J'aime écouter France Inter et les radios du service public, à la réserve près que la publicité qui est venue envahir les ondes fait que je ne sais plus parfois si je ne suis pas sur une radio commerciale. En même temps, la liberté de ton qui y règne depuis maintenant quelques années détonne, en fait ce qu'autrefois on espérait d'une véritable radio où puissent s'exprimer toutes les opinions. D'aucuns objecteront que le goût de la liberté ne s'accorde pas forcément avec ceux qui n'aiment pas la liberté de pensée, la liberté d'aller et venir, de s'installer librement sur cette terre qui est notre bien commun, la liberté de disposer librement de notre propre corps et non de celui des autres...
Bref, j'apprécie les humoristes. Attardons-nous quelques instants sur le sens de ce terme : si l'humour est une manière de rire du travers des hommes, l'humeur est aussi, si l'on oublie les substances physiques que le corps laisse s'écouler, une manière de réagir aux vicissitudes du temps. Et notre temps fait matière à réagir à tout ce qui s'y passe.
Nicole Ferroni s'exprime régulièrement sur France Inter. Elle réagissait l'autre matin (le 14 décembre dernier, c'était hier !) sur les bombardements d'Alep en Syrie et sur les attitudes cornéliennes qui consistent à ne pas intervenir contre le dictateur syrien au prétexte que ce serait favoriser l'Etat néo-islamique qui fait de la barbarie son mode d'action privilégié.
Voici la vidéo de l'émission matinale de ce jour-là :
Bref, j'apprécie les humoristes. Attardons-nous quelques instants sur le sens de ce terme : si l'humour est une manière de rire du travers des hommes, l'humeur est aussi, si l'on oublie les substances physiques que le corps laisse s'écouler, une manière de réagir aux vicissitudes du temps. Et notre temps fait matière à réagir à tout ce qui s'y passe.
Nicole Ferroni s'exprime régulièrement sur France Inter. Elle réagissait l'autre matin (le 14 décembre dernier, c'était hier !) sur les bombardements d'Alep en Syrie et sur les attitudes cornéliennes qui consistent à ne pas intervenir contre le dictateur syrien au prétexte que ce serait favoriser l'Etat néo-islamique qui fait de la barbarie son mode d'action privilégié.
Voici la vidéo de l'émission matinale de ce jour-là :
On conviendra que les humoristes ne font pas forcément du rire leur ressort principal. Il est des circonstances qui ne permettent pas de rire de tout. C'est donc là une humeur, qui, en outre a su exprimer une véritable émotion à laquelle une véritable réflexion éthique s'est associée.
Je lis cette semaine une chronique dans Télérama sur Nicole Ferroni. Je m'interroge souvent : pourquoi suis-je encore abonné à ce magazine attardé, parfois décalé toujours avec toute réalité qui n'est pas strictement parisienne. Je me souviens que Jean Belot, catholique bon teint - il faut rappeler que Télérama a des racines catholiques - parlait des cathares du Midi en disant qu'ils étaient fanatiques. Alors que les catholiques n'ont, c'est vrai, jamais eu d'attitudes fanatiques ! On n'a pas de mention que les cathares aient assassiné qui que ce fût, les catholiques, si. Enfin, c'est Télérama. Il y a quelques années, quand le gourou cévenol Pierre Rabhi commençait à faire parler de lui un peu plus loin que dans les Cévennes, Télérama avait écrit que Rabhi habitait «sur les hauts plateaux ardéchois», alors que son domaine est situé dans la partie très méridionale - et basse en altitude - de ce département. C'est Télérama. Les Parisiens sont de gros nuls en géographie, passé le périph'.
Là, on parle de Nicole Ferroni (n°3507, p. 18). Pour dire, en fin de compte, que ses chroniques sont un peu foutraques, mais qu'elle réussit à captiver son auditoire. Ce que ne dit pas Télérama, c'est que son talent peut s'analyser en sincérité, et en "parler vrai". Mais Télérama, toujours un peu condescendant, dit «[...] la trentenaire à l'accent marseillais nous embarque immanquablement dans son chaos sensé.» Ah, ben voilà ! Elle a l'accent marseillais, ce qui est forcément sympathique, l'accent marseillais !
