Le titre anglais est God’s own country, ce qui est à peu près intraduisible en français, ou alors « Le propre pays de Dieu ». C’est effectivement peu parlant dans notre langue et à notre époque.
L’algorithme de Youtube, qui sait qu’il peut m’envoyer des vidéos de pédés, m’avait fortement recommandé début décembre une interview du très typé Josh O’Connor. Ce garçon m’avait paru très sympathique, et très impliqué dans son film. Passant à Paris, début décembre, j’avais pu voir en effet les couloirs du métro tapissés de l’affiche du film avec le titre du film. Je m’étais gaussé : un titre pareil en français, n’appelle qu’une proposition pour compléter ce titre qui ne veut ainsi rien dire (quoi, la terre est seule ? la terre est une zone de solitude ?) donc, avec mon mauvais esprit, j’avais complété par « ne ment pas » ! Et comme en France, je ne suis pas le seul, justement à être tenté par cette proposition complémentaire, je ne suis pas loin de penser que l’échec commercial du film, en France, en tout cas, est en partie dû à un titre incompréhensible. Passons.
Comme je n’avais pas le temps d’aller le voir pendant mon séjour parisien, j’ai sagement attendu qu’il apparaisse sur le programme du cinéma local, qui a fait peau neuve. Le cinéma tout neuf est devenu absolument moche, froid à glacial, et ressemble à tous ces multiplexes à la con sans âme. De plus il n’aura échappé à personne que, en même temps qu’on vous vend un ticket de cinéma, on vous propose de bâfrer du popcorn pendant que vous regardez un film. Américanisme à la con. Qu’est-ce que c’est que ces manières de bouffer du popcorn ? J’ai le souvenir des entractes ou les ouvreuses proposaient des bâtons glacés à sucer le temps qu’on se remette des publicités Jean Mineur, et du documentaire présenté avant le film. Aujourd’hui, je me la joue vieux con : oui, je préférais les cinémas de quand j’étais enfant. Voilà, c’est dit. Et comme le cinéma français actuel est d’une médiocrité à caguer sur son siège, ça n’arrange rien. Pour une Anne Fontaine, une Pascale Ferran, un Robert Guédiguian, (et bien d’autres, heureusement, Téchiné, Honoré… !) combien de films sans grand intérêt, qui encombrent ces lieux dans lesquels on souhaiterait plus d’émotions, plus de réflexion. Mais c’est aussi que le cinéma français est à l’image de son territoire : trop de films se situent à Paris. Paris, c’est la France, le reste n’étant que des lieux désertiques où on n’a vraiment pas envie de mettre les pieds, sauf l’été. L’été, la campagne, c’est cool.
En fait c’est bien le problème de ce film : les Français, d’abord, hormis Londres, ont beaucoup de mal à s’intéresser à la Grande-Bretagne. Si, qui plus est, on y présente une Angleterre rurale, c’est l’horreur absolue. Il faut bien dire que le réalisateur est sans doute très différent dans sa manière de filmer que ce qu’on a l’habitude de voir des films britanniques. Dans Télérama, il avouait une certaine méconnaissance d’auteurs desquels on pourrait le rapprocher, notamment un certain réalisme italien. Lui se reconnaît davantage dans le cinéma des Frères Dardenne ou de Jacques Audiard. Sans doute. Mais en même temps, c’est peut-être également ce qui fait la faiblesse du film : l’histoire d’un amour gay dans une situation de difficulté sociale qu’on devine davantage qu’on ne l’apprend. Un garçon étranger vient apporter sa part de sensibilité à un autre garçon souffrant de solitude. Une happy end satisfait tout le monde, bien sûr. Il y a un peu de Brokeback Mountain, évidemment, mais qui finirait bien. C’est bien le problème, d’ailleurs : le scénario qui n’est pas beaucoup problématisé reste celui d’une histoire d’un garçon sympathique, un peu coincé dans son milieu et ne sachant pas ce qu’il doit faire de sa vie, dont la solution lui arrive toute cuite de Roumanie. Pourquoi pas, après tout, mais ça ne fait pas un grand film. Tout au plus, me référant au film d’Ang Lee (coïncidence de l’homonymie !) on constatait en 2005 un amour gay impossible dans une histoire de cow-boys sur fond de montagnes idylliques ; douze ans après, l’amour est accepté, ne fait plus vraiment scandale, car tout le monde est plus ou moins pédé, et ils vécurent heureux et eurent beaucoup de petits agneaux. Bon, les temps ont changé, tant mieux. C’est à peu près tout ce que dit le film, mis à part que vivre en milieu rural est toujours aussi difficile et n’est pas une partie de plaisir, sauf à aimer la solitude, apprécier les paysages, et savoir quoi faire de la nature envahissante. En France c’est vraiment le problème qui n’a été pris en compte par aucune réflexion politique réelle. Ce qui fait qu’à Paris, les bobos votent majoritairement Macron qui leur renvoie une image réflexive de ce qu’ils sont ou voudraient être (ciel !), et en milieu rural, on vote Le Pen, de manière encore plus forte si on n’a même pas vu un teint basané se promener dans ces campagnes. De la même manière qu’en Angleterre le milieu rural a majoritairement voté pour le Brexit. Je vais terminer là-dessus : ce film sympa, plein de bons sentiments (en outre, moraliste : c’est pas bien d’aller tirer un coup dans les chiottes du pub ; la promesse de fidélité sera la condition d’un bonheur en couple dans les odeurs de la bouse de vache !) pousse le réalisme jusqu’à faire dépecer un agneau par le gentil Gheorghe, faire plonger le bras dans le cul d’une vache par Johnny pour vérifier le stade du prochain vêlage, mais ne dit rien du Brexit qui risque de poser le problème de la présence même de Gheorghe. Bon, encore un film gay raté. Ce n’est pas très grave.
