention de la firme Coca-Cola, qui en avait fait un vecteur de communication imparable : un parfait syncrétisme confondant saint Nicolas dont il est principalement issu avec le Christ lui-même, apportant autrefois des cadeaux à l'instant précis du solstice d'hiver. Les Espagnols utilisaient autrefois Els reys – les rois mages – qui jouaient ce rôle d'apporteurs de présents, tels que la tradition légendaire le rapportait, car si l'évangile de Matthieu parle bien de mages, il n'évoque aucun présent, mais un «hommage», de même que les bergers de Luc.
Ainsi, la myrrhe, l'encens sont des apports symboliques ultérieurs. Il n'en reste pas moins que dans les sociétés traditionnelles, le passage du solstice d'hiver donnait lieu à des échanges de présents entre les générations, et dans des époques de faible abondance, essentiellement de nourriture. On a gardé en général l'image de l'orange, fruit rare autrefois qui mûrissait au moment de l'hiver, et symbolisait à la fois la lumière, la promesse de jours ensoleillés et l'abondance de nourriture à venir.

« Coca-Cola donne un goût singuler à Noël/je voudrais rendre heureux»,

Claude Lévi-Strauss avait publié autrefois de belles pages sur un fait divers à partir duquel il analysait les tenants et aboutissants de ce Père Noël : Le Père Noël supplicié. Le clergé dijonnais avait pendu et brûlé en effigie, en 1951, ce Père Noël usurpateur, venu se substituer au Christ ou à saint Nicolas.

Il n'y a donc pas lieu de s'étonner outre mesure de cette immense image que Coca-Coca a fait poser pour Noël sur la piazza San Giovanni à Florence ; ce n'est qu'un retour aux sources. Il n'en reste pas moins que le pauvre PPP s'étranglerait de rage à voir se côtoyer le bâtiment religieux du baptistère récemment rénové avec cette apologie de la consommation que prône l'image du Père Noël !

Des réfugiés fuyant les persécutions venus s'abriter à Santa Maria del Fiore
Il y a par ailleurs d'autres sujets de préoccupation aujourd'hui, en Italie comme dans toute l'Europe, avec la nécessité d'accueillir les réfugiés, car on bombarde encore en Syrie et au Proche Orient.

A Santa-Maria del Fiore, on peut croire que c'est une famille de réfugiés qui s'est installée dans la nef, ainsi que l'actuel pape Francesco a appelé les paroisses à les recevoir. La Repubblica rappelait que seules 25 %
des paroisses avaient répondu à cet appel. Décidément, le pape n'est plus grand chose non plus qui a déjà bien du mal avec sa curie !

Note du 27 décembre (à la suite du commentaire de Paul) :
... et d'ailleurs pas que de Paul puisque j'entends ce soir sur France Inter la chanteuse Juliette qui anime une émission reprendre cette idée que l'intervention de Coca-Cola dans la représentation du Père Noël serait une «légende urbaine»!  Il se trouve qu'ayant eu à travailler sur le sujet il y a quelques années, j'ai une assez bonne documentation, mais je ne vais pas tout ressortir, ce qui serait un peu long. Et je suis obligé d'inverser le propos de Juliette, supposant que c'est le fait de dénier l'intervention de Coca-Cola dans la diffusion de l'image rénovée de Santa Claus devenu Père Noël qui relève de la légende urbaine!
Dans son livre La fabuleuse histoire du Père Noël, paru en français en 1996, Tony Van Renterghem retrace la longue histoire d'un syncrétisme que par ailleurs Claude Lévi-Strauss cité plus haut analyse avec une grande finesse. Qu'en est-il de ce Père Noël au XIXe siècle?
En Europe on ne le connaît pas. En France, de manière générale, c'est le «Petit Jésus» qui apporte les cadeaux, sauf dans l'Est d'influence germanique où saint Nicolas et sa légende des trois petits enfants sont très populaires. En Espagne, ce sont «Els reys» (les rois mages). En Italie, c'est la Befana, qui apporte, selon le cas, des cadeaux ou du charbon si les enfants n'ont pas été sages.
Aux États-Unis, c'est l'influence germanique qui prévaut, avec un Santa Claus/saint Nicolas qui évolue rapidement. Voici ce qu'en dit Tony Van Renterghem:


Carte ancienne aux couleurs vertes de saint Nicolas, 
mais il existe en bleu, en rouge, en gris...
«La Révolution française et le XIXe siècle réduisirent le pouvoir des Eglises, ce qui permit un retour de nombreuses coutumes païennes, y compris saint Nicolas, Zwarte Piet et l'Arbre de Noël. C'est le premier développement du Père Noël/Santa Claus aux États-Unis.
Le Santa Claus américain se développa d'abord à partir d'une vague évocation du Sinte Klaas des colons hollandais de New-Amsterdam, mis en poème par Clément C. Moore. Ce personnage était un mélange du catholique saint Nicolas, du dieu Wodan germanico nordique des vieux colons hollandais.
L'artiste bavarois de naissance Thomas Nast (1840-1907) utilisa Knecht Ruprecht, une figure chamanique bavaroise de son enfance comme modèle de ses illustrations du Santa Claus. Dans certaines représentations ce personnage était le valet noir de saint Nicolas. Cette figure païenne se servit du nom de saint Nicolas; ailleurs le Valet noir – ancien chamane païen Herne/Pan – opéra en propre.
Le Père Noël moderne international (commercial) est connu dans différentes cultures, par exemple sous les noms de Santa Claus, Father Christmas, Father Winter, Bonhomme Hiver, Kerstmenetje, puis se répandit dans le monde entier en 1932 par le biais de la publicité Coca-Cola (et d'autres réclames).
Haddon Sundblom fut désigné pour dessiner un nouveau Santa, gros et jovial, habillé en rouge et blanc, les couleurs de Coca-Cola» (pp. 101-102).

En bref, et pour résumer : avant 1931, c'est Santa Claus qui perpétue son rôle d'apporteur de cadeaux, conformément à la tradition germanique dont héritent les Etats-Unis. Après 1931, Santa Claus est «relooké» par Coca-Cola et redevient un personnage païen plus conforme aux souhaits de la firme de diffuser une figure sympathique qui ne serait pas aussi visiblement d'origine chrétienne, et de mieux asseoir l'association du personnage et de la boisson. Comme en France, saint Nicolas existe de manière autonome dans la tradition chrétienne, il devient le «Père Noël», une espèce de double ressenti comme païen, ce qui explique la confusion dans laquelle se sont trouvés les Dijonnais catholiques en 1951.

vendredi 25 décembre 2015

Leader charismatique nu

L'ambiance en France, où le vieux fond catholique traditionaliste prend le pas d'une opinion de plus en plus crispée, et où «l'opinion se fait d'après l'opinion», ainsi que l' écrivait Cocteau, ne peut qu'inciter à prendre un peu d'air ailleurs, dans des pays de plus grande tolérance.  Glissant sur des blogs à partir d'un blog a priori sympathique que je lis parfois, j'ouvre des yeux ébahis à la lecture de gens décidément décomplexés dans leurs attitudes rétrogrades. Je vais me soigner, et éviter de trop me promener sur les réseaux «sociaux», même ceux qui devraient user d'un minimum de précautions : je ne pense pas que le catholicisme traditionaliste soit très ouvert au monde gay.

L'air de Florence m'a ainsi paru un peu plus respirable. Je ne sais pourquoi la ville de Laurent le Magnifique conserve cette ambiance d'ouverture : c'est évidemment très subjectif, mais l'impression d'amabilité des gens, le temps que l'on prend à vivre dans une relative quiétude dans un ensemble de palais parmi les plus somptueux de la Renaissance italienne apporte la sérénité qu'on ne retrouve pas en France, et ce n'est pas l'actualité qui vient renverser ce sentiment.
Michelangelo Buonarotti (att.) Il Christo - 1495-1497

Si le temps ne fut pas des meilleurs – mais nous sommes en hiver, n'est-ce pas ? – la période qui précède Noël est sans doute l'une des plus calmes pour apprécier des lieux qui, en d'autres saisons, conserve une prégnance touristique parfois pénible.

Je reviendrai pendant les jours qui viennent sur quelques beautés qui m'ont réjoui l'esprit. L'Italie, avec ses paradoxes, et notamment une présence beaucoup plus forte de l'église catholique italienne, paraît bien moins crispée que ceux qui, en France, se revendiquent du catholicisme. Ceux qu'Emmanuel Todd appelait «zombies» et qui sortent de leur léthargie pour se rapprocher sans complexe de l'extrême droite. A commencer en France par le chef de l'Etat.