L'accent marseillais, je ne sais pas ce que c'est, sinon une invention de l'idéologie nationaliste française de la fin du XIXe siècle. Lorsqu'il s'agissait d'extirper les «patois», sous l'impulsion de l'Abbé Grégoire, pendant la période révolutionnaire, la classe dominante, française, qui roulait les «r» de manière si remarquable que sous le Directoire certains pensèrent qu'il fallait les effacer à la prononciation, au point que naquirent les «Inc'oyables», on dénonça et on fit la chasse à ces langues. On continue encore, au XXIe siècle, à parler d'accent, en omettant de dire que ce qu'on appelle «accent» est une particularité de la phonétique qu'on peut appeler sociophonétique. En effet, la manière de parler est le reflet d'un parler général dans une région, et dans une classe sociale. Si bien que «l'accent de Marseille» n'existe pas plus que du beurre en branche (ou en broche, comme vous voulez). Et ces aspects évoluent, dans le temps, dans l'espace. Plus aucun présentateur de radio ne parle comme sous Daladier ; de la même manière, plus personne, à Marseille, ne parle comme le faisait Jules Muraire, dit Raimu.
Tenez, la fameuse partie de cartes, issue du film d'Alexandre Korda, de 1931, d'après la pièce du même nom de Marcel Pagnol, Marius.
L'accent de Raimu est parfaitement identifiable, de même que la scène sociale, qui est censée donner des moeurs méridionales une vision pour le moins d'une société de loisirs. Je veux dire que si l'on voit une partie de cartes chez Cézanne, encore un Méridional, je n'ai pas souvenir que ce moment apparaisse dans d'autres contextes sociaux que dans le Midi. Enfin, passons. Restons sur les accents. Dans cette tablée, trois Occitans, un Parisien, - Monsieur Brun - qui est censé être lyonnais, mais n'a pas pour un sou l'accent lyonnais. Panisse se fâche, et se lâche : il laisse aller sa colère, en occitan de Provence maritime, langue qui ressort sous le coup de l'émotion :
« Tiens, les voilà tes cartes, tricheur, hypocrite, je ne joue pas avec un Grec ; sièu pas plus fadat que tu, sas ! Fau pas me prendre per un autre : sièu Mèstre Panisse, e siès pas pron fin per m'agantar !» (Je ne suis pas plus con que toi, tu sais ! Il ne faut pas me prendre pour n'importe qui : je suis Maître Panisse, et tu n'es pas assez fûté pour m'attraper !)
Beau moment de racisme ordinaire, qui, dans les années 1930, s'exprime sans complexe. Là ce sont les Grecs qui passent pour des tricheurs. Le stéréotype est durable, apparemment. Dans une autre scène, un larbin chinois est ouvertement traité de niaquoué. Décidément, la société française n'en sort pas de son incapacité à ménager sereinement son rapport aux autres.
Je reviens à Nicole Ferroni, et à «l'accent marseillais». On l'entend dans la vidéo : il n'y a rien de commun entre la manière de parler de Raimu et celle de Nicole Ferroni. Est-ce le «o» ouvert, mais qui n'est pas propre aux Méridionaux, puisque les Nordistes ouvrent également le «o» de rose, de chose, qui laisse croire à la chroniqueuse de Télérama que Nicole Ferroni a «l'accent marseillais» ? Prenons la manière de parler du chanteur d'IAM, Akhénaton :
Bon, Akhénaton, «vrai» Marseillais, n'a pas vraiment non plus l'accent de Marseille à la manière de Raimu. Il adoucit les nasales, ouvre les vocales, comme d'autres Méridionaux, mais pas spécialement de Marseille.
