Je relaie ici dans ce blog
trois textes d’écrivains parus aujourd’hui sur le site Internet de
Marianne : Arthur Dreyfus, Arnaud Cathrine et Mathieu Simonet, textes qui
sont présentés comme s’exprimant contre l’homophobie.
L’UEFA n’a pas voulu que
s’exprime par une minute de silence l’hommage aux victimes du bar The Pulse à
Orlando ; fallait-il encore une preuve pour être sûr que le monde du foot
était une entreprise fascisante ? À savoir, comme dans beaucoup de
cultures méditerranéennes, qu’il existe des pratiques homosexuelles dans le
monde du foot, mais qu’il ne faut jamais les reconnaître, et, au contraire,
qu’il faut ostraciser ceux qui le reconnaissent ouvertement.
L'événement d’Orlando
apporte sans doute une dimension qui manquait à notre compréhension du
monde : depuis les années SIDA, on avait oublié que le monde gay vivait
d’une certaine manière, dans une dimension tragique. Celle-ci a été rappelée au
présent. On ne peut que s’en réjouir. Enfin, quelle que soit son orientation
sexuelle, le monde entier est devenu le théâtre, de manière encore plus
évidente, d’une violence qui s’exprime sans retenue — le langage imbécile des
journalistes parle de « loups solitaires » — je pense aux nouvelles
victimes de cette pathologie sociale : Jo Cox, Jessica Schneider et
Jean-Baptiste Salvaing. Il suffit donc d’une pulsion d’envahissement mortifère
pour que dans un même élan, on entraîne avec soi des êtres parmi les moins
détestables ; et peut-être même à cause de cela. Après, il suffit
d’invoquer une religion, stupide comme toutes les religions, un nationalisme,
aberrant comme tous les nationalismes, pour donner une justification de sens à
des actes qui n’en ont pas. Et les
amoureux du chaos n’ont plus qu’à s’en féliciter.
Aimez vos fils et vos filles avant de ne plus
pouvoir les serrer dans vos bras
« Aujourd'hui, le
romancier en moi pense à ces quelques parents qui ont dû découvrir, en même
temps que la mort de leur fils, son homosexualité. Et je veux dire à tous ceux
– à tous les pères – qui insultent leurs fils sous prétexte qu'ils les « dégoûtent
», qui ne veulent « plus jamais » les revoir, qui leur promettent une vie de
mépris et de chagrin : sachez que vos enfants sont tous aussi mortels qu’Eddie
Justice ; ce jeune homme caché dans les toilettes du Pulse, hier soir, pour
envoyer ses derniers SMS à sa mère qui, réveillée en pleine nuit par la
vibration de son téléphone portable, découvre l’inimaginable.
"Mommy I love you – He's coming – I'm
gonna die."
Les jeunes gays, trans,
lesbiennes, se suicident quatre fois plus que ceux que vous appelez « normaux
». Mais ce qui est anormal, c'est de mourir à vingt ans.
Parents qui chassez vos
enfants, qui coupez les ponts avec eux, qui jugez égoïstement leurs désirs, qui
vous souciez du qu’en-dira-t-on ; parents ignorants, pauvres ou riches, obscurantistes
ou traditionalistes, français ou américains, orientaux ou occidentaux, aimez
vos fils et vos filles avant de ne plus pouvoir les serrer dans vos bras.
Aimez-les et
dites-le-leur, car il existera toujours quelqu'un pour maudire vos enfants mieux
que vous. »
Arthur Dreyfus
Une guerre barbare contre celles et ceux qui
entendent être eux-mêmes
« C’est une américaine
d’une cinquantaine d’années. Allure très classique. Si l’habit faisait le
moine, on l’imaginerait volontiers acquise au bastion de Trump. Sauf que. Cette
femme est livide, totalement éplorée. Elle est sans nouvelles de son fils parti
danser dans la boîte gay d’Orlando où vient d’avoir lieu une fusillade
meurtrière. Elle tente de le joindre sur son portable. Il ne répond pas. En larmes,
elle dit au journaliste qui la filme ne savoir qu’une chose : « Il était avec
son petit ami. »
Il y a dix, vingt, trente,
quarante ans, cette mère n’aurait sans doute pas su où était son fils ce
soir-là car il ne lui aurait pas dit (il n’aurait pas osé, elle n’aurait pas su
l’entendre) ; elle n’aurait pas eu connaissance de l’existence de ce « petit
ami » et n’aurait donc pas prononcé cette phrase qui lui semble aller de soi
aujourd’hui : « Il était avec son petit ami. » En plus de l’identité homosexuelle,
c’est ça qu’on a voulu abattre à Orlando : une mère, son fils et le petit ami
de celui-ci, axiome qui tend à devenir ordinaire et lambda.
Une guerre barbare est
conduite contre toutes celles et ceux qui entendent être eux-mêmes (libres,
donc) : journalistes satiriques, juifs, amis en terrasse, férus de musique dans
une salle de concert, musulmans aimant à vivre dans des quartiers mixtes,
homosexuels bien dans leur peau, bien dans leur couple et bien dans leur
famille…
Il paraît que ce tueur
s’est senti « agressé » à la vue de deux homosexuels dans la rue… Pauvre chou.
Il l’aurait été pareillement en voyant cette mère que j’imagine à table, un
dimanche midi, avec son fils et le petit ami de celui-ci. Que la liberté d’être
soi se manifeste dans les situations les plus prosaïques de la vie (et non plus
à l’abri des regards) nous ravit, nous émerveille. Mais donne, à certains, des
envies de meurtre, et pas que des envies. Combien de morts déjà ?
Je ne vais pas mentir : je
ne sais pas comment terminer.
Pour lors : absolument
atterré. »
Arnaud Cathrine
Un baiser responsable de la tuerie ?
« Selon le père d’Omar
Mateen, l’attentat d’Orlando n’aurait « rien à voir avec la religion » : il
aurait pour origine un baiser commis entre deux hommes devant la femme d’Omar
Mateen et leur enfant de trois ans. Un baiser responsable de la tuerie ? Je
vois dans ce raisonnement encore une preuve d’homophobie, qui consisterait à
penser que tuer à la suite d’un coup de sang contre un baiser homosexuel serait
moins grave que tuer pour la religion… Oui, prétendre qu’un couple homosexuel
ne devrait pas s’embrasser devant un enfant de trois ans est empreint
d’homophobie. En effet, pourquoi les frontières de la pudeur devraient varier
selon l’identité sexuelle des couples ? L’homophobie, ne l’oublions pas, c’est
intégrer l’idée que l’homosexualité serait inférieure à l’hétérosexualité.
Aujourd’hui, en mémoire à la centaine de victimes d’Orlando, embrassons-nous
dans la rue. Et tant mieux si des enfants nous voient. Car ce qui est sûr,
c’est qu’aucun baiser n’a jamais causé le moindre attentat. Au contraire. »
Mathieu Simonet
Je partage avec Mathieu Simonet l'amitié d'une belle personne, comédienne et auteur, qui m'a parlé de lui avec émotion lors d'un déjeuner récent. Il faudra y revenir, vous et/ou moi.
RépondreSupprimerNous y reviendrons, Silvano.
RépondreSupprimerMerci Celeos, je prends le premier pour le partager ailleurs.
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