Pour l'heure au temps de Noël, je me laisse aller à quelques rêveries, et m'intéressant aux mythologies, je reste fasciné par celles dont l'Europe et la Méditerranée ont hérité. Je ne sais ce qui restera de Star wars d'ici quelques centaines d'années. J'espère que les héritages antiques, musulmans, chrétiens, bouddhiques, etc. seront encore à même de nourrir l'imaginaire des générations à venir.

Pour ce jour de Noël, ce Christ magnifique, attribué à Michelangelo Buonarotti, daté de 1495-1497 m'a paru à même d'inaugurer cette série de billets sur Florence. Encore une fois je suis réboursier (je fais les choses à rebours) : c'est l'enfant Jésus, dans la tradition chrétienne qu'on a l'habitude de présenter à Noël. Je préfère présenter le jeune homme dont la beauté prêtée par l'artiste est à même de s'inscrire dans la continuité des éphèbes antiques, dont les tribulations sont également celles des héros de l'Antiquité. Que Jésus soit un lointain cousin de Prométhée me plaît assez. Et, allez savoir, le frère de Dionysos ?

Le PACS pour les gays en Grèce

Le parlement grec a fini par voter une loi normalisant les relations homosexuelles. Pour autant, tout n'est pas gagné, loin de là, et tout cela apparaît comme un calque des mesures déjà présentes depuis longtemps dans les pays d'Europe occidentale. Une petite réforme sociétale qui cache par ailleurs la machine à casser le monde social. Regardez le dernier film de Yannis Youlountas, Je lutte donc je suis. Les dates de projection sont ici : clic

Le texte suivant est emprunté à Amnesty international :


Le vote du Parlement grec qui autorise l'union civile pour les couples de même sexe représente un pas historique dans la bonne direction, sans toutefois garantir la pleine égalité avec les couples mariés, a déclaré Amnesty International.

« L'adoption de cette loi représente une petite victoire durement gagnée pour les militants en Grèce, qui luttent sans relâche depuis des années pour la reconnaissance légale des relations homosexuelles, a déclaré Gauri van Gulik, directrice adjointe du programme Europe et Asie centrale.


« À travers ce texte, l'État reconnaît l'existence et l'importance des relations homosexuelles. Cette loi adresse un message d'espoir aux lesbiennes, aux gays et aux personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), mais aussi à tous ceux qui se battent pour la justice et l'égalité – le message selon lequel la Grèce devient plus tolérante. »

La nouvelle loi, qui a rencontré une forte opposition de la part de l'Église orthodoxe grecque et de divers partis politiques, reconnaît les partenaires d'une union civile comme des parents proches et permet aux couples de même sexe de jouir de certains des droits dont bénéficient les couples mariés – notamment les droits en matière de visite à l'hôpital, de décisions médicales d'urgence et d'héritage.

Amnesty International souligne que la lutte pour les droits des LGBTI est loin d'être terminée et invite le gouvernement grec à garantir tous les droits, notamment le droit à l'égalité devant la loi (y compris en ce qui concerne le mariage), les droits à l'adoption et la reconnaissance légale du genre pour les personnes transgenres.

« Malgré ce premier pas, les personnes LGBTI continuent de vivre en Grèce dans un climat d'hostilité, dont les autorités ne les protègent pas de manière adéquate. Les agressions physiques sont en hausse et les discours de haine sont courants, et les autorités laissent faire. Même les marques d'affection entre couples de même sexe sont censurées à la télévision », a déclaré Gauri van Gulik.

Selon l'ONG Colour Youth, les attaques recensées contre des personnes LGBTI ont plus que triplé en 2015 par rapport à 2014. Les faits signalés incluent des coups, des coups de feu et des viols dus à l'orientation sexuelle ou à l'identité de genre réelle ou présumée de la victime.

Par ailleurs, la loi ne reconnaît pas le genre des personnes transgenres.