Tiens, lors de l'un de mes précédents passages, à Marseille, j'y ai croisé, qui était en grande discussion sur un trottoir de la rue d'Endoume, Franz-Olivier Giesberg, «vrai» Marseillais, puisque son père était américain. Vous savez, le crétin qui a dirigé indistinctement les magazines du centre gauche à la droite plus dure. Il n'avait pas, dans sa manière de parler, grand chose qui le rapprochât de celle de Raimu. Une autre grande bourgeoise, l'épouse de Gaston Defferre qui se maintint tant d'années à la tête de la capitale provençale avec l'aide des maffias, Edmonde Charles-Roux, se voulait «authentique marseillaise». Comme dans ces bourgeoisies méridionales aucune trace de méridionalité n'était décelable dans sa manière de parler : on s'attache, dans ces milieux-là, à ne pas paraître assimilables aux classes les plus populaires. C'est bien dans la manière de parler que l'on perçoit, on le sait, les signes les plus distinctifs.
Alors, pour la journaliste de Télérama, Nicole Ferroni aurait l'accent marseillais. Evidemment, c'est un signe distinctif. Celui de la grande connerie rémanente de Télérama.
Oh ! fan de chichoune, tu traduis fada par con ? J'en suis tombé du tafanari.
RépondreSupprimerJ'aurais pu (dû ?) traduire par "bite".
RépondreSupprimer"Sièu pas mai quica que tu, sas !" Pagnol aurait fait un carton encore plus fort auprès des Occitans !
Moi j'ai gardé l'accent qu'on attrape en naissant du côté de Marseille. Et quand l'été de Giono revient en transhumance, et quand Télérama, imite en se gaussant, le parler de Provence, le monde à notre accent !
RépondreSupprimerMès quica es calhòl ! " M'amor, ma quica, t'aurien ti frisada a la greca ?" C. Favre in Mistral, Lou trésor dou felibrige.
RépondreSupprimerTiens, tu m'as donné l'occasion de vérifier une chose qui m'avait toujours intrigué dans le parler du gran...
Concernant Inter et sa liberté de ton, je me flatte d'avoir pour "potes" (sans plus, car nous ne travaillons plus ensemble) Nicole Ferroni (qui répond toujours aux messages, rare !) et Guillaume Meurisse (vous devez l'aimer çuilà !, et, plus proches, Alex Vizorek et Frédéric Fromet.
RépondreSupprimerJe n'aurais jamais pensé que ce dernier puisse un jour chanter ses goualantes assassines dans le poste.
Pour Télérama, auquel je suis abonné (normal pour un bobo de Paris, pléonasme), il y a des périodes d'amour auxquelles succèdent des bouffées de haine irrépressibles. Ce qui tendrait à prouver que cette saloperie de Télérama chéri est indispensable dans la médiocratie ambiante.
Dans une émission de télé (un talk-show, qu'ils disent), où des super-bobos (il y a une hiérarchie) devisaient autour d'un foie gras généreusement servi, j'ai entendu Giesbert (avé un "t" té !) délivrer sur Marseille cette sentence : "Marseille, maintenant, c'est pourri !". On comprend mieux vos guillemets à "vrai" Marseillais. Vos billets sont de plus en plus intéressants.
@Miréio : sans déc', je chante souvent cette beuglante à mes convives éberlués !
RépondreSupprimerVous avez raison, Silvano, c'est un "t" qu'il mérite, Giesbert !
RépondreSupprimerCeleos : et encore ; et certainement pas 3 T.
RépondreSupprimerAbsolument. Et même pas un regard d'Ulysse.
RépondreSupprimerJ adore les accents, je déteste effectivement ceux pour qui ce serait une tare sue d avoir un accent , je suis un bobo qui aime Et déteste Télérama ...on a tous nos contradictions....je te trouve bien dur, Celeos !
RépondreSupprimerMeuh non, Arthur ! Gaffe, c'est pas toi qui ramollis ? ;-)
RépondreSupprimerJe suis indifférent à Télérama, je fus abonné mais désormais les pages culture de l'Obs et son supplément, qui ne sont pas moins parisiens, plus ce que je peux glaner en ligne me suffisent amplement.
RépondreSupprimerArthur ramollo ? Meuh non !
Heureux que tu me rassures quant à l'etat solide de notre Arthur ;-)
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