Quelle joie ! On ne peut
qu'être satisfait du jugement rendu pour Erri de Luca. Il risquait huit mois de
prison ferme dans le différend qui l'oppose à la société de construction du
projet de ligne grande vitesse prévue dans la vallée de Susa. Vive l'Italie qui
garde la tête froide dans ce jugement. Mais si Erri de Luca a bénéficié d'un
large soutien international, tel n'a pas été le cas de militants libertaires
dont les murs de Turin se faisaient l'écho, via Po, cet été, de la répression qui s’abat
sur eux.
Parlant de soutien
international, j'ai été stupéfait, ce lundi matin dernier d'entendre la voix
d'Erik Orsenna, chez l'excellent Augustin Trapenard, émettre des réserves quant
à la liberté d'expression, et en particulier concernant Erri de Luca : il
arguait que nous vivons dans des « sociétés d'extrême démocratie »
(sic !) et que les décisions sont prises après de larges consultations
d'élus, nécessitant beaucoup de temps pour que les projets émergent. Et dès
lors, il faut limiter la liberté d'expression pour que la démocratie ne soit
pas remise en cause.
Excuse-moi du peu, mon neveu ! Ton principe démocratique à la con, il amène Hitler au pouvoir en 1933, et il a amené Ménard à Béziers avec 36 % des voix des 33% des suffrages exprimés, ce qui diminue encore la proportion de la population totale qui n'en peut plus, et ne s'exprime plus, tant c'est pareil dans l'insupportable au quotidien.
Pour comprendre comment de telles inepties peuvent être proférées sur les ondes publiques, il faut se rappeler que derrière l'écrivain bonne pâte, sympathique avec sa bonne bouille d'épagneul, il y a eu celui qui écrivait les discours de Mitterrand. Jusque là rien à redire, si ça a permis à l'homme à la francisque de mieux parler le français que Sarkozy ou Hollande. Mais Orsenna, nom de plume, est également de cette élite méprisante au service des lobbies et autres grands groupes financiers et du béton réunis qui appartiennent à cette frange de coteries élitistes, allez, disons-le, ceux qu’Emmanuel Todd appelle les catholiques zombies ; non qu’ils soient religieux, mais ils sont intellectuellement les héritiers de ceux qui se satisfont de la différenciation sociale et de l’inégalitarisme institutionnalisé.
Rappelons-nous une phrase de
l’insupportable Charasse, l’Auvergnat aux bretelles ministre de Mitterrand :
« Que voulez-vous qu’on fasse pour eux ? — les RMIstes — ils ne votent pas
pour nous ! » Et cette attitude a conduit ceux qui se sentent exclus de la
politique néolibérale à voter pour la frange extrême de la démagogie.
Autre particularité d’Erik
Orsenna : quand on est dans une catégorie culturelle, on s’attend à ce
qu’une certaine solidarité s’opère : un écrivain, dans la mesure où il
s’oppose généralement au pouvoir en place, reste solidaire des autres écrivains
qui défendent la liberté de pensée ; rappelons-nous également Salman
Rushdie avec Les versets sataniques
que personne n’a vraiment lu tant on aurait aimé qu’ils fussent vraiment
sataniques ; encore plus loin dans
le passé, le bien réac Soljenitsyne — Une
journée d’Ivan Denissovitch — qui ne m’a jamais passionné comme écrivain,
etc. et très récemment la Biélorusse Svetlana Aleksievitch, prix Nobel de littérature pour cette année 2015,
censurée dans son pays pour avoir raconté que la guerre est moche.
Donc, on s’attendrait que
Erik Orsenna apporte un soutien franc et solide à Erri de Luca. Au moins au nom
des événements du 7 janvier à Charlie Hebdo. Eh bien non : le soutien à
Erri de Luca d’Erik Orsenna n’est pas acquis. Et puis d’abord, Erri de Luca,
il a été d’extrême gauche, à Lotta
continua, et ça pour un pseudo socialiste reconverti au Conseil d’Etat,
c’est impardonnable.
Il y a deux types
d’écrivains : ceux qui écrivent avec leurs tripes, toute leur sensibilité,
parce que tout ça est plus fort qu’eux, parce que les claques qu’ils ont reçues
sont sublimées en mots, et redeviennent des émotions qu’on ne peut
maîtriser ; et puis il y a les premiers de la classe, ceux qui ont
toujours su briller pour faire plaisir à papa et maman, ceux dont les rédactions
étaient des modèles que le maître lisait à la classe entière pour montrer
l’exemple que constitue l’élite. Ceux-là
ont suivi le cursus honorum
des grands serviteurs de l’État et ont
choisi un camp qui n’est pas le mien, qui n’est pas celui des écrivains dont je
citais les noms il y a quelques jours.
Quoi d’étonnant si on les
retrouve à l’Académie française, les d’Ormesson, les Finkielkraut, les Giscard
d’Estaing et autres Xavier Darcos, dont on cherche vainement ce qu’ils ont pu
apporter à la littérature ? D’autres sont moins contestables dans leur statut
d’écrivain : on achète, paraît-il, leurs livres, mais leur écriture ne
bouleversera jamais personne. C’est le cas d’Erik Orsenna. Pour autant il y a
eu des gens très honorables à l’Académie française : Claude Lévi-Strauss,
Marguerite Yourcenar. Et après ? ils n’y avaient pas leur place, trop
marginaux pour cette maison de guignols enbicornés et dont le sabre rajoute
encore au folklore suranné.
Quant à Erik Orsenna,
qu’il reste à l’Académie française, c’est tout ce qu’il mérite, dans cette
institution dont le pitoyable le dispute
au ridicule. La France a toujours envié l’Égypte : elle fabrique ses
propres momies.
finalement "l'aile ou la cuisse" avait porté le fer là où cela peut faire mal en remettant la pendule à l'heure!
RépondreSupprimerPour Erik Orsenna, un autre de ses défauts (à mes yeux d'enseignante) est de voir ses oeuvres hautement recommandées par l'éducation nationale. Heureusement, mes élèves ont (déjà) un bon sens critique : ils n'ont pas apprécié le texte que je leur ai fait étudier. Je n'ai pas poursuivi l'expérience.
RépondreSupprimerBienvenue, Sharon, dans mes commentaires !
RépondreSupprimerIl y aurait quelques coteries, à l’Éducation nationale, que ça ne m'étonnerait qu'à moitié ! Et je ne parle pas des François Bégaudeau et autres anciens (?) ensseignants peu fachés de quitter la maison pour en parler de manière plus lucrative !