« Les droits de chaque lesbienne, gay, bisexuel, personne transgenre et intersexuée, doivent être pleinement respectés et protégés. Nul ne devrait subir des discriminations ou des violences en raison de qui il est, qui il aime et de la manière dont il exprime son genre. Le gouvernement grec doit poursuivre sur son élan et accorder aux militants ce pourquoi ils luttent avec courage : rien de moins que la pleine égalité. »

Complément d’information

En 2008, le gouvernement grec a promulgué une loi sur l'union civile comme alternative au mariage, mais elle ne s'appliquait qu'aux couples hétérosexuels. En novembre 2013, la Cour européenne des droits de l'homme a statué que cette loi établissait une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle des demandeurs concernant leur droit à la vie privée, en violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme. Ce jugement n'ayant pas été appliqué, 162 couples ont intenté une nouvelle action en justice, qui est en cours.

Amnesty International demande à tous les États de mettre fin, dans les lois relatives au mariage civil, à la discrimination motivée par l’orientation sexuelle et l’identité de genre. En mars 2015, elle a rencontré le ministre grec de la Justice et lui a demandé de lutter contre la discrimination envers les personnes LGBTI, notamment en promulguant la pleine égalité devant le mariage et la reconnaissance légale du genre des personnes transgenres.

En juin 2015, le ministre de la Justice a annoncé qu'il allait légiférer sur les droits à l'union civile pour tous les couples. Le 15 décembre, les ONG qui défendent les droits des LGBTI ont pris la parole devant la Commission parlementaire au sujet des lacunes du projet de loi, ce qui a débouché sur de nouveaux engagements, notamment la création de comités de rédaction pour la reconnaissance légale de l'identité de genre et le droit de fonder une famille pour les couples homosexuels. Amnesty International invite le gouvernement grec à honorer ces engagements.

Christiane Taubira par Claude Truong-Ngoc
Sinon, en France, tout va bien : la machine d'extrême-droite est en marche et poursuit son petit bonhomme de chemin.

J'apporte ici mon soutien à Christiane Taubira.







L'assassinat du père Noël

On le savait : il y a longtemps qu'il a été assassiné, le père Noël !

lundi 21 décembre 2015

Danish Girl

Ça sort le 20 janvier, et j'irai bien sûr le voir. Ne serait-ce que pour Eddie ! Et accessoirement Ben Wishaw...

Ernesto di Napoli

Ernest Pignon-Ernest à Naples.
Je vous souhaite un bon dimanche.


Vous êtes fou !

Les enfants terribles, que j'ai présentés récemment dans ce même blog. Wagner

Monsieur Wagner était fou. 

Êtes-vous fou ? demandait René Crevel...

Joli môme

Un garçon français, dont le charme m'a ému, croisé dans le Duomo di Milano...

 

Les oreilles de Mika

J'ai reçu ça sur ma boîte. Il a pas un peu grossi, Mika, depuis qu'il travaille à la SNCF ? Moi aussi j'ai un peu de mal avec les menus gourmands riz et poulet...

Photo Sncf - je n'étais pas dans le même compartiment que lui.



mardi 15 décembre 2015

Ainsi parlait Zarathoustra

Photographie de George Platt Lynes (merci à S.)

