L'auberge des orphelins

samedi 16 mai 2015

Oiseaux de passage

À nous tous, qui ne sommes que des oies ou des oisons, ce texte de Jean Richepin peut parler.

Jean Richepin, dont les œuvres sont devenues quasi introuvables aujourd'hui, fut académicien français. Que diable alla-t-il faire dans cette galère ? À une époque de montée de la conscience ouvrière, c'est-à-dire après la Commune de Paris, en 1871, terriblement réprimée au point que cette répression marqua au fer rouge les engagements progressistes (je parlerai prochainement de Gustave Courbet), vite étouffés par la Grande Guerre arrivée à point nommé, on s'intéressait aux gueux, catégorie un peu oubliée aujourd'hui car le terme n'est plus à la mode, mais dont la réalité revient en force avec la pauvreté croissante.

Georges Brassens, qui était un grand chineur de livres, avait retrouvé La chanson des gueux, de Richepin, livre de poèmes dont les « gueux » sont le thème principal. La pauvreté qui hante cette France des villes de la fin du XIXe siècle touche évidemment à cœur les poètes : le premier poème de Rimbaud évoque en 1869, quand il n'a que quinze ans, « Les étrennes des orphelins ».

Aujourd'hui on traiterait de « populiste » une littérature qui évoquerait ce thème. Cela confirme que les intérêts littéraires ont passablement été modifiés.

Georges Brassens reprend ainsi dans son album paru en 1969 (dont le titre général est celui de la chanson « Misogynie à part ») le poème qu'il a mis en musique, mais dont il ampute une bonne partie des quatrains (qui en comptent 28, au total), jugés par lui sans doute trop longs. Il attaque ainsi au 9ème quatrain ce qui est devenu une chanson par une adresse directe : « Ô vie heureuse des bourgeois ! » qui lui donne davantage de force. La chanson a eu une belle postérité puisque de nombreux artistes l'ont reprise.

La vidéo qui suit est l'interprétation de Jean-Paul Verdier et Jean Bonnefon, qu'un internaute a publiée sur un extrait du film d'Alain Robbe-Grillet, Trans-Europ-Express, sorti en 1966, et où l'on reconnaît la grande et regrettée Marie-France Pisier et le non moins magnifique Jean-Louis Trintignant.

Pour revenir à Jean Richepin, il me semble amusant de raconter cette anecdote : travaillant voici quelques années sur un sujet dont le populisme était au centre, je cherchais justement le livre de Jean Richepin, introuvable dans une édition récente et sur les grands sites Internet de livres anciens. J'abandonnai alors cette recherche. Et puis, un dimanche, passant par un vide-grenier non loin de chez moi, je regardai les quelques livres anciens qui traînaient çà et là sur les étals. Une couverture cartonnée reliée de cuir attira mon attention : c'était La chanson des gueux, de Jean Richepin, éditée chez Fasquelle en 1915, que j'achetai pour quelques euros...

Elle est pas belle, la vie ?



2 commentaires:

  1. Richepin ! Adolescent, je m'amusais à mettre ses poèmes en musique. C'était nettement moins bien que l'adaptation ci-dessus.

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  2. Je suis avide d'entendre votre version, Silvano !

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Généralement, je préfère qu'on m'écrive au stylographe à plume et à l'encre bleue... L'ordinateur n'a pas intégré encore ce progrès-là !