On oubliera la scène calamiteuse de baise dans la boue par temps frileux, à mon sens totalement ratée (encore une fois, quid du désir, comment le présenter dans sa montée, l’approche de l’autre...?). Les acteurs sont, en tout cas, excellents : Josh O’Connor, Alec Secăreanu, Gemma Jones, la grand-mère, Ian Hart, le père handicapé habitent leurs personnages et sont, je le crois, dans le sauvetage du film, égaré entre documentaire et anecdotisme paysager.
On oubliera la scène calamiteuse de baise dans la boue par temps frileux, à mon sens totalement ratée (encore une fois, quid du désir, comment le présenter dans sa montée, l’approche de l’autre...?). Les acteurs sont, en tout cas, excellents : Josh O’Connor, Alec Secăreanu, Gemma Jones, la grand-mère, Ian Hart, le père handicapé habitent leurs personnages et sont, je le crois, dans le sauvetage du film, égaré entre documentaire et anecdotisme paysager.
Bonus : interviouve en anglais de Josh O'Connor, dans une langue plus claire (OMG!) que les borborygmes du film !
Mince, Lucien m’en a dit le plus grand bien et je m’apprêtait à ...
RépondreSupprimerQuant au titre, je le trouvais d’un bel effet, style out of Africa.
Le film se laisse voir, ne serait-ce que pour le jeu des acteurs. Mais foin de tout érotisme torride... Enfin, en ce qui me concerne !
RépondreSupprimerSlt Céléos,
RépondreSupprimerJe ne suis pas d'accord avec presque tout ce que tu dis sur ce film qui m'a plu. Je dis presque parce que je suis d'accord avec toi au moins sur un point : la scène "calamiteuse" de baise animalière dans la bouillasse qui heurte la chochotte que je dois être (une scène identique dans le sable dans le film chilien "contracorriente" m'avait fait le même effet, mais cette fois-ci c'était tout cette silice qui s’immisçait un peu partout qui s’insupportait. Pour le reste, le jeune paysan n'est pour moi pas du tout "sympathique" et sa transformation par la "surprise de l'amour" est pour moi le sujet du film dans un milieu social rural rarement filmé dans le cinéma brit, a fortiori avec des personnages homos. La rudesse et la beauté de cette campagne est admirablement filmée et je prise par dessus tout ce genre de film de mecs taiseux.
Un bobo parisien qui a voté pour le candidat le plus intelligent (la concurrence n'était pas féroce). Sans rancune. Il n'y a pas de discussion si l'on est tous d'accord.
A+
Il n'y a pas à être tous d'accord, Thomas. Ce n'est pas le personnage du jeune paysan bourrin qui m'apparaissait sympathique, mais l'acteur, Josh O'Connor. D'accord avec toi sur l'évolution de la chrysalide qui a du mal à mettre des mots sur ses sentiments, et de ce point de vue, c'est plutôt réussi. Après, ce réalisme outré pour faire "vrai" me fait plutôt rire. On y retrouve cependant des traces de cinéma des pays de l'Est, coïncidence ? Pourtant il y a eu aussi quelques films britanniques sur le monde paysan, mais c'est sans doute le premier gay. C'est aussi à saluer. Je ne le jette pas aux orties, mais ce n'est quand même pas un chef d’œuvre.
RépondreSupprimerFélicitation d'avoir su faire ton choix après le débat télévisé de haut niveau! ;-))
Mais la sociologie électorale ne laisse pas beaucoup d'alternatives !
Le bobo queer paysan que je suis est retourné dans ses terres granitiques au lieu d'aller voter !
Quel débat télévisé ? ;-)
RépondreSupprimer"J'avais la télé, mais ça m'ennuyait
Je l'ai r'tournée... l’autre côté c'est passionnant,
J'suis snob... J'suis snob".
Ciao.
PS Quelle épreuve que de relire mes quelques lignes jetées à bout de fatigue. Passons sur les répétitions ("pour moi", "filmé") mais corrigeons tout de même ceci :"une scène identique dans le sable dans le film chilien "contracorriente" m'avait fait le même effet, mais cette fois-ci c'était toute cette silice qui s’immisçait un peu partout qui m’insupportait."
Précision : Après vérification, "contracorriente" est un film péruvien.
RépondreSupprimerOK, vu, TQ. J'essaierai de voir Contracorriente.
RépondreSupprimerDe l'autre côté, c'est toujours très intéressant aussi ;-)
Je crois que je n'aurais pas traduit textuellement mais plutôt spirituellement -God oblige quoi- et dans le genre " avec le ciel pour paysage..."
RépondreSupprimerTraduction en roue libre, Joseph, mais pourquoi pas ? Tout est permis quand on aime !
RépondreSupprimer