L'auberge des orphelins

jeudi 16 octobre 2014

Pinocchio, finocchio ?



On ne présente pas le héros de Carlo Collodi dont l’Italie a quelques ressemblances avec celle de la Strada de Fellini, le merveilleux et le happy end en plus. Comencini en avait tourné une belle version, dont le très jeune acteur, Andrea Balestri, est aujourd’hui devenu un bel homme.




 
Collodi avait repris un conte traditionnel dans lequel l’un des protagonistes, se promenant en forêt, voit de beaux fruits sur un figuier et les goûte. Aussitôt son nez se met à s’allonger. Par chance un autre figuier produit des fruits qui lui font l’effet inverse. Grâce à cette découverte, il récupère les biens qu’une mauvaise princesse lui avait subtilisés.

Est-il besoin de rappeler l’allusion de ce nez qui s’allonge et, qui plus est, sous l’effet de la figue, autre fruit qui possède des connotations sexuelles aussi bien masculines que féminines (de plus, la figue est le fruit de l’arbre du Paradis, et non la pomme, croyance trop ancrée !).


  

Sous l’influence de son siècle tout de moralisme, Collodi fait de l’allongement du nez de Pinocchio la conséquence de ses mensonges, et lui faire dire la vérité produit l’effet inverse. Malgré cet aspect qui nous semble aujourd’hui bien désuet, l’histoire de Collodi a gardé un charme qui provient sans doute davantage de son contexte culturel italien et toscan.


Le nom de Pinocchio peut sembler curieux à nos oreilles françaises : si nous avions traduit ce nom, comme il arrive parfois dans certaines éditions croyant mieux permettre l’accès aux personnages, nous aurions eu cette forme : Pineuil ! Avouez que ç’eût été peut-être condamner l’ouvrage de Collodi. En fait, Pinocchio est un nom diminutif qui signifie « petite pigne », c'est-à-dire « petit morceau de bois », où l’on retrouve le terme pigna accompagné de la forme diminutive latine –culus, évoluée en toscan en –cchio (comme oculus, « l’œil » en latin, a évolué en il occhio). Et comme la pigna évoque également le sexe masculin, on a tout lieu de croire que l’histoire de Pinocchio ne ferait finalement que raconter l’évolution d’un jeune garçon qui découvre ses désirs, ses plaisirs, et montre à la cantonade quels effets produit la négation de la réalité : l’imagination, le mensonge, donc, se confrontant à la réalité entraîne l’érection, et le constat contraint de la réalité provoque la flaccidité…


Un autre mot italien est phonétiquement extrêmement proche du nom de Pinocchio : il finocchio. Celui-là possède bien une traduction française sans surprise, puisque c’est le fenouil, c'est-à-dire, en français comme en italien, « le petit foin », de fino, accompagné pareillement du diminutif latin –culus. C’est un légume qui possède un goût proche de l’anis, et parfume par ses grains toute préparation culinaire. En Toscane, le salame finocchiona (saucisson au fenouil) vous a une saveur incomparable, et je me demande si, là encore, il n’y a pas une allusion un peu sexuelle… Y aurait-il des arômes et des saveurs connotés, comme Serge Gainsbourg y faisait allusion dans la chanson des sucettes à l’anis ?


Quant à Pinocchio, si on se rappelle que sa famille est composée d’un père dont l’autorité laisse à désirer, et que sa mère symbolique est une fée qui reprend seule l’autorité qui s’impose au garçon ; que son seul ami est Lucignolo, on est en droit de s’interroger : Pinocchio ne serait-il pas finocchio ?
Enfin, moi je ne sais pas, mais peut-être un lecteur pourra-t-il me donner cette origine : d’où provient le terme finocchio pour désigner un garçon qui aime les garçons ?…

Comencini avait réalisé un documentaire sur le travail des enfants, grâce auquel il avait rencontré Domenico Santoro, devenu dans son film le petit Lucignolo... 
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7 commentaires:

  1. J'avais tenté une explication dans GC, qui vaut ce qu'elle vaut. Les commentaires abondent dans mon sens ou non. C'est ici : http://gaycultes.blogspot.fr/2013/09/souvenir-ditalie.html

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  2. Merci de cette remarque, Silvano. Effectivement, votre billet m'avait échappé. Mais je crois qu'il nous faut chercher encore...

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  3. Dans la tradition juive (et la Genèse est d'abord un texte juif), c'est le raisin, le fruit défendu – sans doute à cause du vin (in vino véritas). Du reste, quand Adam et Ève se verront nus, ils prendront des feuilles de vigne comme cache-sexe.
    Merci en tout cas pour cet intéressant billet. Les contes "pour enfants" de tous pays contiennent souvent des métaphores sexuelles.

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  4. Je ne connais malheureusement pas le texte de la Torah, mais la Genèse indique : " Alors leurs yeux à tous deux s'ouvrirent et ils connurent qu'ils étaient nus ; ils cousirent des feuilles de figuier et se firent des pagnes". (Bible de
    Jérusalem). Les traditions/traductions juives et catholiques peuvent en effet différer.
    Merci, Pierre, de votre remarque.

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  5. Merci pour ce nouveau blog, je prendrai plaisir à m'y promener.
    A tout hasard, (en italien) :
    http://www.giovannidallorto.com/cultura/checcabolario/finocchio.html.

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  6. Merci de votre passage Cyril ; j'irai voir ce qu'en dit Jean Dujardin.

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  7. "Jean Dujardin" : monsieur est bilingue, vois-je !
    Ce sont les explications que me fournit (car j'enquête !) l'un de mes suiveurs transalpins.

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Généralement, je préfère qu'on m'écrive au stylographe à plume et à l'encre bleue... L'ordinateur n'a pas intégré encore ce progrès-là !