L'auberge des orphelins

samedi 11 juillet 2015

Rinceaux

J'avoue n'être pas très à mon aise avec les tatouages : leur côté quasi définitif participe à rendre le corps encore plus objet qu'il ne l'est, à en faire le support d'un langage éphémère dans la volonté de marquer sa peau, et inexorable tant le corps se fait mémoire de tout le vécu : la peau garde la trace des coups reçus, des passages à travers les fils barbelés, des chutes de motos, de tous les heurts que la vie renvoie ; conserve-t-elle pareillement le souvenir des amants et de leurs caresses, le passage de la langue et des plaisirs échangés ? Je reste effrayé par les goûts pervers de la collectionneuse de peaux tatouées, Ilse Koch, qui s'était constitué un petit musée des horreurs dans le camp de Buchenwald, au si joli nom, « la forêt de hêtres »... Je me demande parfois comment la cruauté pénètre les lieux les mieux protégés pour en flétrir la poésie. Mais il suffit peut-être qu'un chant resurgisse de l'horreur pour invoquer la lumière, et c'est la poésie tout entière qui reparaît pour faire triompher, au delà de l'éclat des supplices, la beauté dont l'esprit sait faire ses plus belles armes. Le néant n'y peut rien...

Et malgré ces réserves pour les tatouages, je reconnais avoir été séduit par les rinceaux qui font de ce garçon un homme-feuillage, comme j'aime à les regarder sur les chapiteaux des églises romanes...



5 commentaires:

  1. Très beau en effet. Oui, la peau se souvient. Le souvenir du sexe bandé de mon premier amant est resté très longtemps imprimé dans ma main...

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  2. ..."Mais il suffit peut-être qu'un chant resurgisse de l'horreur pour invoquer la lumière, et c'est la poésie tout entière qui reparaît..."
    Il nous faut en faire le pari, sans ciller.

    Je souhaite que votre dimanche soit lumineux, Céléos.
    Marie

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  3. Merci, Marie. Passez également une belle journée.

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  4. Heureux le jour où on apprend quelque chose (faisons un vœu) et soit remercié celui par qui ce bonheur arrive ! J'avoue avoir consulté le dictionnaire pour ce terme de rinceau approprié s'il en est (pas question de faute de frappe ou de cyrillique)

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  5. Charmé de savoir que je peux faire votre bonheur, Joseph. Allez, un moyen mnémotechnique, certes, un peu trivial, mais j'y rajoute un cil de poésie estivale et matutinale :

    Le rinceau de tes fesses où je rinçai mon œil
    A conservé son galbe et en fait son orgueil !

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Généralement, je préfère qu'on m'écrive au stylographe à plume et à l'encre bleue... L'ordinateur n'a pas intégré encore ce progrès-là !