Il y avait, dans le Sidjistâne[1],
un personnage connu sous le nom d'Abou'l-Fadl al-Chouroûtî[2]
qui prisait par dessus tout les adolescents dont l'âge avait sensiblement
dépassé celui de la puberté. Comme on le voyait tourner un jour autour d'un
groupe de garçons beaucoup plus jeunes, quelqu'un s'étonna.
- J'ai appris, répondit-il, qu'une épidémie de
peste décimait en ce moment les tout jeunes garçons. Je n'ai plus qu'une seule
crainte : qu'ils trépassent avant d'atteindre leur puberté. Ce que je rêve
alors d'obtenir d'eux plus tard m'échapperait alors à jamais !
Yahya Ibn Mahmoud al-Wasiti, illustration du Maqam d’Al Hariri (Xe siècle). |
Deux homophiles s'associèrent pour chasser ensemble
leur gibier favori. Mais l'un appréciait surtout les très jeunes garçons, alors
que l'autre avouait une préférence pour ceux qui avaient franchi le cap de la
puberté. Ils ne perdaient ainsi aucune occasion de se traiter l'un l'autre de
« vicieux », chacun d’eux adressant à son compère de durs reproches
sur sa façon d’agir. Il en allait ainsi depuis quelque temps lorsque l’amateur
de jeunes garçons se trouva pris sur le fait et fut traîné au tribunal du
gouverneur avec le gamin qu’il avait séduit. On lui administra une bonne dose
de coups de fouet, après quoi on l’obligea à déambuler à travers les rues de la
ville en portant son mignon sur l’épaule. Son compagnon le rencontra au cours
de cette promenade infamante :
- Je t’avais
bien prévenu, lui dit-il, d’avoir à te méfier de tes propres habitudes, de
crainte justement de te voir subir un jour la peine qu’on vient de
t’administrer.
- Tais-toi ! fit l’autre. Tu es un sot !
Si j’avais accepté de te suivre dans la voie qui est la tienne, j’aurais en ce
moment à supporter le poids d’un grand garçon au lieu d’un petit, et, dans
l’état où je suis, j’en aurais eu les os du cou très proprement broyés !
Les Délices des cœurs, traduit par René R. Khawam, est publié aux éditions Phébus.
L'épisode de l'épidémie de peste aurait-il inspiré Visconti pour "Mort à Venise"?
RépondreSupprimerChi lo sa? La peste a bon dos (si j'ose dire) !
RépondreSupprimerDans "Mort à Venise", rappelons qu'il s'agit du choléra.
RépondreSupprimerNous n'avons pas le choix, donc, entre peste et choléra.
Exact Silvano, mais ne chipotons pas : on a souvent confondu peste et choléra, attribuant à l'un les méfaits de l'autre. Marine ou Jean-Marie, Umberto ou Matteo, c'est kif-kif !
RépondreSupprimerAttention, cependant : il y a deux Matteo, qui n'ont rien en commun.
RépondreSupprimerCerto, Renzi est plutôt honorable, il y a eu pire. Salvini est à fuir !
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