L'auberge des orphelins

samedi 7 mars 2015

Nea prosopa - Manolis Rassoulis - 2 & 3

     Voici les deuxième et troisième parties  de cette Nea prosopa, dont Manólis Rassoúlis est le fil conducteur. Le film présente en premier lieu "Ah, Ellada, s'agapo" chanson que j'ai proposée dans un précédent billet. Encore une fois la qualité technique n'est pas excellente, mais il s'agit d'un document d'archives qui permet de plonger dans l'ambiance des années 1980.  L'accompagnement est à la guitare, comme pour rappeler que la jeunesse grecque d'alors voulait s'affranchir des instruments présents dans le folklore : baglama, bouzouki... Fort heureusement, la musique grecque a su aujourd'hui y revenir, et fait son miel autant de la guitare que du bouzouki.

     Petit intermède ensuite : on remarquera que Manólis Rassoúlis sert un café grec. Ça me rappelle une anecdote à Athènes : devant moi, dans la file d'attente au Starbucks, place Mitropóleos un Américain demande un café. On sait que le café américain est une espèce de lavasse servie dans un grand gobelet, et n'ayant du café que de vagues parentés. La serveuse lui demande comment il veut son café, s'il veut un café grec, s'il le veut skèto (pur), mè záxari (avec du sucre)... L'Américain reste décontenancé devant cette proposition ; il demande alors, car il devait connaître alors cet autre exotisme : "Greek coffee, is that like Turkish coffee?". La serveuse, affligée, (rappelons l'inimitié, hélas de longue date, entre Turcs et Grecs), et pour conserver la bonne productivité de sa journée, répond : "Yes, it's just the same..."

     La remarque de l'Américain a cette vertu de faire émerger en effet une belle vérité. Pour parfaire les choses, il aurait pu demander tout aussi bien si le café grec était comme le café arménien... Après, certains pourront toujours revendiquer la finesse de la mouture, très différente d'un endroit à un autre. Pourquoi pas ?

     Enfin, pour moi c'est skéto, à déguster très lentement, contrairement au ristretto italien, avec lequel je me suis fait reprendre récemment, me disant qu'il fallait le boire d'un trait. Et d'abord je fais comme je veux, en Italie comme en Grèce et j'aime déguster chaque goutte dont je perçois toute la saveur.

    Bref, Manólis Rassoúlis sert un café grec, puisque la Grèce n'est plus sous domination ottomane.
    Interrogé par son ami, il parle de café, de musique et de chanson populaire, des thèmes qui l'intéressent. Même si on ne comprend pas le grec, écouter la musique de la langue est un vrai bonheur : considérez que cette langue, qu'on appelle le démotique (populaire) par rapport au grec ancien, qui a su s'imposer contre la violence parfois des tenants du purisme du grec ancien, reste  celle, évolution prise en compte, des habitants de ce pays il y a 3000 ans ! Notre français, beaucoup plus jeune, n'a que 1100 ans, en étant généreux, et l'enrichissement de son vocabulaire est indéfiniment redevable au grec dont il a emprunté la plupart des termes de formation savante. Donc respect ! 

     Mais si toutefois vous êtes impatient(e) de reprendre l'écoute du chant, sachez que Níkos Papázoglou démarre la chanson "Οι μάγκες δεν υπάρχουν πια/Les copains ne sont plus là désormais" à la minute 8:00, paroles de Manólis Rassoúlis, musique de Níkos Xidákis : c'est la mélodie et le rythme du rébétiko, qui devient à cette époque extrêmement présent dans la chanson de variétés sous l'influence de l'intelligentsia grecque (voir les billets consacrés au rébétiko précédemment : ici).






     Manólis Rassoúlis retrouve Níkos Papázoglou dans cette troisième partie : ensemble ils marchent dans une Athènes déjà tentaculaire, à l'époque, où le métro dessert fidèlement chaque station jusqu'à Kifissia.

     La chanson suivante : "Με τα φώτα νυσταγμένα και βαριά/Avec des lumières somnolentes et lourdes" La chanson évoque l'errance dans Athènes et l'exil des générations qui émigrent (musique de Kristos Nikolópoulos). La chanson est chantée par Giórgos Sarrís.

     "Στις τρεις χαράματα Ομόνια/Aux trois aurores d'Omónia", sur une musique de M. Loïzos, est chanté par Vassílis Papaconstantinou.

     "Το πιο παράξενο τραγούδι/ La plus étrange chanson", musique de Krístos Nikolópoulos, est chantée par Pascális Terzís.

     La chanson chantée par Manólis Rassoúlis et Níkos Papázoglou est celle-ci : "A la fracture du temps"
La traduction française montre un goût de l'ellipse qui frise un peu l'hermétisme, mais on y retrouve tout l'esprit de Manólis Rassoúlis...

Εδώ στη ρωγμή του χρόνου
Κρύβομαι για να γλιτώσω,
απ’ του Ηρώδη το μαχαίρι
Μισολειωμένος στη Χιροσίμα σου
Κάτι προγόνων ξύδι και χολή
σ’ αυτήν την άδεια πόλη

Εδώ στη ρωγμή του χρόνου
Θάβομαι για να μεστώσω
μες του Διογένη το πιθάρι
Στον όγδοο μήνα της, είναι η ελπίδα μου
Σχεδόν το βρέφος γύρω περπατά
καθώς εσύ κουρνιάζεις

Εδώ στη γιορτή του πόνου
Ντύνομαι να μην κρυώνω
του Ουλιάνωφ το μειδίαμα
Σαντάλια του Χριστού, φορώ στα πόδια μου
Πραίτορες, βράχοι πάνω μου σωρό
μα `γω θα αναστηθώ

Ici, à la fracture du temps
Je me cache pour fuir
le couteau d'Hérode
A moitié désintégré dans ton Hiroshima
Quelque enfant du vinaigre et de l'amertume
dans cette ville anéantie

Ici, à la
fracture du temps
Je suis enterré jusqu'à resurgir
au milieu d
e la cruche de Diogène
Au huitième mois, c'est ce que j'espère
Un presque nourrisson dans ses promenades
comme toi-même tu te tiens accroché

Ici, à la fête de la douleur
Je me vêts pour moins sentir le froid
Au sourire d'Oulianof
Je porte à mes pieds les s
andales du Christ
Juges, un amas de rochers s'entasse au-dessus de moi
mais moi je ressusciterai



Je vous souhaite une excellente écoute de ces documents.

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Généralement, je préfère qu'on m'écrive au stylographe à plume et à l'encre bleue... L'ordinateur n'a pas intégré encore ce progrès-là !