Au creux de ta main tu joues à retenir l'eau.
Tu serres tes doigts fins.
Tu t'es amusé avec les ridules de ta paume, suivant de ton index gauche chacune des lignes qui voudraient te dire les moments de ta vie, te laisser croire aux horizons d'étoiles, te donner le nom des nefs qui vont, sans souci de destination, au gré du vent de la fortune, s'abritant dans les ports où rêvent les garçons.
Mais tu joues à retenir l'eau.
Tu y parviens davantage qu'avec le temps.
Immerge-toi et ne fais qu'un avec cet élément : il est ta nature. Reste cette onde, elle sera ta plastique ; tu t'y meus sans contrainte. Elle te rend plus souple que tu ne l'as jamais été. Aime-la. Épouse-la. Fais en le plus doux de tes amants, jamais en peine de t'apporter ses caresses, te confondant avec l'ombre de ses propres ondulations.
Et quand, amant généreux toi-même, tu auras donné le meilleur de ce que tu es, quand tu auras mêlé la transparence de ton corps à celle de l'onde,
et quand le ciel lui-même ne saura vous distinguer, vous bénissant d'azur comme seul vêtement,
sois prêt à ne plus revenir,
demeure au creux de l'onde où tu seras ce nymphe, apparaissant le soir dans le vent des fontaines.
À mon tour j'y serai écoutant ton murmure. Je saisirai ta main comme tu gardais l’eau, et tu m’échapperas, riant comme un enfant.
Et je te gronderai. Je baiserai tes doigts. Je resterai veiller jusqu’au petit matin, et là, tu t’enfuiras.
Celeos © 2015
La beauté de votre texte m'amène au bord des larmes ; pas celles de la tristesse mais de l'émotion à travers laquelle nous voyons le monde trembler dans une lumière d'eau.
RépondreSupprimerMarie
Merci, Marie.
RépondreSupprimerVous nous offrez là un texte bien émouvant, admirablement écrit. Encore !
RépondreSupprimerMerci, Silvano.
RépondreSupprimerje me réjouis à penser qu'en hiver vous nous chanterez la beauté du flocon de neige qu'on poursuit pour le saisir dans la bouche ...
RépondreSupprimerAttendons l'hiver, Joseph, mais je ne suis pas pressé !
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