L'auberge des orphelins

samedi 17 septembre 2016

La ville - Constantínos Caváfis

La ville

Tu as dit : « J'irai par une autre terre. J'irai par une autre mer.
Il se trouvera bien une autre ville, meilleure que celle-ci.
Chaque effort que je fais est condamné d'avance ; 
et mon cœur - tel un mort - y gît enseveli.
Jusqu'à quand mon esprit va-t-il endurer ce marasme ?
Où que mes yeux se tournent, où que se pose mon regard,
je vois se profiler ici les noirs décombres de ma vie
dont après tant d'années je n'ai fait que décombres et gâchis. »

Tu ne trouveras pas d'autres lieux, tu ne trouveras pas d'autres mers.
La ville te suivra partout. Tu traîneras
dans les mêmes rues et tu vieilliras dans les mêmes quartiers; 
c'est dans ces mêmes maisons que blanchiront tes cheveux.
Toujours à cette ville tu aboutiras. Et pour ailleurs - n'y compte pas -
il n'y a plus pour toi ni chemin ni navire.
Pas d'autre vie : en la ruinant ici, dans ce coin perdu,
tu l'as gâchée sur toute la terre.

Constantin Cavafis - 1910
traduction de Dominique Grandmont




2 commentaires:

  1. Triste, comme la vie sait si parfaitement l'être.
    Il se peut qu'un regard qui s'échange, un sourire qui se dessine, une peau qui frôle...
    Marie

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  2. Et passer ainsi de la tristesse à la joie...

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Généralement, je préfère qu'on m'écrive au stylographe à plume et à l'encre bleue... L'ordinateur n'a pas intégré encore ce progrès-là !