L'auberge des orphelins

vendredi 8 avril 2016

Tu es là



Tu es là,  présent au réveil de mon désir et je bande pour toi sans que je sache la nature de ton propre désir. Je te regarde regardant toi-même au dehors la rue qui passe sans se soucier de ce que nous sommes, touristes étrangers à sa vie ordinaire. Les marchands remballent leurs étals à la fin du marché jouant toujours la même musique que font les chaînes de leurs balances romaines. Ils laisseront la rue vide de la vie grouillante qui l'occupait quelques instants auparavant.

Tu es parti un moment partager les instants de ce flot de gens affairés, curieux d'écouter leurs conversations, saisir leurs sujets d'intérêt qui pouvaient te paraître étranges ou exotiques, mais tu es revenu bredouille d'une histoire dont tu aurais pu faire ton miel. Tu souhaitais tout à la fois passer inaperçu, te fondre entre les tables des gens qui se retrouvent là à ce rendez-vous hebdomadaire et que l'on remarque ton intérêt pour eux. Tu portais la chemise blanche dans laquelle je te trouvais seyant,  à peine glissée dans ton pantalon de toile, qui était un appel à te distinguer d'entre tous les garçons. C'est du moins ainsi que je te voyais,  et aucun autre n'aurait trouvé grâce à mes yeux. Là dans ce café surpeuplé, c'est à peine si tu as pu te faire servir. Tu étais seul, m'as-tu dit, à une table, et le serveur qui aurait 

pu être attentif à la manière dont tu le regardais n'avait pas un instant à t'accorder, ne fût-ce que pour t'apporter un simple café. Tu avais dû patienter, ce qui n'était pas l'une de tes qualités, et tu en avais conçu un peu d'irritation.  Dans ton attente, tu surveillais les couples discutant de choses futiles, des objets achetés au marché, du projet de repas du soir ou de ce que les dernières conversations entretenues avaient suscité de réactions.  Pas de grâce amoureuse,  rien ne filtrait de la découverte de leurs corps respectifs, et tu ne sus jamais le plaisir qu'il purent partager dont cette salle de café dans laquelle tu te trouvais singulièrement aurait pu être le témoin.  Tu captas au passage quelques bribes de ce qu'un revendeur de machines agricoles disait des commissions qu'il avait touchées de son portefeuille de clientèle et tu arrêtas là ton écoute de ces bavardages que tu trouvais, en fin de compte,  d'une grande vanité.

Quand tu revins dans la chambre tu quittas ta chemise comme pour te défaire de ces moments que tu souhaitais aguicheurs mais qui ne te renvoyèrent qu'une sorte de naïveté dont tu t'étais rendu crédule.
Je te regardais,  écoutant ton irritation avec l'indulgence de mon désir pour toi auquel tu ne prêtais que peu d'attention. Tu cherchais sans doute cette sorte d'intensité de tous les instants, une soif de vivre que personne à tes yeux ne savait suffisamment étancher. Tu allas à la fenêtre prendre cet air qui te renvoyait ton goût de fuir encore un peu et dans lequel je t'accompagnais.  Je crois que je ne sus jamais parfaitement si nos étreintes t'apportèrent la satisfaction de notre goût de partager ces instants d'errance ou de douce folie qui nous faisaient rire.

7 commentaires:

  1. il est temps que Celeos se trouve un VRAI compagnon ou alors je vais être obligé de me transformer en st séb !

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  2. "Qu'il vienne, qu'il vienne, le temps dont on s'éprenne !"

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  3. chanson de la haute tour.
    ne vois-tu rien venir, frère Celeos ?

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  4. Les amours rêvées son toujours les plus fidèles, alors pourquoi se presser de vivre leurs réalités! pensée d'un vieux (sage, non)

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  5. Encore plus haute, Yves !
    Parce que l'amertume des anciennes amours a encore un goût inaltérable, Joseph.

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  6. mais je vous rejoins dans la hantise de l'utilisation des nouvelles technologies , ainsi j'ai honte de mon son au lieu du sont! j'espère que mes pupilles ne le sauront pas!

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  7. Les nouvelles technologies ne me posent pas problème, Joseph, sauf quand elles sont, au sens bourdieusien, un moyen de distinction !

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Généralement, je préfère qu'on m'écrive au stylographe à plume et à l'encre bleue... L'ordinateur n'a pas intégré encore ce progrès-là !