Le chemin vert


De mon lit j’écoute la radio avant de m’endormir. Il est un peu tard, et je me lève un peu plus tôt demain matin. Je reconnais la voix d’Henri Gougaud. L’interviewer manque de sagacité : il lui évoque des points de son travail qui ne sont pas très pertinents, preuve sans doute d’une méconnaissance de l’homme et de son œuvre. Henri Gougaud fut le parolier de Jean Ferrat et chanta lui-même dans quelques disques rares. Il est sans doute plus connu pour son travail d’écrivain et de réécriture des contes, ce qui le popularisa dans quelques émissions de radio. Une de ses fiertés est d’avoir vu ses contes sur l’Afrique interdits par le maire d’Orange, d’extrême droite, dans la médiathèque de la ville : les contes enseignent qu’il n’est pas de frontière à la culture des êtres humains, et, que l’on soit plongé dans les montagnes de Chine, dans les savanes africaines, dans les forêts d’Amazonie ou dans les vallées cévenoles, les contes populaires témoignent de l’universalité de la culture dont la parole est ce feu de l’esprit.
Henri Gougaud a de petites coquetteries ; il rappela que les sorties de ses livres ne sont jamais concomitantes aux périodes de prix littéraires dont il se fout un peu, j’imagine : il n’est pas vraiment dans la mode, et son livre le plus connu, Bélibaste, s’il coïncida avec l’intérêt d’un temps pour le catharisme occitan, évoque davantage la fin d’un monde dont ce dernier bon homme représentait une figure marquante.
Le lendemain, j’avais un déplacement à Paris.
De la Gare de Lyon, je marche vers la Bastille, où je déjeune parfois avec un ami. Nous parlons de la Grèce, et de la difficulté qu’ont les Français à se représenter ce pays autrement que comme une destination touristique. Cela rassure tellement de se faire à l’idée d’une partie de l’Europe restée un peu sauvage, un peu arriérée, bordée par les images incomparables d’une mer toujours azuréenne !
Ce jour-là je déjeunai seul, dans ce café toujours très vivant, débordant d’une activité où se retrouvent toutes les générations. C’est le Paris que j’aime.
Remontant le boulevard Richard Lenoir, je me dirigeai vers l’hôtel que j’avais réservé. En cette période, après les événements du 13 novembre, les prix des hôtels avaient considérablement chuté, et j’en avais trouvé un dont la situation géographique me convenait.
 Au passage, j’ai traversé la rue du Chemin vert. Aussitôt la chanson d’Henri Gougaud m’est revenue à l’esprit, et je me suis mis à fredonner, tout en marchant. Ce n’est pas très parisien de fredonner : contrairement à la Grèce ou aux pays méditerranéens où l’on peut entendre des gens au travail ou simplement des passants chanter dans la rue, l’usage des lieux publics se doit généralement de rester sobre. Mais on ne me refera pas. Je suis méditerranéen et m’assume tel.
« Et le Chemin vert, qu’est-il devenu, lui qui serpentait près de la Bastille ? »
Henri Gougaud le Carcassonnais devint un jour parisien comme tous ces chanteurs venus de partout, du Midi, de Belgique, de l’Est de l’Europe, parce que cette ville représente sans doute encore ce carrefour d’idées, de pensée, de création artistique. Les artistes venus d’Espagne, de Grèce — je parlerai un jour de Yannis Tsarouchis — y ont souffert qui ont dû affronter le climat parfois peu amène de cette ville, mais sûrs d’y trouver la présence d’autres amis avec lesquels ils pouvaient rêver le monde. Même Jean, qui n’aimait pas Paris, savait s’y amuser, narguer les imbéciles et les salauds.
Je fredonne, marchant d’un pas vif. Malgré la fraîcheur de l’air, le soleil vient sourire sur le boulevard. Il y a assez peu de voitures, et il reste plaisant de déambuler.
Je m’arrête brusquement de fredonner. Sans y avoir pris garde, je suis passé du boulevard Richard Lenoir au boulevard Voltaire. Sur l’îlot de verdure, en face, sont amoncelées des gerbes de fleurs, emballées dans leur papier cristal. Je suis arrivé sans en avoir pris conscience sur les lieux des événements du 13 novembre. Je sens soudain ma gorge se serrer et l’envie de chanter me quitter brutalement. Il y a déjà trois semaines que cette horreur s’est déroulée, là, sur ces lieux précis, et je prends la vision de ce qu’il en reste avec encore toute sa force. Les fleurs abandonnées, les lumignons éteints et entassés comme des déchets, les photographies de ces beaux garçons et filles me troublent au point de ne pas pouvoir contenir l’émotion qui me submerge. Pourquoi, connement, mes pas m’ont-ils conduit là, dans ces lieux précis où je n’avais aucune envie d’aller ? Le trottoir devant le Bataclan est bouclé. Un fourgon de police s’y tient en permanence, comme si les fous à la kalach pouvaient encore
revenir, comme si le cauchemar devait
encore durer. Combien de temps faut-il pour que, réveillé en sursaut de l’épouvante de la nuit, on arrive à retrouver son sens commun, à apprécier la lumière du soleil, à se dire que tout cela est fini et que ce n’était qu’un mauvais rêve ?

Là, ce n’est pas une aventure de l’imagination. Ce sont les débris de douleur d’un fantasme passé à la réalité, d’un goût sans fin où la seule jouissance n’est pas dans le plaisir partagé des corps, mais dans les chairs explosées, dans le jaillissement du sang, dans le râle des victimes, dans le souvenir à jamais marqué des survivants, des blessés qui ne se remettront jamais de ce moment d’enfer que Jérôme Bosch n’avait pas encore peint, des réveils brutaux la nuit où réapparaissent les démons surgissant dans la fureur du feu et de l’anéantissement de tout plaisir partagé. La mort, violente.

Je quitte les lieux pour rejoindre mon hôtel. Désormais Paris a repris la figure d’une ville dont les rues sont pleines de jeunes gens, tous d’une beauté indicible, que je préfèrerais voir nus s’embrassant dans les escaliers de Montmartre ou dans les jardins des Tuileries, mais qui sont, pour l’heure, en béret vert et en treillis, armés d’un P.M., et sans attention pour l’éros. Ceux qui nous gouvernent ne savent sans doute pas que les P.M. sont sans effet sur le désir de haine qui naît des mépris, des frustrations, des abandons sur lesquels thanatos a tout pouvoir de surgissement, à tout moment. Ils ne savent pas non plus que thanatos, qui a toujours le dernier mot, ne peut se combattre qu’avec les flèches d’éros dont il faut sans attendre garnir les carquois.




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Henri Gougaud - Paris ma rose
Où est passée Paris ma rose ?
Paris-sur-Seine l'a bouclée
Sont partis emportant la clé
Les nonchalants du long des quais
Paris ma rose.

Où sont-ils passés Villon et ses filles
Où est-il passé Genin l'Avenu,
Et le chemin vert qu'est-il devenu
Lui qui serpentait près de la Bastille ?

Où est passée Paris la grise
Paris-sur-Brume l'a mouillée ?
L'est partie Paris l'oubliée
Partie sur la pointe des pieds
Paris la grise.
Le vent d’aujourd’hui
Le vent des deux rives
Ne s’arrête plus au marché aux fleurs
Il s’en est allé le joyeux farceur
Emportant les cris des filles naïves

Où sont-ils passés ceux qui fraternisent
Avec les murailles et les graffitis
Ces soleils de craie où sont-ils partis
Qui faisaient l'amour aux murs des églises ?

Où est passé Paris-la-rouge
La Commune des sans souliers ?
S'est perdue vers Aubervilliers
Ou vers Nanterre l'embourbée
Paris-la-rouge.

Où est-il passé Clément des cerises
Est-elle fermée la longue douleur
Du temps où les gars avaient si grand cœur
Qu'on voyait que lui aux trous des chemises ?

 Où est passé Paris que j'aime ?
 Paris que j'aime et qui n'est plus.

Voter digne

Oui, il faut voter digne, car la construction de ce pays qui s'appelle la France s'est faite dans une somme d'enfers successifs : il ne s'agit pas de les renouveler aujourd'hui en écoutant, de la manière la plus imbécile qui soit, les contre-vérités de la dynastie des leaders de l'extrême droite, quand bien même ce nouveau matriarcat semblerait séduire les esprits les plus sensibles à un «changement ». C'est une question de principe dont l'histoire de la France a écrit des pages parmi les plus terribles. Les camps souhaités d'un ténor de la « droite sociale » ne peuvent pas valoir mieux que le camp de Drancy - entre autres - des années noires.

Voter digne, c'est choisir de rester dans le cadre de la déclaration universelle des droits humains, dont certains aimeraient voir la France s'échapper, elle qui a bien du mal à les respecter.

Voter digne, c'est garder toute raison contre le fait que le progrès des uns pourrait être rendu possible par le malheur des autres : le cadre républicain dans lequel la solidarité des territoires s'est établie, sans y parvenir toutefois parfaitement, est le seul qui permette aujourd'hui, à défaut peut-être un jour d'un système de république fédérale, de garantir la possibilité de vivre ensemble avec les différences dont on a à se foutre : ni le «manger français » - stupidité sans fond - ni la manière de s'habiller qui serait soumise en permanence à des interprétations les plus fantaisistes ou les plus paranoïaques ne sauraient être de nature à établir des règles de vie communes.

Le vote de ces élections régionales met le doigt sur une société qui s'est fourvoyée dans différentes impasses : l'école, l'entreprise, le système bancaire...  sont autant de domaines sur lesquels les citoyens ont l'impression de n'avoir plus aucune prise. Le déni de responsabilité des professionnels de la politique n'aide pas à penser à des solutions dans une parfaite sérénité. Pour autant, la démocratie, les institutions en France sont à repenser, calmement, sans courir se précipiter dans les bras des nostalgiques du IIIe Reich et de l’État français. 

Et, après le vote, continuer à faire progresser la démocratie.